Biographie de Charles Salles (1740-1812)   print

Agrandir     Nous sommes en 1763, à la Martinique. Arnaud Salles vient de décéder à l’âge de 50 ans, laissant sa veuve Marie Françoise née Questel avec dix enfants : Pierre Arnaud, Charles, Jacques (dit le petit abbé, sans doute handicapé mental), Marie Marguerite (dite Manette), Anne Elisabeth (dite Bichonne), Jean Baptiste, Hilaire, une fille, Louis Pierre (dit Louison) et Modeste. L’existence d’au moins trois filles est attestée par une lettre de Bichonne à son frère Charles qui parle de ses sœurs. L’aîné des enfants a 25 ans et le dernier environ 8 ans. Ils habitent une propriété à Morne les Cadets et vivent de la canne à sucre grâce au travail des esclaves.

     Afin de suivre plus facilement la biographie de Charles Salles qui suit, on se réfèrera à la généalogie simplifiée de Marie Questel et quatre de ses fils.

      L’aîné, Pierre Arnaud, né en 1738, est docteur en médecine. Il a fait ses études à Montpellier et obtenu son diplôme de médecine en 1759. Il a exercé à la Ciotat où il a fait la connaissance de la famille Honnoré d’Azan, 22 enfants, dont Polixène, née en 1741, avec qui il se marie à Marseille le 9 août 1763. Ils s’installent à la Martinique après leur mariage, leur premier fils, Benjamin, naît en 1764 et une fille naît fin 1765. En 1780, la société qu’il a fondée à Marseille, Labastide et Salles fils, accueille un nouvel associé Babonneau, qui meurt quelques mois plus tard. (cf. 1780-1787 Succession Babonneau).

      En 1765, Charles, le second fils de Marie Questel, a 25 ans. Il quitte la Martinique pour s’installer à Marseille. Les premières lettres de la correspondance avec la Martinique lui sont adressées. Il épouse le 22 octobre Marie Elisabeth Emilie Moreau, née en 1745 sur l’île de la Grenade, qui réside à Marseille depuis environ un an. Sa sœur, Marie Angélique Moreau, née en 1739, habite aussi Marseille. Elle est veuve de Louis Madey dont elle a une fille, Angélique Rose, née en 1760.

     A Marseille, Charles et Emilie habitent rue Dauphine (devenue rue nationale, maison Garcin). Ils possèdent une campagne à Mazargues dont Emilie a hérité, campagne qu’ils agrandissent par des achats ultérieurs. Après un fils, Charles, mort dès la première année, Marie Anne Angélique Emilie, dite Manette, naît en 1769.
Charles et Emilie hébergent de nombreux membres de la famille de la Martinique, frères et sœurs, neveux et nièces. Deux deviendront de vrais fils pour eux : Louis (Louison pour la famille), jeune frère de Charles, et Benjamin, fils du frère aîné, Pierre Arnaud.

     C’est cette même année 1769 que Louis arrive à Marseille chez Charles et Emilie, il a alors 17 ans, Rose Madey, 9 ans ; ils se marieront 7 ans plus tard. Charles forme son jeune frère Louis au négoce et l’envoie à plusieurs reprises à Bordeaux. Les deux frères fondent une société « Charles et Louis Salles » et font affaires, en particulier avec leur frère Jean Baptiste installé à la Martinique.

     La deuxième fille de Charles et Emilie, Marie Louise Adelaïde Charlotte, dite Lise, naît en 1772.
C’est cette année-là que les quatre frères Salles : Charles, Louis, Pierre Arnaud et Jean Baptiste achètent une concession de sépulture et d’autel au couvent des Révérends pères prêcheurs à Marseille.

     C’est encore en 1772 (les 4 et 5 mars) que Charles achète ses deux premiers navires « Le Comte d’Estaing, 100 tonneaux, destiné à la côte de Guinée, et « La Masianne », 150 tonneaux, destiné aux îles. Bien d’autres achats de navires suivront. « Le Comte d’Estaing » est bien parti sur la côte de Guinée chercher des esclaves mais ces esclaves se sont révoltés. Cf. le document Charles Salles et la traite des noirs.

     En 1775, Charles et sa belle-sœur, Marie Angélique Moreau veuve Madey, achètent en indivis une maison rue du Baignoir. Ils la remplacent par une très grande maison donnant sur un grand jardin, séparée en deux lots (qui porteront plus tard les numéros 35 et 37). Charles achètera ultérieurement le numéro 39 de la rue du Baignoir.

     En 1779, Emilie donne naissance à un fils Charles Guillaume Marius mais elle tombe malade, part en Suisse pour se soigner et décède à Genève le 22 juin 1779 à l’âge de 34 ans. Charles est veuf avec trois enfants de 10 ans, 7 ans et quelques mois.

    La vie continue entre la rue du Baignoir et la campagne de Mazargues où Charles fait construire une chapelle en 1781. Charles reçoit en 1783 les fils de Pierre Arnaud, Benjamin (19 ans) et Joseph Marius (16 ans). Ils vivaient à la Martinique avec leur père ; leur mère, Polixène, est revenue à Marseille en 1770 et la séparation des époux semble effective à partir de 1772. Le cadet Joseph-Marius retournera à la Martinique mais Benjamin restera à Marseille, se mariera avec sa cousine Manette, fille aînée de Charles, et travaillera avec ses oncles Charles et Louis. Il sera aussi receveur de la ville de Marseille de 1811 à 1836.

     Les deux filles de Charles se marient en pleine Révolution : en 1792, Manette et Benjamin se marient rue du Baignoir et s’installent dans cette maison (cf. la dispense de l’évêque) ; en 1793, Lise se marie avec Joseph Achille Bousquet et le couple s'installe à Lyon. Après le mariage de ses filles, Charles quitte Marseille et n’y reviendra qu’en 1804.

     En 1793, il est à Bordeaux. Il part pour Philadelphie le 12 septembre 1794 (cf. les adieux pathétiques à son frère Pierre Arnaud). Il revient début 1798 et vit à Paris puis Hambourg jusqu’en 1802. Il s’installe ensuite à Bordeaux et revient à Marseille en 1804.

     Louis et sa famille le rejoignent à Philadelphie en 1796 et ne reviennent qu’en 1802 pour s’installer à Bordeaux. Rose Madey, la femme de Louis, décède en 1804 à l’âge de 44 ans. Ils ont eu au moins sept enfants. Parmi eux, encore vivants en 1804 : Caroline, née en 1783, Pierre Toussaint Auguste en 1789 et Frédéric en 1797. Cf. les lettres de Rose Madey à sa nièce Manette (1802) et de la veuve Madey à son beau-frère Charles (1804). Caroline s’est mariée l’année précédente avec Marie Saint-Amand Thieubert et ils ont une petite fille Marie Rose.

     On trouve dans les archives familiales la note manuscrite ci-après :
Pendant la Révolution, Charles Salles est parti pour Paris avec Mr Samatan ; celui-ci est revenu pour Marseille où il fut guillotiné. Mr Charles Salles a émigré aux Etats-Unis, puis il est allé à Hambourg où il a établi une maison de commerce. Il est entré en France en 1804. Pendant la Révolution, la maison rue du Baignoir a été mise sous séquestre. Un menuisier était établi au salon de compagnie et tous les meubles du salon étaient murés au quatrième étage. Après la loi de Bonaparte rendant aux propriétaires les biens non vendus pendant la Révolution, Mr Charles Salles reprit possession de la maison.
Il semble que Manette et Benjamin soient restés à Marseille pendant la Révolution, au 39 rue du Baignoir.

     En 1800, Jean Baptiste décède à la Martinique, laissant sa fille mineure Jeanne Louise Magdeleine, dite Lise, comme unique héritière. Jean Baptiste qui aimait Marius, fils de Charles, comme son fils voulait le voir marié à sa fille Lise et elle lui aurait donné son accord. Il précise dans son testament que, si son projet ne se réalise pas, il lègue 100 000 Fr à Marius.

     Charles et Marius partent à la Martinique pour ce mariage et pour régulariser les comptes entre Charles et Louis d’une part, Jean Baptiste d’autre part. Mais le mariage ne se fait pas, la régularisation des comptes pas davantage.

     En 1802, à Marseille, Manette et Benjamin perdent leurs deux enfants aînés, Polixène 8 ans et Charles 6 ans. Seule enfant en vie, la petite Constance, 2 ans. Manette est très déprimée.
Charles est lui-même très fatigué depuis son voyage à la Martinique et inquiet des projets de Marius et des personnes qui lui tournent autour.
Marius repart à la Martinique et se marie avec Marie Josèphe Rose "Lise" Carrère.
Sa cousine Lise, devenue majeure, se marie avec Jean Pierre Sébastien Blondel La Rougery.

Décès suspect de Marius : captation d’héritage ?

    En 1803, alors que Marius projetait de venir en France présenter son épouse à son père, il décède rapidement de maladie, laissant sa femme enceinte d’un futur Marius junior. La loi en vigueur le fera hériter des 7/9ème de la fortune de Charles, Manette et Lise n’héritant que de 1/9ème chacune. Charles écrit à sa cousine Judith Ders à la Martinique de ne rien lui cacher des circonstances de ce décès.

    En 1804, Charles a 64 ans et revient à Marseille. Il confie à son neveu et gendre Benjamin les affaires de la société Charles et Louis  et rachète à sa belle-sœur sa demi-part de la maison du Baignoir.

    Un petit Charles Salles naît en 1806 chez Manette et Benjamin. D’autres enfants naîtront mais seuls trois arriveront à l’âge adulte : Constance, Charles et Louise qui naîtra en 1816.

    Dans une lettre de 1807 à sa fille Manette, il écrit être confirmé au Vénérabilat de la Loge Ecossaise mais il demande à être dispensé de cette charge en raison de son asthme. On possède plusieurs documents de franc-maçonnerie. Charles Salles est admis au sixième grade de l’ordre le 20 mars 1788 (cf. duplicata du 1806 et autres documents).

    Charles Salles décède à Marseille le 11 février 1812 à l’âge de 72 ans.

Affaire Blondel

     Les comptes ne sont toujours pas réglés entre l’héritière de Jean-Baptiste, Lise Blondel, et la société de Charles et Louis. Une transaction avait été signée le 1er août 1807 par Lise Blondel, par Charles et Louis Salles et par leurs conseillers. Lise Blondel restait débitrice de 171 067 francs et devait régler dans les quatre ans… mais elle ne rembourse pas. On renvoie au dossier intitulé "Affaire Blondel" pour connaitre la suite tragique du différend qui oppose Lise Blondel à ses oncles à propos de cette dette.