Résumé : Lyon le 25 avril 1828 Tu es bonne ma chère Constance de ne pas compter avec moi et j’en ai bien besoin car la privation de vos lettres serait un double chagrin pour moi, c’est une œuvre de charité dont Dieu et ta bonne tante tiendront bon compte, l’une pendant la vie et l’autre après. Voilà ce qui s’appelle travailler à son salut. J’ose dire sans trop de peines j’ai tant de choses à te dire que je ne sais pas où commencer. Je ne parlerai point que Mr Ontray, de mes inquiétudes, tu les as connues et jugées puisque tes lettres ont répondu à toutes mes sollicitudes, mais ce que tu ne m’as pas dit c’est les soins, les attentions, que ta famille, et toi particulièrement ma chère Constance tu as pour Louise. Elle me l’a écrit avec un cœur plein de reconnaissance. Continue donc ma chère amie à me remplacer en tout et pour tout auprès d’elle, c’est une grande tranquillité pour moi et d’ailleurs, outre nos anciens rapports de famille, elle votre filleule. A toutes deux, leur position est bien triste et le sera tous les jours davantage parce que Louise aura bien de la peine à se marier et que les privations que l’on s’impose dans un moment de chagrin avec courage deviennent à la longue bien pénibles. Que Dieu leur donne son assistance, c’est la seule véritablement durable. Dis-leur, je te prie, que j’ai reçu leur lettre avec toute la sensibilité que m’inspire leur position et ma vive tendresse, je leur répondrai, non avec l’empressement de mon cœur qui voudrait que ce fût de suite mais quand mes yeux me le permettront, gémissant ? bien de cette privation. J’ai reçu la caisse provision bien conditionnée, je suis très contente des soles et sardines, j’en remercie ma sœur, ce n’est point encore connu ici, je pense que c’est plus cher que le thon mais cette découverte lui fera tort car c’est excellent. Il faudra pour l’année prochaine recommander que l’on sale moins encore, cependant ce n’était pas autant que l’année passée mais encore trop. Eugène Langier a passé à Lyon et, suivant l’usage, je n’étais pas chez moi, j’ignore donc s’il est à Paris, fais-moi l’amitié de dire à ses sœurs combien il m’aurait fait plaisir de le voir et de causer avec lui de toute la famille que j’aime beaucoup. J’espère que s’il revient je serai plus heureuse. Mes ordres sont donnés à la porte pour tous mes compatriotes mais il ne l’a pas dit et Annette l’a pris pour un étranger. |
Notre cousine Mme Daroc vient d’accoucher à 7 mois d’un enfant mort. Elle est bien malade mais sans danger. Mme Imbert vient de louer pour la Saint-Jean prochaine un appartement place de la Comédie, du même côté que ses sœurs, ce rapprochement me fait grand plaisir à cause surtout de mon fils qui a toujours les pieds enflés. Tu crois ma chère Constance que je satisfais tout à mon aise mon zèle et ma curiosité pour entendre Mgr MacCarthy. Pas du tout, il a prêché à Saint-Jean, impossible d’y parvenir, impossible d’y rester si longtemps. Pour une mauvaise tête ? il y faisait bien froid. Cependant, ayant donné un sermon à Saint-Bonaventure pour les orphelins, j’y suis allée et j’étais bien placée. Son organe est usé et à Saint-Jean, sans exagérations, les trois-quarts de l’auditoire l’entendait debout et perdait encore beaucoup. C’est un grand talent, surtout pour convaincre, il prêche d’abondance. Hors trois sermons sur l’incrédulité qui sont des chefs d’œuvre, la passion a été magnifique. L’on y a passé la nuit. Le jeudi saint quant à moi, je l’ai trouvé aussi bon que possible sur un sujet si connu, la charité, mais cette charité il nous l’a montrée comme l’âme de la vie chrétienne, même temporellement. C’est un saint homme, il a fait beaucoup de conversions et n’a cessé de confesser hommes et femmes. Dieu veuille bénir son zèle infatigable … Nous avons reçu les haricots, ce n’est pas ceux qu’Anaïs désirait, ce sont des (… papier déchiré) l’on ne fait point de ces noirs ici. Cependant nous planterons ceux de Mr Garnier. Le coton va très bien. Je te remercie du livre et prie ma sœur de m’envoyer mon petit compte et surtout celui de ces dames. Nous pensons exactement de même en politique(1). Il est affreux d’être trahis par les siens : si les royalistes avaient voulu et sans leurs défections à la Chambre, nous aurions pu nous sauver. Maintenant, Dieu tout seul le voudra-t-il. Vous avez appris l’événement de Paris de Mr Pavavet et ceux du Havre, nous n’y sommes pour rien ni Frédéric non plus, à ce que nous écrit mon mari, mais la consternation est dans Paris, c’est une belle chose que le commerce. Adieu ma chère Constance, je ne puis finir sans dire mille choses à ma sœur et à ton Père. J’embrasse mon bon Charles, je le prie de conserver sa gaité pour distraire son Père et sa Mère du noir que nécessairement ont tous ceux qui pensent et qui ont vu la révolution. Je vous embrasse tous aussi tendrement que je vous chéris. (1)
La Seconde Restauration est le nom donné au régime politique de la France de juin 1815 à juillet 1830. Elle succède aux Cent Jours (retour éphémère de Napoléon Ier au printemps 1815) et se termine par la Révolution de 1830. Il s'agit d'une monarchie constitutionnelle établie sur un suffrage censitaire étroit et qui aura deux souverains, Louis XVIII (1815-1824) et son frère Charles X (1824-1830). Adresse : |