Lettre relatant le voyage à Rome offert par la famille à Xavier et Gaby à l'occasion de leurs Noces d'or. L’Hospitalière, le 2 novembre 1954 Ma chère Paulette, Je vais m’efforcer de te donner, sur notre pèlerinage à Rome, les quelques détails que tu me demandes, ayant enfin à peu près retrouvé nos esprits et repris nos habitudes, après un événement aussi sensationnel dans notre existence, dont il est en quelque sorte le couronnement. Donc, le Lundi 4 octobre, nous nous embarquions sur un navire turc, "l’Ankara", où nos enfants (tu sais qu’ils nous offraient le voyage et en avaient réglé tous les détails à l’avance : passage à bord, chemin de fer de Naples à Rome, pension à Rome, billets de retour en avion) nous avaient retenu une cabine des plus confortables, comportant lavabo, douches, etc. Partis le soir de Marseille, nous étions à Gênes le lendemain Mardi à 8 heures ; longue promenade au Campo Santo, magnifique parc orné d’une multitude de monuments funéraires d’un effet souvent très curieux, les disparus étant représentés dans des costumes plus ou moins archaïques … Départ l’après-midi pour Naples où nous abordions le Mercredi vers 14 heures : l’arrivée dans ce superbe golfe, entre les îles de Capri et d’Ischia, est un spectacle magnifique. Pendant toute la traversée, mer parfaitement calme, temps très doux, permettant de séjourner sur le pont jusqu’à une heure avancée et de jouir de beaux effets de lune ; service impeccable, repas en musique, etc. A Naples, à peine le temps de nous faire conduire en gare pour sauter dans un train, qui nous fait débarquer à Rome à 19 heures. Pension chez des religieuses (Oblates de l’Assomption) avec chambre isolée dans un pavillon du jardin ; le Vatican n’est qu’à quelques minutes de marche et notre première visite est pour Saint Pierre le lendemain. Mais nous apprenons que le Pape, qui est à Castel Gandolfo, donne audience seulement le Mercredi et le Dimanche ; or notre place en avion était retenue pour le Dimanche matin ! Il faudra donc modifier nos plans. Heureusement cela ne fait aucune difficulté à Air France : nous faisons reporter notre départ au Lundi ; seulement ce jour-là, l’avion ne peut nous mener que jusqu’à Nice, d’où il repart directement pour Paris (le Dimanche, il nous aurait débarqués à Marseille-Marignane). Jeudi après midi, visite de Saint Paul hors les murs, du Capitole, du Forum, du Colisée, etc. Vendredi, pour ménager nos forces, nous retenons des places dans les autocars qui font visiter Rome, avec des interprètes pour donner toutes explications, c’est très commode et peu fatiguant : on marque quelques arrêts aux points intéressants et on fait des visites plus complètes où cela est nécessaire. Samedi matin, Musées du Vatican, Chapelle Sixtine, où j’aurais voulu avoir votre sens artistique pour apprécier plus pleinement tant d’œuvres magnifiques. L’après midi, Trinité des Monts, Janicule, Palatin, etc. Dimanche matin, re-re-visite de Saint Pierre, plus reposée cette fois, avec messe au tombeau de Pie X. L’après-midi, la même agence de cars, qui s’était chargée de nous mener à Castel Gandolfo et de nous assurer une audience, nous y débarquait après nous avoir fait faire le tour par Albano et son joli lac, que domine Castel Gandolfo. Foule énorme se pressant pour tenter de pénétrer dans la cour intérieure du château, qui ne peut guère contenir plus de 5000 personnes. Or, d’après les journaux, il y en avait 15000). Bousculés, pressés, nous avons fini par être portés par le flot humain jusqu’aux gardes qui nous ont enfin laissé pénétrer dans la cour, où, toujours serrés comme sardines en boîte, nous avons attendu 17 heures. Le Saint Père paraît à un balcon du 1er étage ; nous étions presque au-dessous et un peu de côté, à environ 10 mètres de lui. Accueilli par des acclamations sans fin, il a parlé en italien successivement à une dizaine de groupes religieux ou ouvriers dont il avait le dossier ; puis il a parlé en français, nous bénissant nous et nos familles ; et successivement en allemand, en anglais, en espagnol, … ; et enfin bénédiction de la foule. Lundi 11, départ en avion, très confortable ; après avoir traversé une épaisse couche de nuages, nous avons retrouvé un soleil resplendissant avec jolie vue, de nos 4500 mètres d’altitude, sur cette mer blanche et cotonneuse, et parfois, dans une éclaircie, sur l’Ile d’Elbe, la Corse. Une heure après, nous atterrissions à Nice, où, après avoir déjeuné, nous prenions le train et arrivions à 18 heures à Marseille, où nous attendaient nos enfants. Je te liasse le soin de te représenter nos impressions du beau voyage que je me sens incapable de traduire convenablement, mais tu nous connais suffisamment pour t’en faire une idée. Il me reste que peu de place pour te dire combien ta lettre nous a intéressés et pour te donner des nouvelles de la famille. J’ai d’ailleurs peu de choses à dire, sinon que Marie Boniffacy vient d’obtenir son diplôme d’infirmière et va prendre une situation à Gap. Cécile a un petit emploi chez un docteur ; Michèle prend des leçons de secrétariat. Gaby se joint à moi pour vous embrasser très fort toutes deux, conservant l’espoir que Dieu nous permettra d’aller vous revoir. Xavier Fine |