28 janvier 1793 - Lettre de Charles Salles à sa fille Manette

Résumé :
Lettre de Charles Salles (écrite à Bordeaux où il est installé) à sa fille Manette (épouse de son cousin Benjamin Salles) qui vient de perdre un enfant en couche. Elle habite rue du Baignoir à Marseille.


Bordeaux le 28 de l’an 1793

J’ai reçu, ma chère fille avec autant de plaisir que de reconnaissance, l’expression de vos sentiments dans ce renouvellement d’année. Vos vœux me sont d’autant plus précieux que je suis assuré de leurs sincérités, aussi rien (… ) qui me soient plus agréables que ceux de mes enfants dont le bonheur mettra toujours le comble à ma satisfaction et à ma félicité, aussi ceux que je fais pour chacun d’eux sont exaucés, ils n’auront certainement rien à désirer.

Vous ne doutez pas de la douleur que j’ai éprouvée au triste événement qui vous a privé de votre enfant. Puisse le Ciel vous préserver à l’avenir de pareils malheurs et vous donner, ma fille, des enfants qui fassent votre satisfaction, vos plaisirs et votre bonheur ! J’apprends avec la plus grande joie votre entier rétablissement et votre bonne santé ; la mienne est excellente ainsi que celle de Marius que vous trouveriez bien changé si vous étiez à portée de le voir nous avons l’un et l’autre la plus belle santé et l’air de Bordeaux nous étant très favorable, il est apparent que je passerai encore quelque temps dans cette belle ville et que je retournerai cet été prendre les eaux de Saint Sauveur dont j’espère retirer les plus grands succès. Il faut espérer qu’un temps plus heureux nous réunira et que je ne serai plus séparé de mes enfants que pour descendre au tombeau.

Votre sœur se porte bien ainsi que vos tantes. J’ai cru observer que Lise vous en donne souvent des nouvelles. J’ai bien du regret que votre oncle n’aille pas suivre le conseil que je lui donnais, de se réunir à nous dans cette ville, où nous jouissons de la plus profonde tranquillité et de la plus agréable société.

 

Je serai sans doute obligé d’aller à Lyon ce printemps les chercher et les amener dans cette cité où il ne croit pas possible que nous puissions être mieux. Si la situation de vos couches pénibles et douloureuses avait altéré votre santé et celle de Benjamin fut toujours aussi précaire qu’elle était lors de mon départ, je vous conseille de vous rendre tous les deux aux eaux de Saint Sauveur dont, à coup sûr, vous vous trouverez fort bien si vous prenez cette résolution. Amenez avec vous Mlle Roux qui vous soignera pendant la route, elle ne se doute pas du plaisir que j’aurais de la voir.

Vos oncles, Marius et moi vous embrassons ainsi que Benjamin. Je le prie de vouloir bien inviter mon jardinier de tailler le plus promptement possible ma grande allée de platanes de la campagne et les quatre qui sont en ville dans notre jardin. Je le prie encore de lui ordonner de remplacer les ormeaux morts à la campagne par de beaux acacias (orlani) avec la précaution de faire fouiller de grands trous pour les plants et de mettre en bordure de la grande allée de platanes un buisson ardent ainsi que celle de l’allée de traverse qui vient d’être achevée. Nous étions convenus de cet arrangement nouveau avec Louis à qui je recommande l’exécution de ce travail qu’il m’obligera de soigner. Je prie Benjamin de payer tous ces travaux et de me faire passer le compte de Louis qui me servira à connaître ce qui a été exécuté.

Nos tendres amitiés à ma chère commère et à notre belle nièce. Nous vous prions de les embrasser pour nous et de recevoir en votre particulier l’assurance de la tendresse que je vous ai vouée pour la vie. Votre meilleur ami et votre bon papa.

Sir Charles


Adresse  :
A Madame
Madame B. Salles
Rue du Baignoir
A Marseille
La lettre est cachetée en rouge et porte un coup de tampon avec « BORDEAUX 33 »