23 Décembre 1765 - Lettre de Marie Questel à son fils Charles

Résumé :
23 décembre 1765. Lettre de Marie Questel à son fils Charles lui souhaitant bonne année et lui donnant beaucoup de nouvelles de St Pierre et du Morne des Cadets. Arrivée de Bordeaux d'Émilie Questel.

Noms propres :
Sany – Perpignan – Soutanne – Dupon – Balme – Duquené – Finister – Guillot de la Planche – Bernard – Mr Miolant officier sur le navire Duplessis


Au Morne des Cadets le 23 décembre 1765

Vous verrez par celle-ci mon cher Cadet que je profite de toutes les occasions qui sont à ma connaissance pour vous donner de mes nouvelles ainsi que de la famille. Nous jouissons tous d’une santé parfaite. Il nous manque que le plaisir de vous voir et de vous posséder et alors nous jouirons de tous les plaisirs de la vie mais cela ne ce peut-il ? Soit prendre patience et nous contenter de parler tous les jours de vous car depuis votre départ il n’y a point un jour qui passe sans qu’on parle de vous. Enfin nous ne vous avons point encore perdu de vue et ne pouvons point encore nous accoutumer à votre absence. Il est peut être bien différent de vous. Vous nous avez bien des fois oubliés mais en cela je ne mets pas de la peine à le croire, car un garçon qui se marie doit être bien occupé, premièrement par les grandes réflexions qu’il doit faire, secondement par les soins qu’il se donne pour plaire à sa maîtresse, troisièmement enfin se marier et avoir une épouse qu’on aime tendrement. Tout cela sont des motifs assez puissants pour oublier quelques fois une mère et des parents qu’on chérit, mais à présent mon pauvre Cadet, que ce grand amour doit vous avoir passé un peu, vous serez comme nous, vous penserez tous les jours à nous comme nous pensons tous les jours à vous. Vous serez exact à nous donner de vos chères nouvelles et de votre chère Emilie que j’embrasse de tout mon cœur.

Nous espérons avec impatience Mr Sany pour avoir de vos nouvelles car il y a longtemps que nous n’en avons pas eues. Ne dites point à votre oncle que je vous ai écrit par cette occasion car il serait fâché contre moi et pour se venger il me priverait d’avoir de ses nouvelles, et vous savez combien j’ai de plaisir quand je reçois de ses lettres. Je tremble pourtant à la réponse qu’il doit me faire à la lettre que je lui ai écrite au sujet de votre frère, mais ma foi c’est trop en dire pour n’y pas répondre. Je m’attends à quelque réponse piquante mais qu’importe, je serai perdue. Quelques lettres viendront sur un papier volant comme celle que vous avez vue jadis, bien j’y répondrai de même. Gardez vous pourtant bien de lui faire voir ma lettre car parbleu les cartes seraient brouillées pour toujours. Instruisez moi je vous prie des effets que tout cela aura produit.

A présent mon cher fils c’est donc pour vous souhaiter une bonne année et vous dire que j’adresse des vœux tous les jours au Ciel pour votre conservation et pour la réussite dans vos entreprises. Qu’il vous comble de ses grâces et de ses bénédictions. Je fais le même souhait à ma petite brunette et lui souhaite, si toutefois c’est son bon plaisir, un beau garçon dans le courant de l’année que nous allons commencer.

Nous avons Emilie Questel arrivée depuis quelques jours de Bordeaux qui ait …une fort aimable demoiselle, elle raisonne fort joliment, elle cause aussi dans la maison beaucoup de jalousies de la part de Bichonne par l’amitié que le médecin lui porte. Nous avons tous les jours la comédie, elle lui dit tous les jours qu’il va tomber dans la polygamie vous savez que c’est un cas pendable.

Nous avons eu ces jours ci beaucoup de mariages dans la paroisse, notamment celui de Françoise cette fille qui fait les bouquets que vous avez gardés, Madame Perpignan, à sa mort elle a épousé un gentilhomme de Marseille, elle fait grande figure reçoit tous les jours chez elle l’Intendant et le Gouverneur, voyez quelle métamorphose ! et madame Soutanne avec Dupon votre ami, Madame Balme avec Mr Duquené de Marseille et plusieurs autres qui ne valent pas le peine d’en parler. Je vous apprends la mort de la pauvre Madame Finister depuis deux mois et celle de son fils Rousseau, par un accident d’apoplexie, cela est bien fâcheux pour ce jeune homme qui paraissait posséder une santé des plus parfaites.

Embrassez tendrement votre frère pour moi et dites lui que je l’attends au commencement de cette nouvelle année, vous savez que j’ai écris en conséquence à votre oncle. Procurez lui je vous prie une bonne occasion et dans la belle saison je vous prie.

Je compte remettre à monsieur Miolant, officier dans le navire de Mr Duplessis, les 6 pintades que vous me demandez. Il compte partir dans quinze jours, par cette occasion j’écrirai au révérend. Je m’aperçois que le papier est court et qu’il faut vous dire adieu mon cher Cadet. Portez vous bien et pensez toujours à moi autant que je pense à vous, je vous assure que vous y penserez souvent. Je suis toujours votre maman :

Questel Salles

Vous avez mille et mille bises d’amitié de vos sœurs et frères particulièrement de Modeste et de notre petit Abbé qui est charmant qui fait tout mon plaisir.

Vous recevez les assurances d’amitié de vos tantes sans oublier le gros Guillot de La Planche.
Depuis que nous n’avons plus d’affaires ensemble je le trouve charmant, qu’en dites-vous ?

La pauvre Madame Bernard me charge de vous faire mille compliments et vous remercie de votre souvenir. Si vous voyez son état vous en seriez touché : on ne l’entend plus pour ainsi dire parler tant elle a la voix éteinte. Elle est dans le même état qu’était votre père. Elle est aujourd’hui sans ressources.