25 Janvier 1842 - Lettre de Lise à sa Constance  

Résumé :
Lyon 25 janvier 1842. Lettre de Lise à Constance.


Lyon 25 janvier 1842

Ma chère Constance, malgré ma bonne volonté de répondre plus tôt à ta lettre du 30 décembre, j’ai jugé dans ma sagesse, qu’il fallait commencer par complimenter le père aux filles et que compliment quant au père de l’enfant mais bien sincère pour l’heureuse délivrance d’Adèle qui au moins est délivrée de crainte pour le présent, l’avenir est dans les mains de Dieu. J’espère qu’elle va toujours bien. Je ne demande pas si elle se ménage, puisque personne ne l’inquiète et qu’elle s’est dominée par de bien fausses idées.

Parlons de toi, ma chère Constance. Je te remercie de ta bonne lettre et de tes sentiments bienveillants pour moi. Je suis peinée de ne pouvoir t’écrire et recevoir plus souvent de tes nouvelles. La pluie, le froid, l’affreux climat que j’habite ne convient point à ma poitrine, je tousse beaucoup et les yeux me font grand mal ; je m’en aperçois surtout quand je voudrais écrire à mes bonnes nièces, cependant je ne suis pas malade, mais j’étais mieux pendant le froid, maintenant neige et pluie. Je patiente, je reste près de mon feu seule avec Dieu. Je prie et je pense à vous, je regrette notre séparation. Mais l’idée consolante c’est que vous m’aimez tous, que vous parlez et parlez de moi à ma pauvre sœur, je vous suis dans vos tristes occupations.

Je me dis que nous nous reverrons encore, sans trop approfondir ce vouloir, cette possibilité. Voilà donc encore une fille. Je l’avoue c’est un peu trop, cette pauvre enfant née le même jour que moi mais après deux époques de prescriptions, sera j’espère, plus heureuse. L’étoile mauvaise a eu tout le temps de devenir bonne je le lui souhaite de cœur, mais ma chère Constance, j’ai la ferme espérance comme toi que l’influence du jour lui donnera un cœur comme le mien, tout dévoué à ses bonnes tantes.

J’embrasse ma petite Marie. Je parlais à Charles dans ma lettre des jeux gymnastiques j’ai peur de ne pas m’être bien expliquée. Ce n’est point pour redresser la taille, mais pour aider au développement, pour grandir. S’il est possible, sous ce rapport je ne cesserai de le recommander pour les deux aînés ; peut-être que ce sera inutile pour elles comme pour Valentine qui le regrette bien aujourd’hui.

Voilà enfin une lettre de Louise et des nouvelles de tous je l’en remercie et lui écrirai bientôt. Je n’ai rien de particulier à te dire. Les enfants de Jenny, je sais qu’ils vont bien mais je n’ai vu personne, hors le domestique depuis le jour de l’an ; n’ayant pas la grande Marie et la petite. Etant fort enrhumée, le temps affreux, je ne puis envoyer chercher Fanny, je pense qu’elle voudrait être auprès de ta mère , mais elle est si bien ici, les occasions seront rares encore longtemps, c’est dire qu’il le veut ainsi.

Dis à ta mère que je ne l’oublie pas que je l’aime mais que je ne puis encore lui répondre. Je passe tristement mon temps. Ma gazette me distrait beaucoup, mais contribue à mon mal aux yeux tu le comprendras ma chère Constance, mais les nouvelles m’intéressent je ne puis résister à le parcourir avant le soir, où vient Mme Méhut, elle apporte souvent la Gazette de France et nous lisons avec intérêt des articles signés Bessange. Je pense alors à ton père et je regrette de n’être pas auprès de lui. L’ouvrage de Mr Blanc sera bien intéressant, je reçois à l’instant mardi des nouvelles de l’heureuse arrivée de mon fils à travers des montagnes de neige. Son voyage sera d’un mois au plus.

Anaïs et Valentine vont bien, cette dernière a fait briller ses talents pour le chant et le piano mercredi passé chez ses tantes. Il y avait beaucoup de monde en famille cependant, mais je n’y étais pas. Elle est toute fière qu’on ait donné son nom à la 7ème.

Adieu ma chère Constance. J’embrasse ma bonne sœur et vous mes chères nièces de tout mon cœur. La neige tombe en abondance.


Adresse :
Mademoiselle Constance Salles
Rue du Baignoir N°35
Marseille

Cachets de la poste :
LYON 26 JANV 1842 et MARSEILLE 27 JANV 1842