3 Juillet 1809 - Lettre de Auguste Mouton à son frère Louis Mouton 

    

Résumé :
De Marseille, le 3 juillet 1809 lettre de la famille Mouton au frère de J-F Mouton, Louis Mouton, à la Guadeloupe, Capitaine Aide de Camp du Capitaine Général de la Guadeloupe et Dépendances, à la Basse Terre, Ile Guadeloupe.
Par l'entremise de Ch. Salles.
Où il est question du blocus continental par les anglais.

Navires : l'Aventurière - le Fanfaron - la Diligente - le Courageux - le Polonais - la Junon - le Mistral


Marseille, le 3 juillet 1809

Mr Louis Mouton, Basse-Terre

Mon bien bon ami,

Mr Charles Salles partant pour Paris, nous lui remettons cette lettre par quatruplicata qu’il mettra à la poste pour te parvenir par les premiers bâtiments de l’Etat qui partiront. Nous sommes sans aucune de vos lettres depuis l’arrivée du Capitaine Masse. Ce dernier nous a bien amplement donné de vos nouvelles. Les aventuriers de la Colonie se font tous les jours plus rares. Mr Malespine attend le retour de l’Aventurière et du brick construit à Bordeaux qui doivent bientôt être de retour s’ils sont heureusement arrivés. En voyant Mr M. Malespine rappelle-lui d’écrire à son frère (si telle est ton intention), qu’il est à nous reconnaître de l’excédent de son intérêt sur l’Aventurière de 2500 livres coloniales et 1500 sur le Fanfaron et la Diligente disant n’avoir à cet égard aucun avis de son frère. Les denrées coloniales qui étaient en calme sont soutenues par les spéculateurs, attendu la nouvelle qu’un navire américain et la cargaison en denrées coloniales avait été brûlés à La Rochelle et l’équipage prisonnier ; il est prudent d’en attendre la confirmation et si elle arrive, cela ferait présager une rupture avec les Etats-Unis et les denrées iraient aux nues.

Nous avons l’arrivée de deux vaisseaux de la division de l’Orient, le Courageux et le Polonais, qui ne nous ont porté aucune de vos lettres. On ignore ce qu’est devenu le reste de la division, n’ayant rien transpiré, vous avez 1500 hommes de renfort et nous nous flattons que la Colonie ne sera pas attaquée. Dieu le veuille !!

On dit les Saintes(1) prises : les sucres seraient devenus la proie des anglais. Expédie donc mon cher ami et aie la précaution de nous remettre un connaissement du chargé pour faire les assurances en cas que le bâtiment tarde à paraître. Nous aurions pu l’effectuer sur la Junon si nous avions eu le connaissement ; les assurances se sont faites à 50% (ceci pour ta gouverne, nous aurions sauvé le capital).

Le Général Desfourneaux auquel j’avais écrit nombre de lettres nous a répondu depuis trois mois. Il nous a envoyé le reçu de 1318 livres 38 couronnes pour lui en faire passer le montant, nous disant n’avoir aucun avis, ni lui ni la belle-mère de Mr Goudrecourt que tu aies acquitté cette somme. Prie ce dernier de l’en aviser par toutes les occasions pour lui en acquitter l’encaissement. Tous lui avaient écrit à ce sujet lui priant d’attendre des éclaircissements ultérieurs.


(1) Petit archipel au large de la côte sud de la Guadeloupe

Je te remets ci-bas l’adresse de Mr Forbes qui doit, à ce que je crois, vivre encore. Son beau-frère n’ayant aucune de ses lettres, c’est lui qui nous l’a donnée.

Le pauvre Mr Gueiroir, après avoir essuyé toute sorte d’ingratitude de la part des enfants de son frère, a terminé ici sa carrière. Nous l’avons soigné dans sa maladie, qui a été de deux mois, mais miné par le chagrin et accablé par une complication de maux, il a succombé. C’est Trucy qui l’a assisté ; il n’a cessé de me parler jusqu’à son dernier moment de ses bons amis Serane et Malespine qu’il sentait bien qu’il ne reverrait plus et qu’il regrettait bien de ne pouvoir leur témoigner la reconnaissance que lui inspirait tous ce qu’ils avaient fait pour lui.

Nous ne faisons pas des copies de ces lettres pour notre cher Philippe attendu le peu de confiance que nous avons que ces lettres puissent vous parvenir. Si cela avait lieu, tu dupliqueras mon cher Louis en lui en donnant connaissance.

Je vous embrasse tous les deux mille et mille fois et suis pour la vie votre affectionné frère.

Anguste Mouton

Mr et Mme Forbes, négociant, n° 16 New Broad Street à Londres.
Nous n’avons reçu jusqu’à ce jour de Mr Malespine que 7063 livres, égal ½ au net produit de 10 barques 8 ¼ reçus par le Fanfaron et le Mistral.

J’embrasse mon cher Louis et mon cher Philippe, votre position m’inquiète vivement quoique Mr Masse ait bien fait tout ce qu’il a pu pour me rassurer m’assurant que vous étiez tous les deux bien portants et que votre position n’était pas du tout inquiétante. Recommandez-vous à la Sainte Vierge, laquelle, j’espère, voudra bien vous conserver. Je vais faire des neuvaines aux Saintes Capucines, à la Sainte Vierge, pour la conservation de vos jours. J’espère que Dieu et tous les Saints que j’implore tous les jours, voudront bien intercéder pour moi. J’espère que Dieu voudra conserver (papier déchiré) votre bonheur et le mien. Je finis, en vous embrassant tous les deux (papier déchiré) Mouton, née Barthelemy.

J’embrasse mes chers frères (papier déchiré) fois,

signatures :
Honoré Mouton
Cloé Mouton
Jean-François Mouton
Pauline Mouton

Prête pour le départ de la lettre, je ne puis écrire longuement, toujours bien triste d’être privé de mon Miguel et de la nouvelle. Je vous embrasse comme je vous aime.
Votre bonne sœur, née Michel.