18 Février 1798 - Lettre de Lise Bousquet à son père Charles Salles

  

Résumé :
Lettre de Lise Bousquet de Lyon écrite à son père Charles Salles qui est à Paris, l’invitant à venir les voir, elle et son fils Achille, sa sœur et Benjamin.
On apprend que Lyon est assiégé, mais tranquille.


Lyon le 18 février 1798

Eh bien mon cher papa, vous voilà donc à Paris. Je regrette encore plus que vous ne soyez pas parti avec moi, nous vous aurions au moins gardé quelques temps ici, mais à présent que vous êtes à Paris pourriez-vous vous décider à le quitter pour venir nous voir ? Je l’espère beaucoup. Ma sœur et Benjamin viendront aussi et nous nous trouverions tous réunis.

Mon cher papa donnez m’en l’assurance, cela seul pourra me consoler de vous avoir quitté. Notre bonheur ne sera pas parfait puisque Marius ne le partagera pas, mais vos filles s’empresseront à l’envie de vous donner des témoignages de leur tendre attachement, croyez qu’il est bien sincère et que jamais rien ne pourra le diminuer.

Je partage bien le chagrin que vous avez dû éprouver de vous séparer de Marius, je sais combien cette séparation a été douloureuse pour mon cœur. Je m’étais trop vite accoutumée au doux plaisir de vivre avec lui et avec vous. La vie est un sacrifice continuel et le plus grand de tous est d’être comme moi, isolée de sa famille. Croyez que j’en suis bien triste, bien affligée.

Mon cher papa venez encore par votre présence me rendre ces moments délicieux que j’ai passés avec vous et que mon cœur a vivement sentis.

J’ai appris hier la mort de mon pauvre oncle (Fainar ?). Son fils qui me l’écrit ne me dit pas quelle en a été la cause, je le regrette très sincèrement car c’est un homme très estimable.

Vous aurez sans doute appris que notre ville est en état de siège(1) ? Nous y jouissons toujours d’une grande tranquillité et nous espérons qu’elle ne sera pas troublée.

Mon petit Achille jouit d’une excellente santé, il est gai quoique un peu gâté. Il vous embrasse de tout cœur. J’attends avec impatience des nouvelles de votre arrivée et en attendant je vous embrasse de tout mon cœur.

 Lise


(1) Par une conséquence d'un attentat illégal perpétré en fructidor, le Directoire avait déclaré, le 2 février 1798 (14 pluviôse an VI), Lyon et ses faubourgs en état de siège, et commis le général Rey à l'exécution de cet ordre.
Réunis le 11 février (23 pluviôse), les administrateurs municipaux du canton de la Croix-Rousse reçurent un pli cacheté qu'ils ne devaient ouvrir qu'à 4 heures du matin. Ce pli contenait les instructions de l'autorité centrale du Département relatives aux mesures à prendre pour assurer, dans la commune, la mise en vigueur du nouveau régime.
Ces mesures consistaient d'abord dans la proclamation officielle, sur les places publiques, de l'arrêté du Directoire, puis dans le concours à donner, par la municipalité, à une visite domiciliaire que le chef de bataillon Prost devait exécuter le jour même.
Prost avait pour mission de faire arrêter tous individus suspects d'émigration, prêtres, déserteurs, réquisitionnaires, voleurs ou assassins, et tout étranger non pourvu d'un passeport régulier.
D'après le procès-verbal de la municipalité, cette perquisition aboutit à l'arrestation de plusieurs particuliers soupçonnés être de la réquisition ou du vol".
Les citoyens durent livrer leurs armes, et le commandant déclare, le 6 mars (16 ventôse), avoir versé dans le magasin d'artillerie de Lyon, 50 fusils et 21 bayonnettes provenant du désarmement opéré à la Croix-Rousse.

Au dos de la lettre :
1798
de Lyon le 18 février
Mme Bousquet
Répondu le 28 du dit

Adresse :
Aux citoyens
Martin Puech fils et Ce Banquin
Pr le citoyen Ch. Salles
Paris