13 Janvier 1820 - Lettre de Lise Bousquet à sa nièce Constance  

Résumé 
Lettre de Lise Bousquet à sa nièce Constance à Marseille la remerciant de ses vœux.
Elle invite son beau-frère Benjamin dont la vue baisse beaucoup à venir se faire opérer à Lyon.
Récit d’un sauvetage sur le Rhône glacé.
Un mot pour son neveu Charles.


Lyon, le 13 janvier 1820

J’ai reçu, ma chère Constance, avec un sensible plaisir, ta lettre et les vœux que tu fais pour moi, d’une manière plus particulière au commencement de cette année. J’en ai grand besoin pour mes yeux, pour mon salut et pour celui des miens. Mais je connais si bien leur sincérité que je ne doute pas que le Ciel ne les exauce, je te prie donc, ma chère amie, de me les continuer comme la chose qui me sera le plus agréable et la meilleure preuve de ton attachement. Quant à moi, tu sais que les enfants de ma bonne et chère sœur, sont dans mon cœur sur la même ligne que mon fils. Ce mot dit tout leur bonheur dans ce monde et surtout dans l’autre, que vous êtes heureux de commencer si saintement l’année, je ne doute pas que le Ciel ne protège ses bons missionnaires.

Je te prie de m’écrire pour donner quelques nouvelles, je parle que vous entendiez Mr Guyon et qui jouit ici d’une réputation parfaite, je le connais de réputation plus qu’une autre pour tout le bien qu’il a fait comme vicaire à Oulins, il a beaucoup d’esprit, d’imagination et une grande douceur, je n’ai entendu de lui qu’un sermon dont je fus enchantée. Ton Papa ferait bien de l’entendre. Je suis sûre qu’il lui ferait plaisir. Je partage l’ennui de ce pauvre Benjamin mais j’ai confiance que Dieu lui conserve le reste de la vue, il y en a bien des exemples, si jamais il voulait se faire opérer, rappelez-vous que je suis à Lyon et venez tous me trouver, nous avons ici plusieurs excellents chirurgiens. J’ai dans les personnes de ma connaissance un monsieur à qui elle a réussi parfaitement. Je le plains en me plaignant moi-même dont les yeux sont si souffrants et j’espère avec vous et pour nous deux avec l’aide de Dieu.

Nous avons toujours un froid rigoureux. Le Rhône est pris sur les bords et charrie beaucoup. Je ne sors que le dimanche car j’ai repris mes maux de tête et je crains extrêmement l’air, cependant je n’ai pas de rhume.

Nous avons eu un véritable miracle dimanche passé, comme je l’ai écrit à Antoinette, un malheureux patron dont le bateau s’est ouvert au Pont du Change, est descendu, tantôt à la nage, tantôt à genoux ou debout sur des glaçons. Jusqu’à la quarantaine, se croyant perdu, il fit un signe de croix et tendit ses bras vers Notre Dame de Fourvière.

Un prêtre qui passait sur le pont volant lui donnât l’absolution. Il fût sauvé par miracle, le froid et la longueur du chemin étaient effrayants, un peuple immense couvrait les deux rives dans un profond silence de terreur, enfin 4 hommes vont à sa rencontre dans un bateau, l’on en attache un qui n’a pas 24 ans et qui, au péril de sa vie, un bateau sur le bateau et l’autre sur un morceau de glace, l’a enlevé, mourant de froid et de fatigue. Aussitôt un cri de joie retentît, on entendait que ces mots : « c’est un miracle ».

Dès qu’il fut dans une peau de mouton, une personne de la famille monta rendre grâce à la Sainte Vierge et faire brûler un cierge. Dieu nous protège comme tu vois ma chère nièce. On aime à être témoin des événements qui prouvent que la foi n’est pas éteinte dans tous les cœurs.

Embrasse tendrement pour moi Louise. On m’écrit qu’elle est charmante, quoique un peu … pour sa tante qui voudrait bien la gâter elle-même. Dieu ne le veut pas. Ce sacrifice est le plus pénible, pour m’aider à l’adoucir, il faut m’écrire souvent et m’aimer aussi tendrement que je te chéris ma chère Constance, je t’embrasse de cœur.

Je te remercie mon cher Charles de ton bon souvenir et des vœux que tu adresses au Ciel pour moi. Je ne doute pas de leur sincérité. Sois bien persuadé mon ami de mon attachement et du désir que j’aurai de vous voir tous cette année je l’espère pour me consoler et prendre patience. Je ne doute pas que tu profites bien de la mission, je me recommande dans ce … temps, plus particulièrement encore à tes prières.

Rappelle-moi au souvenir de Sophie Vignière et Mlle Beau, je n’oublie personne de ceux qui m’ont témoigné de l’amitié.

Le froid est toujours extrême, ta pauvre tante gèle même auprès de son feu. Le Rhône est pris (papier déchiré) et aujourd’hui, 14, nous avons beaucoup de neige. Mon fils se porte bien. Il vous embrasse tous.

Mille amitiés à ton Papa et Maman. Si mes yeux me le permettaient, je lui écrirais un mot. Dis-lui mon ami que j’ai reçu par Mme Mary le paiement de notre petit compte. Je l’embrasse de cœur ainsi que Louise.

Adieu mon cher Charles, soit toujours sage et aime bien ta bonne tante.


Adresse :
A Mademoiselle Constance Salles
Rue du Baignoir N°35
Marseille