Généalogie Salles Descendance Marie Questel
Petit retour en arrière Il est conseillé de lire la biographie de Charles Salles (1740-1812) avant de lire cette page. Petit retour en arrière [Haut de la page] En 1800, Jean Baptiste décède à la Martinique, laissant sa fille mineure Jeanne Louise Magdeleine, dite Lise, comme unique héritière. Cf. Testament de Jean Baptiste Salles du 5 août 1792. En 1802, Marius repart à la Martinique et se marie avec Lise Carrère. Lise a hérité de son père l'habitation sucrerie du Morne des Cadets mais aussi de dettes envers ses oncles Charles et Louis Salles. Après des discussions sur le montant de la dette et le mode de calcul, une transaction est signée le 1er août 1807 par Lise Blondel d’une part, par Charles et Louis Salles d’autre part. Lise Blondel reste débitrice de 171 067 francs 50 cents et doit régler dans les quatre ans… mais elle ne rembourse pas. La dette et ses intérêts augmentent au fil des ans donnant lieu à des relations de plus en plus difficiles et des actions en justice entre les deux parties. Procès de 1837 [Haut de la page] Cette affaire est retracée dans les deux documents imprimés suivant, datant de 1837 :
Résumé de l’affaire [Haut de la page]
Voici un résumé de l’affaire extrait du premier document. « Le 1er août 1807, une transaction intervient entre Madame Blondel et ses deux oncles MM. Charles et Louis Salles. Madame Blondel n’avait rien perdu dans l’affection de ses oncles ; elle les trouva toujours bienveillants et dévoués ; ainsi, M. Blondel ayant eu besoin de sommes considérables, s’adressa à MM. Charles et Louis Salles ; son compte-courant chez eux le porte débiteur, à la date de 1816, d’une somme de plus de 40 000 f. Vers la même époque, Madame Blondel vendit à la Martinique, une maison, provenant de la succession de son père ; cette vente produisit une somme de 87 000 f. Madame Blondel vendit à M. d’Arod (Ndt : le comte d’Arod, et non d’Harode comme orthographié dans les deux documents, est le gendre de Lise Blondel) une portion de son habitation du Morne des Cadets ; celui-ci voulut purger la propriété qu’il venait d’acquérir des inscriptions qui la grevaient : un ordre fut ouvert. M. d’Arod chercha à faire écarter la créance hypothécaire de MM. Charles et Louis Salles, mais il n’essaya pas de contester leur qualité de créancier ; seulement il prétendit qu’on ne pouvait pas se prévaloir de l’inscription renouvelée en 1829, parce que cette inscription était prise au nom de M. Louis Salles, décédé, au lieu de l’être au nom de ses héritiers. L’apparition subite de ces papiers éveilla la sollicitude des ouvriers de M. d’Arod. D’autres auraient dédaigné de vieux débris ; ceux-ci, au contraire, doués d’une pénétration merveilleuse, en comprirent aussitôt l’importance, et coururent avertir M. d’Arod qui n’était pas sur les lieux. M. d’Arod se rendit à l’instant, et reconnut sans hésitation dans les papiers vermoulus qui s’échappaient du baril, la correspondance et les comptes de MM. Charles et Louis Salles. Ce serait peu que ce premier succès ; mais à l’avantage d’avoir recueilli ces papiers, M. d’Arod joignit celui d’en mesurer toute l’importance, et de pouvoir les faire apprécier par les personnes qui se trouvaient auprès de lui. Il eut l’heureuse pensée de leur faire remarquer que les papiers qu’il avait dans ses mains, et si à propos échappés de leur prison, étaient la correspondance et les comptes de MM. Charles et Louis Salles pendant une partie de l’année 1792 et les années 1707 et suivantes, et notamment les lettres du 30 mars et du 12 juin 1792. Les preuves du Comte d’Arod [Haut de la page] Les preuves fournies par le Comte d’Arod, le 20 juillet 1837 devant la Cour royale de Bordeaux sont les suivantes : « La créance réclamée à Mme Blondel, fille de J.B. Salles, par les ayant-cause de ses oncles, Charles et Louis Salles, est, en réalité une différence résultant d’une somme de 186 077 livres, dont ces derniers ont donné crédit à leur nièce en assignats (1), dans un compte annexé à une transaction et qui a été évidemment encaissée en numéraire. La somme rétablie en numéraire dans le dit compte, non seulement la différence qui se compose d’une perte sèche de 43% sur la valeur des assignats, n’existerait pas, mais encore le solde du compte serait, aujourd’hui, en faveur de Mme Blondel, pour environ cent mille francs ». On lit en fin de ce document « La créance des héritiers Salles n’est pas légitime, quoiqu’elle continue à être légale, la Cour ayant statué que sur le droit. Les héritiers Salles sont réellement les débiteurs de Mme Blondel ; la conscience a aussi ses droits qui dominent tous les autres et qu’une spoliation à moitié condamnée ne peut anéantir. Miron, près Saint Pierre de la Martinique, le 20 juillet 1837 Réponse des avocats des héritiers de Charles et Louis Salles [Haut de la page] Dans le Mémoire déjà cité ci-dessus, on a la réponse des avocats des héritiers de Charles et Louis Salles à ces critiques page 69. « Le compte général approuvé et signé en même temps que la transaction, le 1er août 1807, ne faisant qu’un avec elle, porte la mention expresse de la réduction en assignats (1), d’après l’échelle de dépréciation des Bouches-du-Rhône. Je viens à l’instant de copier les trois articles de ce compte, formant l’ensemble de 186 072 livres en numéraire et accompagnés chacun de la clause de réduction d’après l’échelle de dépréciation. [ …] Fin 1837, le duel [Haut de la page] Le procès de 1837 est gagné par les héritiers de Charles et Louis Salles. Le Comte d’Arod écrit alors le 21 juin 1837 une lettre incendiaire à M. Belloncle, petit-fils de Louis Salles, alors à Pointe à Pitre, Guadeloupe. M. Belloncle répond au Comte d’Arod à Saint Pierre de la Martinique deux petits mots, le 9 juillet 1837 : puis, le 12 septembre 1837 : Vivez, Monsieur, puisque la vie vous est si chère, je vous la laisse car désormais il n’y aurait plus ni honneur, ni courage à vouloir vous l’ôter. Le duel entre le Comte d’Arod et L. Belloncle a quand même lieu en décembre et le Comte d’Arod est tué. Mr Bertinat, notaire de la famille d’Arod, écrit alors à M. Belloncle le 24 février 1838 afin de trouver un compromis : ne pas le poursuivre en justice contre l’annulation de la dette. Mais dès le 30 décembre 1837, M. Belloncle écrit à ses cousins qu’il ne faut pas accepter les propositions que ne manquera pas de faire Madame Blondel. « Madame Blondel n’a qu’une proposition à nous faire qui pourrait nous convenir ; ce serait de nous abandonner son habitation. »
Pétition à la Chambre des députés pour l’expropriation forcée à la Martinique (2) M. Belloncle joint à sa lettre du 30 décembre 1837, une « pétition pour l’expropriation forcée » à présenter « à la chambre des députés lors de la prochaine session, le jour même de l’ouverture. » Epilogue [Haut de la page] C’est le 27 avril 1848 que sont promulgués le décret d’Abolition de l’Esclavage et divers décrets relatifs à l’Abolition de l’Esclavage et à l’Organisation de la liberté et, en particulier, le décret sur l’expropriation forcée. Lise Blondel avait déjà vendu la moitié de son habitation-sucrerie du Morne des Cadets à son gendre Louis Marie d’Arod en 1830. Pour la part qui lui restait, elle avait signé un contrat d’exploitation avec Charles Depaz. En 1853, Louis Belloncle se rapproche de ce dernier pour acheter à parts égales avec lui la propriété de Lise Blondel. Nous reviendrons sur l’histoire de l’habitation-sucrerie des Salles au Morne des Cadets et de la succession de ses propriétaires et de son exploitation dans un prochain document. (1) Note 1 : A propos des assignats [Haut de la page] A propos des assignats dont il est question lors du procès on trouve des informations sur un site de l’université de Poitiers : Les choses vont cependant évoluer rapidement. En septembre 1790 les assignats cessent de porter intérêt et sont reçus «comme espèces sonnantes dans toutes les caisses publiques et particulières». Le montant des émissions s'élève dans un mouvement qui s'accélère jusqu'en 1796. Face à cette prolifération de papier-monnais, le gage des domaines nationaux auquel on continue à faire référence devient illusoire et la valeur des assignats s'effondre. Le 19 février 1796, le Directoire décide d'arrêter les émissions et de détruire solennellement la planche à billets, place Vendôme. L'assignat est remplacé par un nouveau papier-monnaie, le mandat territorial. La dépréciation de cette nouvelle monnaie est si rapide qu'une seule coupure est imprimée et le 17 mai, on revient à la monnaie métallique. (2)Note 2. A popos de l'expropriation [Haut de la page] Il faut noter en effet que la Martinique jouissait encore de l’exemption de saisie immobilière. L’origine de cette exception date de l’arrêté du 7 novembre 1805, qui promulgue le Code civil : « Considérant que les propriétés dans les colonies se composent essentiellement d’esclaves et de manufactures, il en résulte que les partages de famille ne peuvent s’effectuer de la même manière qu’en France, que l’exécution actuelle de l’expropriation serait ruineuse par les habitants à raison de leurs dettes anciennes, et quoique admissible pour celles à venir, la nature des propriétés composées d’esclaves et d’usines, sujettes d’ailleurs à des accidents ruineux, exige un mode d’expropriation différent de celui qui s’exécute en France. » Dans l’ouvrage suivant, « La Martinique en 1842 ; intérêts coloniaux, souvenirs de voyage » en libre accès sur Internet, l’auteur E. de la Cornillère cite M. Bernard Feissal, vice-président du conseil colonial de la Guadeloupe : Une commission est instituée par décision royale du 26 mai 1840 pour l'examen des questions relatives à l'esclavage et à la constitution politique des colonies. Cf. en libre accès sur Internet le rapport de 1843 remis par cette commission au Ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies C’est le 27 avril 1848 que sont promulgués le décret d’Abolition de l’Esclavage et divers décrets relatifs à l’Abolition de l’Esclavage et à l’Organisation de la liberté et, en particulier, le décret sur l’expropriation forcée. |