10 Mai 1841 - Lettre de Lise Bousquet à Constance Salles

Résumé
Lyon le 10 mai 1841. Lettre de Lise Bousquet à Constance Salles

La date exacte est déduite du cachet de la poste.


   

Lyon le 10 mai

Ma chère Constance

J’ai été bien touchée de ton bon souvenir par écrit, car je sais que tes yeux ont du en souffrir. C’est un malheur de plus pour nous que cette infirmité qui nous prive de tout dédommagement de l’absence, mais enfin nous y voyons encore et la crainte d’une plus grande peine adoucit les privations du moment. Je vous écrirai de temps en temps et Louise m’a promis de ne pas compter avec moi. J’ai donc l’espérance d’avoir souvent de vos nouvelles, je ne pourrai m’en passer.

Ma pauvre sœur est toujours dans le même état. Tu me dis, et je l’avoue, c’est une consolation pour moi de le croire, qu’elle me regrette, qu’elle s’aperçoit de mon absence, non pour augmenter ses douleurs mais pour que mon souvenir et cette amitié si vraie soit jusqu’à la fin de notre vie une source de consolation pour elle, comme la sienne fut le bonheur de ma vie.

Tu croiras facilement toute la peine que j’ai à m’accoutumer à Lyon dans cet appartement si plein de tristes souvenirs. Je n’apprends que des morts et des malheurs de fortune, et de toutes mes connaissances intimes plus âgées que moi, il ne me reste plus que Mme Michel qui ne sort plus étant presque aveugle et mon vieux ami Charcot qui, dans la joie de me revoir, voudrait que j’allasse loger dans sa maison rue St Joseph au fond de Bellecour. Je garderai mon 4 ème quoique bien haut pour la difficulté d’en trouver un autre. J’espère m’y accoutumer. Je suis prés de mon fils et de mes amies Travi, Michel et Mermier.

Mon fils est de retour pour se fixer à Lyon : il sera agent d’une maison américaine, Dieu bénisse son travail, prie pour lui ma chère Constance.

Mes petits enfants vont bien. Valentine est décidemment un peu plus grande que moi sans être bien jolie, elle est blanche et fraîche, sa taille est bien, elle est mince, quoique trop grasse, son caractère est toujours le même, joyeux et sans soucis. Adolphe est beaucoup plus grand que sa mère, mince, ses traits ont grossis, mais il sera bien. Il est bon garçon et toujours fort sensible. Anaïs est tout à fait Maman, grasse et changée mais une figure gracieuse de 10 ans (?).

Ma pauvre Marie parait contente de me revoir, elle regrette sa maison mais a toujours un excellent caractère. Si l’autre Marie reste avec moi je serai heureuse sous ce rapport.

Ma lettre est commencée depuis bien des jours, je la reprends aujourd’hui dimanche. J’ai eu cette semaine 12 heures de douleurs aigues dans l’estomac. J’ai beaucoup souffert, mais je suis entièrement remise. J’espère que ce n’est pas déjà l’influence du climat.

J’ai le cœur bien navré de la mort de Melle Laugier, je sens vivement la douleur et la position de ces demoiselles, cela troublera le voyage de Paris. J’ai eu bien du plaisir à voir ton frère, mais je pense avec peine qu’à son retour (papier déchiré) encore moins ; Anaïs n’ira à Fontaines que dans (papier déchiré) jours, et moi, le mois prochain. Nous avons beau (papier déchiré) 13 jours, ma santé ne m’a pas permis d’en profiter.

J’ai reçu la lettre de Louise du 3 je suis charmée que Maxime ait payé. Ton père me fera le plaisir de garder cet argent jusqu’au second paiement le 3 juin et de ne pas le remettre chez Mr. Ricard. Ces 400 francs sont à mon fils. J’en parlerai à Charles.

Nous faisons tous les soirs à huit heures le mois de Marie toutes les trois. Je pense et j’envoie mes intentions aux vôtres. Pensez aussi à moi dans vos prières.

Mes malles sont arrivées exactement et parfaitement bien, rien n’a souffert. Amadou mérite un brevet d’imbolino.

Mille amitiés pour moi à Adèle. J’embrasse tous les enfants. Dis à Marie que lorsqu’elle viendra me voir nous nous amuserons bien dans mon grand appartement. Mon fils embrasse sa filleule. Tendresse à ma grande filleule Louise Loustico, je pense à elle bien souvent ainsi qu’à sa mère. Je n’ai vu qu’une fois Louiline et suis dans une vive peine…Jinny.

Adieu chère Constance, je vous embrasse tous. J’ai remis ton chapelet à Mme Savine. J’espère qu’elles sont arrivées sans accidents. Le jour de leur départ il faisait un vent affreux. Un souvenir particulier pour ton père, je ne l‘oublie pas dans mes prières.

Embrasse pour moi ta pauvre mère et Louise.

Mes compliments à Madou et à la nourrice. J’espère que cette dernière est toujours joyeuse.

Pas de signature


Adresse :
A Mademoiselle Constance Salles
Rue du Baignoir N°35
Marseille

Cachets de la poste : Lyon 11 Mai 1841 et Marseille 12 Mai 1841