5 Juin 1846 - Lettre d'Anaïs Bousquet à sa cousine Constance Salles 

Résumé :
5 Juin 1846.De Fontaines, lettre d'Anaïs Bousquet à sa cousine Constance Salles.
Merci de votre lettre à Valentine à l'occasion de ses couches (une adorable fille Albane).
Je suis allée 6 semaines à Paris avec son fils qui change de situation et va faire du commerce.
Nos compliments à Adèle sur le mariage de sa sœur avec M. d'Astros.
Achille va bien et a développé ses affaires depuis 2 ou 3 ans.


Fontaines le 5 juin 1846

Ma chère Cousine,

J’ai tout à fait négligé dans le temps, et cela à mon grand regret, je vous l’assure, de vous remercier de votre bonne lettre à l’endroit de la couche de Valentine.

J’espère ma bonne Cousine que vous me pardonnez un peu ce manque d’égard, quant vous saurez que juste après un mois de l’accouchement de ma bonne fille, voyant que tout allait bien, qu’elle avait encore sa garde, -excellente femme- pour un mois, je me résolus subitement à partir pour Paris avec mon fils. Ce dernier désirait beaucoup faire ce voyage, une fois encore avant d’être complètement soumis aux exigences du commerce, carrière qu’il a tout à fait adopté. Il n’était point placé dans ce moment là, à notre satisfaction, au contraire.

Nous avons donc saisi cette occasion de lui faire plaisir d’abord, puis de le tirer d’un endroit défavorable pour lui : chercher à saisir quelque chose de mieux.

J’ai passé six semaines à Paris avec lui, y trouvant ma tante Mayeuvre ainsi que ma cousine Mme Rey, qui y sont même encore, bien qu’y ayant passé tout l’hiver. A mon retour le 9 mai j’ai retrouvé ma petite fille, bien gentille, bien développée et bien portante. Aussi ai-je été si heureuse que Paris s’est effacé de mon souvenir tout aussitôt.

Cette chère petite Albane fait notre joie à tous. Maintenant elle se délecte à Fontaines où nous sommes établis seulement depuis le samedi veille de Pentecôte.

La lettre de la bonne Louise à Valentine a été un plaisir pou nous tous, veuillez bien le lui dire. Mais comme j’ai voulu d’abord vous écrire, ma chère cousine, cela fait que la pauvre Valentine est un peu mise à l’arrière pour sa réponse à sa chère Louise.

Nous sommes bien heureux de savoir vos santés bonnes à tous, et que mon oncle aille toujours aussi bien. Les nouvelles du filleul, des enfants en général, nous ont bien intéressés.

Veuillez je vous prie, chère amie, offrir à Adèle notre compliment sur le mariage de Mademoiselle Straforello. Mon gendre était fort lié avec Mr d’Astros et a conservé de lui le plus aimable souvenir. Voilà qui aura fait des joies et du mouvement dans la famille d’Adèle.

Achille se porte bien, il est excessivement occupé étant toujours seul et cependant ayant beaucoup étendu ses affaires depuis 2 à 3 ans. Comme il a persisté à ne point prendre son fils avec lui, celui-ci est entré immédiatement à son retour de Paris, dans une nouvelle maison de fabrique, où nous nous avons le bonheur de le savoir parfaitement content et bien placé.

Il a été bien posé, bien raisonnable pendant son séjour à Paris, ne me quittant jamais et cela par goût. Aussi je remercie le Ciel qu’il nous le conserve toujours prudent et réservé. C’est jusqu’à ce jour, ce qu’on peut appeler un bon sujet. Combien ma pauvre belle mère serait heureuse, elle qui appréciait si fort cela !

Valentine nourrit sa petite fille sans fatigues, mais sans avoir beaucoup de lait. On y suplait par deux petites soupes par jours et du lait de vache. L’enfant est superbe, ne pleure jamais, dort toute la nuit et ne donne point de peine. Cela durera ce que cela pourra, mais c’est toujours autant de pris.

Voilà bien des détails sur nous tous ma bonne Constance. Vous voyez à quel point je compte sur votre bonne amitié puisque j’ose fatiguer vos pauvres yeux à les lire. Mais entre parents qui s’aiment il faut un peu savoir comment on vit tout d’abord offre quelque intérêt. Ecrivez nous bien toujours sur Marseille et votre intérieur de famille, tout ce que vous pourrez nous en dire.

Offrez je vous prie à mon Oncle, nos bien affectueux respects, à votre belle-sœur, sœur, frère, mille compliments d’amitié, beaucoup de caresses à ces chers petits enfants. Je rumine d’aller vous surprendre au printemps prochain, et de vous donner par là, à tous, le bon exemple des petites visites, pour ne pas se perdre de vue entièrement.

Valentine voudrait bien faire semblables escapades, mais la pauvre enfant n’est plus libre du tout, enfant et mari,-agent de change-, sont là pour le lui rappeler. Du reste comme il s’y rencontre de bien douces compensations, les regrets sont bien adoucis.

Adolphe Magnin est toujours le mari par excellence, il vous plairait par sa douceur, son extrême bonté, et ses bons sentiments religieux. On trouve en lui un vrai catholique pratique. Encore un regret pour moi que ma bonne Melle Lise, n’aie pas joui un peu de temps, d’une chose qu’elle a tant désiré : le mariage de sa petite Valentine avec un brave jeune homme…

Adieu chère Constance. J’abuse de vos yeux, mille pardons et je vous embrasse bien affectueusement ;

Toute à vous de cœur.

Anaïs Bousquet


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