er arrondissement de Marseille
8 Avril 1809 - Lettre de Jean François Mouton à son fils Philippe  

Résumé :
De Marseille, le 8 avril 1809, lettre de Jean-François Mouton à son fils Philippe.
Lettre transmise à la Guadeloupe par l’entremise de Mr Salles, lettre qui donne des indications sur la modernisation de la rue Grignan.


Mon cher Philippe,

J’ai reçu ta lettre par le Capitaine Cerruse, avec les détails que tu m’annonces de l’événement de Mr Masse. Nous avons reçu par ? du jeune Charles parti de la Guadeloupe le 23 février qui nous annonce la défaite de la tentative que les anglais avaient eu à la Martinique(1). Nous espérons aujourd’hui ou demain par Le Moniteur(2) des nouvelles intéressantes relatives à cette entreprise et ses intentions, après avoir soumis la Martinique, de venir à la Guadeloupe. Ils seront déboutés, car je crois vous devez être disposés à les recevoir de la même manière. Je pense que nous aurons des détails par le jeune Charles qui a fait passer la lettre du général Ginoux  au commissaire de la marine à Bordeaux du bas de la rivière, et que toi ou ton frère nous aurait écrit. La traversée de ce bâtiment a été de 28 jours. On m’annonce un autre bâtiment arrivé en France parti directement de la Martinique.

J’ai vu par ta lettre que tu avais été nommé Receveur particulier des Douanes à la Pointe, qu’il ne manque que la signature du préfet et j’espère que tu l’auras obtenue sans difficulté.

Je te dirai que notre quartier a pris un nouveau lustre. Notre rue Galvetius est appelée actuellement rue Grignan … Les maisons sont numérotées à l’instar de celles de Paris. Toutes les maisons à droite venant de la rue de Rome jusqu’à celle de la rue de Notre Dame de la Garde sont paires, celles à gauche sont impaires. Mon adresse est rue Grignan(3) numéro 66. La rue est pavée, gros pavés, avec trottoir de chaque côté de sept pans de large. La rue qui monte de la Rotonde, celle de Zola l’aîné, celle du Portay de Fer et les quatre qui entourent la place le sont de même, en gros pavés et trottoirs. Il est vraiment beau à voir et très propre que notre quartier !

Autre nouveauté. Tu sais que je portais le chapeau pointu et la perruque à boucles, actuellement le chapeau rond depuis quelques années et depuis le samedi saint de cette année ou pour mieux dire le 1er avril, je pris la perruque à la Titus. Je l’avais commandée huit jours auparavant et je parus à la maison dans le costume que personne n’en savait rien … Lorsque Pauline me vit et se mit à crier malheur, il faut faire des cris terribles, … le côté Papa à la perruque à la Titus.


(1) 2ème occupation anglaise de 1809 à 1814. A cette date, aux termes du Traité de Paris, La Martinique et La Guadeloupe sont restituées à la France par les Anglais, Haïti reste indépendante.
(2) Quotidien français céé en 1829.
(3) Rue du 1er arrondissement de Marseille

Auguste a trouvé que cela me rajeunit de dix ans, Virginie me dit « cela ne vous va pas mal mais votre perruque à boucles vous allait mieux », Maman l’a trouvé tout à fait mauvais.

Je fus le soir chez Mme Paul et Mr Dérouté qui y allait tout les soirs m’a fit compliment en me disant que cela m’ôtait dix ans, Ponlevé qui vint après m’en ôta quinze, sa femme m’en ôtant douze, je les priai de s’arrêter là car autrement je me trouverais de la première levée pour la conscription. Le pauvre Mr de Trébiane ne me reconnut pas, nous fîmes la partie au boston où il m’avait reconnu après la partie … Après m’avoir bien regardé, il me dit « je ne vous reconnaissais plus ». Mr et Mme Brun me trouvent bien. Il n’y eut que Mme Paul et Mme de Fontanier qui me dirent « il semble que vous étiez mieux avec votre autre coiffure ». J’avais été le matin chez Mr Salles qui trouva que c’était drôle, que lui ne quitterait pas ses cheveux, mais qu’il le fera un jour …

Tu vois mon cher Philippe, quoique je sois paresseux pour écrire que ma lettre est une longue lettre parce qu’ai matière nouvelle à t’annoncer.

Je te prie par le retour de courrier de me donner les détails sur la place. Je pense que cette place est honorable. Mr Derautet qui occupe une pareille place est un homme respectable et très considéré. Lorsque nous sommes à la campagne avec Mr Salles, nous allons quelque fois passer la soirée chez lui.

Mr et Mme Paul, Mr et Mme de Pontlevé, Mr et Mme Brun et les Mmes Ricor m’ont chargé de te faire des compliments ainsi qu’à tous les parents et amis.

Je t’embrasse un million de fois et te souhaite la continuation d’une parfaite santé.

Jean-François Mouton

Le départ précipité de Mr Salles pour Paris m’a empêché de faire un duplicata pour Louis à qui je dis tant et tant de choses, que je lui souhaite une parfaite santé, l’accomplissement de tous ses désirs.

Tu prendras mon cher fils la portion de la présente et tu la feras passer à Philippe que j’embrasse ainsi que toi un million de fois.

Jean-François Mouton

Cette lettre avait été faite pour être expédiée à la première occasion. Il ne s’en est présentée aucune jusqu’au 8 juillet 1809.