Fêtes du Centenaire de Gabrielle Salles-Fine en 1982  
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Fêtes du Centenaire de Bonne-Maman
Récit de Geneviève Pezeu-Fine des deux journées du 11 avril et 1er août 1982

Le 6 avril 1982 Bonne-Maman a atteint ses 100 ans. Tous ses enfants et leurs conjoints se réunissent le jour de Pâques à la Viste pour fêter cet évènement. Charles a dit la messe dans le salon, évoquant à l'homélie la vie de sa mère, sa foi et sa piété qui l'avaient aider à surmonter les difficultés et les deuils. Il fait mémoire des morts de la famille et en premier bon-papa dont le souvenir est très présent (sa photographie est posée sur la table de l'eucharistie).

Suit un bon déjeuner qui nécessite quand même l'emploi de toutes les rallonges de la table, comme autrefois, quand on était 16 à tous les repas !
Bonne maman souffle allègrement le chiffre 100 en bougie, tandis que les Régis de Lacheisserie soufflent ensemble le chiffre 50, car on fête en même temps leurs Noces d'or. On reçoit au salon le Dr Van Cuyck et sa femme, Isabelle Guibal, la dernière représentante de la génération de bonne-maman et quelques cousins et neveux. Celle-ci reçoit ce jour-là de très nombreuses plantes ou gerbes de fleurs et des télégrammes de félicitations. Elle est enchantée de tous les honneurs qu'on lui fait.

Mais cette fête, limitée aux enfants, semblait incomplète et on projette un grand rassemblement de toute la famille. Charles prend donc l'initiative d'interroger les différentes familles sur ce projet en offrant l'hospitalité de la maison de St Maurin, près de Rians, tout-à-fait adaptée à l'accueil des groupes. Le premier sondage paraissant favorable, il distribue une seconde circulaire avec feuillet détachable, constituant un engagement plus précis pour le logement et les différents repas environnant le jour du 1er août choisi pour la fête. Ce n'est pas une date idéale, car les routes vont être terriblement encombrées, mais elle est retenue car la famille Lacheisserie est déjà réunie, nombreuse, la veille, pour une fête de famille.

Dès la nuit du vendredi, on commence donc à converger vers St Maurin. Le samedi est consacré à confectionner les badges de couleurs différentes, suivant les branches familiales, qui seront portés par chacun et un petit musée familial comportant les photos de Xavier et Gabrielle à 6 et 10 ans, puis fiancés, et enfin pour leurs noces d'or, chaque fois installés dans le même fauteuil, la photo de leur mariage en 1904 et les menus du repas de noces, des généalogies de la famille sous des aspects diférents, circulaire ou en forme d'arbre, des statistiques d'implantation des différents membres de la famille, des professions, etc.

La tribu comprend 186 membres répartis sur 5 générations. Les familles arrivent à toute heure, venant de tous les coins de France et s'installent dans les chambres attribuées à chacune. Les plus jeunes font vite connaissance tandis que les cousins plus âgés se reconnaissent à grands cris joyeux. Les repas dont la confection est assurée par une cuisinière de Rians, aidée par nos jeunes, sont l'occasion d'échanges sympathiques dans la salle à manger où trône la photo du père Timon-David.

La matinée du dimanche voit encore l'arrivée de nombreuses famille ou couples, en particulier les Lacheisserie descendus en masse de St Vallier et des cousins un peu plus éloignés, ravis d'avoir été invités à la fête. Vers midi, on est invité à se rendre dans le bosquet derrière la maison, en apportant chacun une chaise pour la messe. Charles revêt les vêtements sacerdotaux et, après un mot d'introduction, dit la messe. Des feuilles ont été distribuées pour coordonner réponses et chants, le sanctus est chanté en latin pour en satisfaire certains. Charles évoque la vie de sa mère, de ses parents, leur foi, leur piété, leur sens de la famille qui permet ce rassemblement.
Les intentions de prières lues par des représentants des différentes générations, invitent à rendre grâce pour les traditions familiales et religieuses transmises et à transmettre, à prier pour les absents, en particulier ceux de Mexico et Managua qui nous ouvrent à une dimension plus universelle, pour les présents, ceux qui ont des difficultés morales ou matérielles, enfin pour bonne maman.
Au memento des morts, on cite les noms de Bon papa, Marie-Thérèse, Yvonne, Maurice, Xavier et Gaby de Soras tués à la guerre, Yvonette, Gaston, Mado et le petit Frédéric fils de Bernadette de Lacheisserie. Les petits enfants, assis par terre, participent avec attention tandis que les bébés se manifestent par leurs cris.

Ensuite on revient sur le devant de la maison où des tables sont disposées sous les platanes. ceux qui le désirent vont chercher des repas froids mais copieux, disposés sur des plateaux, tandis que d'autres ont apporté leur pique-nique. Chacun s'installe où bon lui semble et on attaque les agapes fraternelles et détendues qui permettent les échanges et les retrouvailles. Le vin rosé, la glace te le café sont offerts à tous par bonne-maman dont on regrette l'absence (Béatrix ayant jugé prudent de ne pas l'amener et les Bernard Fine s'étant proposés pour la garder).

A la fin du repas, Charles apporte un micro et, successivement, Albert Fine, neveu de bonne-maman, auteur de la plaquette "Quelques Fine du passé" vivement appréciée de tous, prend la parole puis Juliette Guibal en tant que dernière représentante de la génération qui était présente au mariage de Xavier et Gabrielle en 1904 ; elle s'exprime avec émotion mais grande facilité pour ses 85 ans. Enfin Jeannette de Soras puis Jacques lisent un texte relatant tous les évènements de la vie de la centenaire. On termine par des acclamations, en particulier à l'adresse de Béatrix, toute dévouée à sa mère et de Charles, merveilleux organisateur de ces journées. On prend de nombreuses photos.

L'après midi se poursuit en de longues conversations de groupes à groupes, chacun portant son nom sur les cartons de couleurs différentes, les plus jeunes criant, courant, se baignant dans la fontaine, le tout par une température très agréable.
Le soir, 20 personnes s'étaient inscrites pour le repas mais on était encore 60. Charles a fait face et a nourri parfaitement chacun. Ceux qui doivent reprendre leur travail le lendemain prennent de nuit les routes du retour bien moins encombrées que la veille. Certains restent encore lundi, faisant du tourisme dans cette jolie région.
Enfin le mardi, les derniers quittent St Maurin, ravis de cette rencontre familiale, bien décidés à recommencer périodiquement.


Texte sur l'histoire de la famille lu par Jeannette et Jacques le 1er Août 1982

Pourquoi sommes-nous réunis ici ?
Parce qu'un jour, un petit garçon de 5 ans, Xavier, s'est penché sur le berceau de sa petite cousine, Gabrielle, et a laissé échapper son premier cri d'amour : "elle est belle comme une princesse !". Ce fut le début d'un beau roman d'amour dont témoignent ces photos que beaucoup connaissent : Xavier et Gabrielle à 5 et 10 ans environ, tendrement assis dans le même fauteuil. Puis 16 ans plus tard, c'est le brillant lieutenant de chasseurs alpins et la gracieuse jeune fille, essayant le jour de leur fiançailles de s'asseoir dans ce même fauteuil, devenu trop étroit pour les recevoir1.
Et pour leurs Noces d'or en 1954, dont beaucoup se souviennent, nous les retrouvons encore dans le même fauteuil entourés d'une nombreuse descendance.

Car, entre le 28 avril 1904, jour de leur mariage2, fêté dans la maison de famille de la rue du Baignoir, et ce 28 avril 1954, il y avait eu la belle aventure de la mise au monde et de l'éducation de 13 enfants ! On avait beau être aidé, en particulier par Melle Berlandier, "Lelle" pour les intimes, ce n'était pas une petite affaire !

Nous avons eu la chance de les accompagner tout au long de leur vie par le "Journal de la Viste" où sont relatés les faits principaux de l'Hospitalière, belle maison, témoin de tant d'évènements familiaux et berceau de leurs ancêtres communs — ils étaient en effet tous les deux petits-enfants d'Albert Fine qui avait épousé Constance Strafforello, dite "la belle Andalouse". Lui-même était le petit-fils de ce Jacques Fine qui était descendu à Marseille de Villard St Pancrace, près de Briançon. Beaucoup d'entre nous ont du lire "Quelques Fine du passé", passionnante plaquette de notre cousin Albert Fine, aîné de la branche des Albert (Nous l'en remercions au passage).

La jeunesse de maman pleine de joie et d'entrain s'est épanouie au milieu d'un grand nombre de cousins et cousines venant de la Sumiane et de la Bonnette, maisons voisines de "l'Hospitalière" où tous se retrouvaient l'été, pendant les vacances.
Maman a eu trois sœurs religieuses et une sœur mariée, tante Claire Perrin, nos deux familles se réunissaient tous les étés à l'Hospitalière, accueillies par de charmants grands-parents.

Après une vie de garnison à Chambéry, Papa et Maman ont habité en ville, au Bd Dugommier (d'Athènes autrefois), au dessus de nos grands parents Salles.

La famille s'agrandit, on en est au n°10. L'appartement devenant trop petit, on achète en 1921 le château St Antoine à St Menet, grande propriété de 20 hectares où tous les enfants peuvent s'ébattre à leur aise et où sont nés les trois derniers.

A la mort de nos grands-parents Salles, en 1931, on s'installe à l'Hospitalière qui revient ainsi aux Fine. Les murs de la vieille maison ont été témoins, depuis ce jour, des joies, des soucis et des tristesses que connaît toute vie de famille. L'année 1928 avait connu 2 départs avec le mariage de Marthe à St Menet avec Pierre Boniffacy et l'entrée d'Yvonne chez les Bénédictines à Solesmes. En 1932, c'est le mariage de Madeleine avec Régis de Lacheisserie dont nous fêtons cette année les noces d'or ; en 1933, celui de Jeannette avec Gaby de Soras. Après ce sera le tour des garçons : Jacques épouse Geneviève Pezeu en 38, Pierre , Jacqueline Richer en 45. En 48, Edouard épouse Jeanne Besson et Bernard, Suzanne Lajoinie. Entre temps Béatrix était entrée chez les Petites Sœurs de l'Assomption (1940).

Depuis un an Maman vivait une nouvelle guerre après avoir connu celle de 14-18 et l'éloignement de papa en Tunisie.
Après la mort de Maurice à 14 ans en 1937, de nouveaux deuils atteignent la famille. Nous payons un écot à la guerre : la mort de Gaby et de Xavier en 40, la captivité de Pierre.
L'Hospitalière a été occupée par les Allemands et Maman a défendu avec beaucoup de dignité l'honneur de la maison. Son caractère énergique s'est encore révélé, en 44, au moment de la Libération où l'Hospitalière a été prise entre les feux des Allemands et ceux des Alliés qui arrivaient par Château Gombert.
Nous avons d'ailleurs parmi nous des témoins de ces journées historiques. La vieille chapelle et la grotte servaient d'abri pour tout le quartier et maman passait d'un groupe à l'autre pour soutenir le moral3.

Puis la vie continue, nous avons le chagrin de perdre Marie-Thérèse en 47. En 53, c'est l'ordination de Charles, chez les Pères de Timon-David et, en avril 54, nous fêtons les Noces d'or de papa et maman, entourés déjà de nombreux petits-enfants. Une photo les montre, assis de nouveau dans le même fauteuil. A cette occasion ils ont vogué vers Rome et sont revenus en avion, maman prenant son baptême de l'air.

A ces joies de famille se mêlaient de nouveaux deuils, la mort d'Yvonne en 55, puis celle de Robert à la guerre d'Algérie, de Gaston, d'Yvonnette et du petit Frédéric.
En août 62, à la suite d'un accident de voiture, Papa s'éteint à l'âge de 86 ans. Nous entourons maman qui reste le centre de l'Hospitalière, fanion levé face au agressions de la ville et aux nombreuses mutilations que subit la campagne.

C'est encore elle qui nous réunit aujourd'hui pour son centenaire et, bien qu'elle ne soit pas présente, nous pouvons tous l'acclamer.
Pour Bonne Maman, hip, hip, hip, hourrah !
Pour les Pères de Timon-David (encore un cousin) qui nous accueillent à St Maurin et pour oncle Charles qui a tout si bien organisé : hip, hip, hip, hourrah !

1 Ces trois photos étaient exposées au "musée familial".
2 La photo de leur mariage et les menus apportés par Juliette étaient également exposés.
3 Juliette Guibal (85 ans) a distribué une plaquette, "La libération de Marseille vue de la Viste", journal de ces évènements historiques, après avoir dit quelques mots plein d'émotion comme dernière représentante de la génération de bonne-maman.