Résumé Lyon le 2 mars (1845 ?) Ma chère Constance, le désir de t’écrire est dans mon cœur. Tous les jours, si longs pour moi, dans mon isolement, je gémis des tristes douleurs qui me privent de ce plaisir, tu les connais n’en parlons donc qu’à Dieu, et venons essayer d’être moins malheureuse aujourd’hui. J’ai reçu ta bonne lettre avec un vif intérêt. Tes vœux sont exaucés je l’espère, nous nous reverrons peut être encore, c’est ma plus chère espérance, je ne voudrai pour rien au monde la perdre. Oui, les époques de la vie renouvellent les chagrins et je comprends mieux que personne ce que tu éprouves de n’avoir plus cette bonne mère, ce guide sûr, cette amie de tous les instants : Dieu seul peut calmer l’amertume des regrets, mais non les éteindre. Ce nouveau né a mis un peu de joie dans votre maison. Les plus amateurs de filles sont tout réjouis surtout pour ce bon Charles à qui cela fait tant de bonheur. L’heureuse délivrance d’Adèle m’a ôté une grande inquiétude, car les couches ne sont pas toujours aussi bonnes, faire 9 enfants si bien portants, c’est une grâce toute particulière dont il faut remercier Dieu. Adolphe a fait un sacrifice à la raison en allant pas à Marseille, il aura le temps de voir son filleul et n’est pas le moins heureux d’avoir un garçon. Maintenant parlons des regrets de la mort de Mme Suchet, parlons de son testament, et surtout de l’amitié, de la bienveillance qu’elle a toujours eu jusqu’à son dernier soupir (car son nom a été la dernière parole) témoigné à mon fils. Je pense qu’on vous a parlé de sa mort prompte, mais non imprévue, car elle devait ce jour là recevoir le bon Dieu par dévotion. Elle pria mon fils la veille, d’accompagner le viatique, ce qu’il fit sans Adolphe, car cette cérémonie se trouvait après l’enterrement du fils de Mr Gaillard avec lequel nous sommes si intimes et l’enfant de 16 ans élève aussi des Minimes. Adolphe monta jusqu’au cimetière sans se douter qu’il trouverait sa tante morte. |
Lorsque mon fils revint de l’église Mme Mayennere s’approchant de sa sœur lui dit « Achille est là de retour », il va à ses affaires : alors elle sortit sa tremblante main et touchant celle de mon fils elle dit ces dernières paroles : mon bon Achille. Dix minutes après elle n’était plus. Cette mort est une perte pour lui et pour tous. Cependant on ouvrit le testament, les quatre sœurs ont leurs enfants qui les représentent, sont héritières par égale portion, mais Adolphe et Valentine ont chacun un legs de dix mille francs. Ensuite se trouve encore un legs de 12 mille à Anaïs motivé par l’accueil si bon, si bienveillant qu’elle a reçu de mon fils à Fontaines depuis que cette maison lui appartient. Enfin tout calcul fait, ils auront 45 milles, le tiers de la fortune qu’elle laisse, fortune claire et facile à partager. Mme Liebaud est revenue avec mon fils. Mme Ruy restera avec Mme Mayeuvre. Tous ces détails de famille vous intéresseront j’espère, mais ils doivent rester entre nous, quoique ce ne soit pas un secret. Je t’envoie le bulletin de la petite. J’aurai voulu écrire à Jenny, mais j’ai besoin de repos. Je l’ai vu il y a quelques jours, sa santé est bonne, quant à Louisine sa santé ne lui permet pas de sortir. Je ne l’ai pas vu depuis la veille du jour de l’an, ne pouvant aller à la pension. Le temps est affreux, alternativement neige vent glacé, mes yeux s’en trouvent mal mais ma santé est assez bonne. Je dors peu. Mme Mehut a un rhume de trois semaines. Juges quel isolement pour moi. Patience. Si je pouvais, j’écrirai plus souvent, c’est ma grande peine. J’ai reçu la lettre de Louise du 28, je l’en remercie. J'embrasse Charles et tous, enfin mille amitiés à ton père, je pense souvent à lui et regrette de vivre loin de lui et de vous tous. Je te prie de dire à Charles que mon abonnement à la Gazette est fini depuis hier, je serai fâchée d’avoir une interruption en ce moment. Qu’il m’abonne pour six mois, afin de lui éviter de la peine. Quelqu’un a dit à mon fils que Blondel était à Paris. Adieu ma bonne Constance, je t’embrasse tendrement. Pas de signature Pas d'adresse |