12 Janvier 1823 - Lettre de Lise Bousquet à sa nièce Constance  

Résumé
De Lyon, lettre de Lise à sa nièce Constance.
Sa vue comme celle de Benjamin n'est pas bonne. Il fait un froid de canard. Son mari Achille Bousquet va très bien.


Lyon, le 12 janvier 1823

Je veux commencer chère Constance par te remercier de ta lettre du 3 janvier. Les détails qu’elle renferme sont bien affligeants et l’avenir sera plus cruel encore, l’avis de Mr Baume confirme celui des médecins de Lyon et quand ma pauvre amie est venue ici, elle avait déjà la maladie de sa fille ; néanmoins, ses imprudences et son long séjour ici ont du hâter sa perte. J’en ai le cœur navré et quoique je sois sans espoir, j’ai un grand désir d’avoir de ses nouvelles et de me dire qu’elle vit encore. Elle ne m’écrit absolument plus et Mme Onfray rarement à cause de ses occupations ; c’est donc sur ton amitié que je compte ma chère Constance dans tes moments de loisirs.

Quoique j’écrive peu, tu sais que vous êtes toujours tous bien présents à ma pensée chaque époque de l’année et pour moi un renouvellement de chagrin de n’être pas auprès de vous, je m’en console en priant le Seigneur de vous donner les grâces spirituelles d’abord, dont nous avons un si grand besoin et puis aussi un peu de temporel, la santé et le bonheur de nous revoir un jour, il est bien permis de demander et de mettre la confiance en Dieu pour les biens de l’âme et du corps. Je demande aussi pour nous tous la vue car c’est une grande privation que de ne pouvoir rien faire.

J’espère que ton Père est comme moi toujours à peu près de même, cependant l’hiver rigoureux et humide alternativement me fait bien souffrir pour les yeux car la santé est bonne, je n’ai point encore de rhume. Depuis dimanche, nous avons un froid extrême, le thermomètre a été cette nuit à 7 degrés.

J’ai écrit à Antoinette, cette lettre m’a peinée extrêmement, je pense toujours que peut-être ce sera la dernière, il est des moments dans la vie où la mort semble frapper les objets de nos plus chères affections, Antoinette m’intéresse vivement, elle m’a toujours témoigné tant de confiance et d’amitié que je serais ingrate de n’y pas répondre.

Toute cette famille si vertueuse est bien une preuve que nous sommes faits pour un meilleur monde que celui-ci. Donnes-moi des nouvelles de tous lorsque tu m’écriras et parles quelquefois de moi à tous en les assurant de mon amitié.

Mon mari est arrivé la veille du jour de l’an dans un parfait état de santé, il a repris son teint fleuri et, s’il n’a pas rajeuni, du moins il en a l’air. Depuis ma lettre commencée, mon mari a écrit à ton Père et mon fils lui avait écrit pour le jour de l’an.
Anaïs se porte bien, je pense que nous passerons tous bien notre hiver malgré ce passage continuel d’un froid excessif au dégel le plus doux mais vraiment ce climat n’est pas tenable. Vous êtes heureux de voir le soleil, la volonté de Dieu en tout, il paraît que la femme de Frédéric est fort malade. Depuis que mon mari a quitté Bordeaux, comment va ma petite Louise ? Aime-t-elle toujours la bonne tante ? Quand elle voudra venir la trouver, dis lui qu’elle sera bien gâtée, bien aimée.

J’embrasse tendrement mon bon Charles, j’espère qu’il est toujours gai et sage, je lui souhaite tout le bonheur que je désire pour mon fils, mille tendresses à ta bonne mère. Je lui écrirai, je compte sur ton indulgence comme elle doit savoir que c’est une grande privation que de ne pas lui écrire plus souvent. J’ai reçu toutes mes provisions jusqu’au dix bien conditionnée et sans accident, je l’en remercie.

Toute ma famille, et particulièrement ma belle mère, se rappelle à votre bon souvenir. Je t’embrasse ma chère Constance de cœur comme je t’aime, mille choses affectueuses à Marthou, dis-lui que si mes lettres lui font plaisir, je me ferai effort pour lui écrire de temps en temps, adieu, caresse à Louise, amitiés à ton Père.


Adresse :
A Mademoiselle Constance Salles
Rue du Baignoir N°35
Marseille