Séjour à Saint Cergue du 17 Juillet au 16 Août 1895  par Léonie Fine
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Carte du voyage - Lac de Genève -  Environs de Saint Cergue

1895 - Carnet n°3 rédigé par Léonie Fine relatant un séjour à Saint Cergue (Jura suisse)


Du 17 juillet au 16 août 1895
Benjamin Salles (47 ans), Léonie Fine-Salles (42 ans) et leurs 5 filles :
Gabrielle 13 ans, Loulou 11 ans, Claire 10 ans, Adèle 8 ans, Béatrix 6 ans
Cf. Généalogie Salles
et la bonne, Eléonore.

photo1900
Benjamin et Léonie vers 1900

Mercredi 17 Juillet 1895     Marseille / Lyon   [Voyage]

         A 9 h ½ du soir nous quittons La Viste, Benjamin et moi avec nos cinq fillettes et leur bonne Eléonore ; nous prenons l'express de 11 h 20 dans un wagon à couloir. Eléanore s'installe dans un compartiment avec Gabrielle, Louise et Claire ; elles y dorment ue bonne partie de la nuit. Benjamin et moi , avec Adèle et Béatrix, occupons un autre. Seuls jusqu'à Tarascon, un monsieur aussi discret que possible, vient cependant s'asseoir entre Benjamin et moi.

Jeudi 18 Juillet 1895    Lyon / Genève / Nyon / Saint Cergue  [Voyage]

           A 7 h déjeûner au buffet de la gare de Lyon ; nous restons dans notre wagon jusqu'à Genève, déjeûnons en chemin de fer avant d'arriver dans cette ville ; un peu chaud à ce moment-là. A Genève prenons le train direct de Nyon où nous arrivons à 1 h. Dans un break trajet de 3 h jusqu'à Saint Cergue, toujours en montant ; il fait chaud malgré l'air frais ; arrêt à la fontaine ; nous goûtons ; nos deux chevaux vifs et alertes, un char suit portant les bagages. Arrivée à 4 h ½ ; chambres près de l'hôtel ; la nôtre communique avec celle des trois plus petites, a une jolie vue ; celle de Gabrielle et de Loulou est à côté de celle d'Eléonore ; vue charmante. Installation jusqu'à 6 h ½, heure de la table d'hôte. Mr et Mme Courtot y sont avec leur deux filles. Après dîner les fillettes sautent à la corde avec d'autres enfants. Air très vif. Nourriture excellente ; installation très simple et très propre. Beau temps.

Vendredi 19 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

          Excellente nuit. Lever à 8 h ; à 9 h déjeûner, puis un tour tous ensemble à la chapelle catholique pauvre et rustique ; halte sur des bancs au Signal. A midi ½ déjeûner en tables d'hôte d'une quarantaine de couverts. Il pleut ; malgré ce, nous partons en voiture pour le lac des Rousses avec nos trois aînées ; jusqu'au col ravissant, puis ces landes beaucoup moins jolies. Pluie et soleil ; retour à 7 h. Les enfants se sont amusées. Les Courtot sont partis ; nous leur avons appris l'entrée de Mlle Jeanne Bergasse chez les sœurs de St Vincent-de-Paul. Achats après dîner. Le retour des vaches amuse beaucoup les fillettes. Pluie.

Samedi 20 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

Lever à 7 h ½ ; déjeûner à 9 h ; puis, tous ensemble à l'Arzier, village sur le flanc de la montagne à une heure et ½ de Saint Cergue. Adèle se déchausse et court pieds nus dans les praires en donnant la main à ses grandes sœurs ; quels sites enchanteurs, c'est ravissant ! terrain accidenté, sapins, prairies, vue magnifique sur le lac, les Alpes se perdent dans les nuages mais ce qui entoure Saint Cergue est plus beau que tout ce qui nous environne. Eléonore s'arrête avec nos trois plus jeunes sous des sapins, Gaby et Loulou plus loin, enfin Benjamin et moi revenons sur nos pas en vue d'Arzier que nous n'avons pas le temps d'atteindre avant déjeûner. Les enfants voient revenir un troupeau de vaches en arrivant de Saint Cergue, elles arrivent de la montagne et excitent l'entrain des fillettes ; pendant ce temps Benjamin renouvelle connaissance avec Mr Roussier Melchior ! Correspondance jusqu'à 3 h. Avec nos livres dans la forêt, les enfants goûtent, courent, excepté Loulou qui a mal à la tête ; tandis qu'Eléonore retourne à l'hôtel avec les enfants, Benjamin, Gabrielle et moi gravissons la forêt, arrivons à une prairie d'où la vue sur le Mont Blanc et la chaîne des Alpes est splendide ; temps très clair ! Retour par la forêt jusquà la jonction avec la route de France ; le temps est splendide ! Le soir à dîner, Loulou va se coucher, elle a la fièvre, c'est ennuyeux. Beau temps.

Dimanche 21 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        En nous levant, grande contrariété, Loulou a la fièvre, mal à la gorge ; elle resta au lit et nous télégraphions à Coralie(1) de ne pas venir à Nyon où nous devions nous rejoindre. Messe à 9 h ½ avec tous nos enfants ; temps splendide ! la petite chapelle comble ! homélie, messe avec accompagnement d'harmonium et de violon, grands regrets pour note excursion manquée ! Mr Roussier nous porte de l'aconit et des rigollots(2) pour Loulou ; après dîner deux dames lyonnaises me demandent de ses nouvelles et l'une d'elles me donne de l'alun et du coton à rame(3) . Quel ennui d'avoir cette enfant souffrante ! Temps magnifique mais le soir, à dîner, pluie avec grêle, des grêlons gros comme des noix rentrent dans la salle à manger. Je couche dans le lit de Gaby, Gaby avec ses sœurs.
(1) Coralie est une des sœurs de Benjamin (née en 1851), Cf. Généalogie Salles
(2) Traitement d'appoint à visée décongestionnante au cours des affections respiratoires banales (rhumes, toux, bronchites simples).
(3) Coton non travaillé, non filé.

Lundi 22 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Soleil le matin, pluie le soir. Journée en chambre, un docteur de Mulhouse en station ici, vient voir Loulou, il ne décide rien, sera-ce une angine couenneuse(1) ou non, nous n'en savons rien. Benjamin part à 11 h ½ pour Nyon afin d'aller chercher des remèdes ; il est ici à 3 h ½. Nous sommes garde-malades ; les fillettes livrées à elles-mêmes vont se promener avec Gaby quand le temps est beau, rentrent dès qu'il pleut.
(1) (ndlr) Inflammation des amygdales

Mardi 23 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Nuit bonne, le docteur de Mulhouse trouve Loulou mieux, il n'y aura pas de diphtérie. Il pleut. Avant dîner, jolie promenade sous-bois avec Benjamin, Gaby et Claire, vue sur la lac. Après déjeûner, à 2 heures, j'entends des cris dans la chambre des enfants, c'est Coralie qui, en souci de Loulou, arrive d'Evian ; nous sommes tout joyeux de la revoir.
        A 3 h je laisse la garde de Loulou à Eléonore et nous menons Coralie à la Violette ; je m'arrête à mi-chemin avec les deux petites, nous regardons paitre des génisses et des veaux ; Coralie revient si enchantée de la Violette qu'elle veut que Benjamin m'y mène de suite ; Claire est des nôtres. Position unique, vue sur le lac et encore les Alpes sont dans les nuages. La Violette appartient à Mr Barbet, suisse qui a épousé une américaine ; nous reviendrons surement ici, c'est ravissant ! Retour rapide ! Loulou toujours mieux ! Benjamin vient coucher avec moi, Coralie prend son lit. Lettre amusante d'Isabelle.

Mercredi 24 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Temps splendide ; matinée en partie à l'Observatoire puis au Signal, enfin aux ruines du château. Coralie est ravie de la vue, bien qu'il y ait de la brume, mais l'après-midi allons à des bancs au dessus du cimetière sur la route d'Arzier, vue splendide sur la chaîne des Alpes, le Mont Blanc dans toute sa splendeur ! Le soir tous ces glaciers sont éclairés par le soleil couchant, c'est de toute beauté !... Coralie part à 5 h ¼ ; sa visite nous a fait un immense plaisir mais, comme nous n'avons jamais de bonheur complet en ce monde, tandis que Loulou est mieux, le docteur nous permettant de la laisser 3 h levée, Adèle a par contre une diarrhée affreuse cette après-midi, elle souffre de coliques, etc. . Est-ce un refroidissement ? est-ce une aggravation de son entérite ? je n'en sais rien ; elle grogne, pleure, gémit ... j'en suis toute consternée ...

Jeudi 25 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Loulou toujours mieux ; reste 6 heures levée, le docteur satisfait. Adèle au lait, moins souffrante. L'après-midi, promenade à Monteret, château de Mr André, banquier à Paris, avec Benjamin et Gabrielle. Je préfère la position de la Violette car Monteret, adossé à la montagne, n'a point la vue du Jura, ni des bois ; mais elle a la même vue plongeante sur le lac et toujours les Alpes. Le château a du cachet, il a une tourelle et grand air ; nous avons aperçu des enfants sur la terrasse ; c'est probablement de cette habitation que viennent les équipages qui traversent Saint Cergue. Nous faisons une jolie promenade dans les délicieuses allées au milieu des pelouses et des bois ; voyons deux vaches parquées dans les bois, cueillons et mangeons des fraises, attaquons deux serpents ! Malheureusement il fait trop chaud sur les routes.

Vendredi 26 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Matinée en chambre avec Loulou tandis que Benjamin et Gaby sont dans la forêt et les petites dans le jardin. L'après-midi Benjamin, Gaby et moi dans la forêt, nous nous égarons, croyons être à deux pas des Rousses et sommes à 10 mn de Saint Cergue. Le docteur vient le soir voir Loulou pendant le dîner, et lui donne toutes permissions pour demain. Après dîner conversation avec l'abbé sur le soit-disant maigre qu'on nous sert à l'hôtel, puis sur les promenades des environs, il nous indique la fruitière. Voyons le docteur, sa femme et son fils, le remercions de ses bons soins.

Samedi 27 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Promenade sous-bois avec nos trois aînées ; halte et lecture ; malgré notre marche à l'ombre, il fait très chaud ; retour à midi. Le soir à 4 h, visite au docteur Ehrmann que nous trouvons avec sa femme ; Loulou le remercie ; puis départ pour la Fruitière où nous n'arrivons pas ! égarés dans une prairie, nous revenons bredouilles. Loulou bien, Adèle mieux. Le soir avec Mr et Mme Massot.

Dimanche 28 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Messe à 9 h ½, toujours avec ce cachet particulier que j'aime ! Retour avec Mme Roussier, je la remercie, elle est très aimable. Matinée sous la véranda, il fait de l'air. Après déjeûner, course en voiture, nous partons tous en char, Benjamin et moi sur le siège à 2 h ½ ; malgré le soleil ardent, l'air vif atténue l'ardeur de ses rayons.
        La glacière naturelle dans le paturage de la Grenollière est notre but. La route de France superbe mais quel casse-cou que le chemin qu'il faut prendre à droite ; les chevaux font beaucoup de ne pas se jeter à terre et le char de ne pas verser ! les enfants poussent des cris de joie, c'est une vraie partie de plaisir ! La glacière est trop glissante pour nous permettre d'y descendre ; Benjamin y suit le guide avec une bougie et nous rapporte de la neige. De là, visite du chalet voisin, très curieux. 78 vaches sans compter les veaux et les génisses ; chaudron énorme dans lequel on met le lait à chauffer pour faire les fromages. Nous visitons successivement la salle des immenses fromages, on en fait deux par jour, chacun se vend 35 à 40 fr. La salle des beurres est d'une propreté irréprochable ; on nous donne du lait chaud que nous avons vu traire, des tartines de beurre, etc. Ce qui est fort drôle, c'est de voir courir les bergers avec leur siège à un pied retenu à leur ... agilité à l'aide d'une courroie.
        Nous revenons enchantés de notre expédition, sommes chez nous à 5 h ½. Lisons une heure avant dîner sous les ombrages du jardin. Après dîner, musique devant l'hôtel Capt, puis, avec Mr Massiot, sur la route d'Arzier ; rencontre de Mr et Mme Roussier, Mme me raconte toutes ses sollicitudes pour son fils enfant et aveugle.

Lundi 29 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Pluie. Malgré le temps très couvert, car la pluie n'est pas sérieuse, nous allons, Benjamin, Gaby et moi à Arzier ; rencontre de Mr et Mme Roussier ; une heure pour aller, une heure pour le retour ; celui-ci est fatigant, la côte étant raide en revenant d'Arzier. Dans ce village, 10 mn de repos sur un banc en pierre devant le temple ; vue sur le lac mais les Alpes entièrement dans les nuages, même les Voirons ; Arzier est plus bas que Saint Cergue, mais avec une belle vue, seulement dans une position beaucoup moins pittoresque. Après le 2nd déjeûner Benjamin part avec Mr Massot pour les batteries des Rousses, 4 h de marche aller et retour. Je mène les cinq fillettes sur la route de France où elles s'amusent beaucoup à garder leur équilibre en courant sur des sapins couchés le long de la route, elles s'amusent au chaval en allant, sautent à la corde au retour, c'est charmant !
         Recevons la dépêche de Coralie qui nous trouvera demain à Chillon. En sortant de la maison, je rencontre Mr Roussier, le docteur Erhmann et sa famille, nous causons longuement ; puis, avec Mme Massot, gardons les enfants qui s'amusent à se balancer sur des poutres. Benjamin revient enchanté de la visite à la batterie qu'ils ont visitée, ils ont marché 5 h. Le temps couvert, brouillard par moments, a été délicieux ; le thermomètre marquait 11° ce matin.

Mardi 30 Juillet 1895   St Cergue/Nyon/Vevey/Territet/Glion/Caux/Chillon/Veytaux/Lausanne/Nyon/St Cergue   [Carte]

        Lever matinal. Départ à 6 h pour Nyon avec nos trois grandes.

        

        Bateau à 7 h 25 pour Territet-Glion ; temps splendide, belle traversée ; intéressant jusqu'à Lausanne et à partir de Vevey ; arrivons à 11 h 40, prenons le chemin de fer funiculaire de Glion, belle ascension, vue sur le lac de Genève ; à Glion, changement de train, chemin de fer à crémaillère jusqu'à Naye, nous nous arrêtons à la 1ère station : Caux, magnifique hôtel ; pendant une ½ heure admirons la belle nature ; la vue plongeante est magnifique, mais les sommets dans la brume ; aussi regrettons-nous de ne pas monter plus haut. Arrivons à Territet quelques minutes avant le bateau qui nous amène Coralie, Anna et Emilie ; descendons pour déjeûner au Grand Hôtel, de toute beauté, salon de bal ou de spectacle de toute beauté, tous les salons d'un luxe inouï ; c'est le plus bel hôtel que nous ayons vu. Après le déjeûner (seulement 3 fr.), à Chillon en tramway électrique. Visite du château bien intéressante, la chambre de la duchesse de Savoie, la salle de justice, les cachots, etc. Nous laissons Gaby à Coralie et prenons Anna ; prenons le chemin de fer à Veytaux-Territet, chaleur, soleil de plomb, dame à fluxion fermant toutes les vitres, monsieur protestant, nous changeons de compartiment pour ne pas étouffer.
        A Lausanne, changement de train, avons le temps d'aller prendre une glace. Arrivée à Nyon à 6 h où nous montons en voiture pour retourner à Saint Cergue ; ciel d'un bleu uniforme ; arrivée à 8 h ½. Les petites sont bien.

Mercredi 31 Juillet 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Pluie, temps gris, brouillard épais. Correspondance dans la matinée. A 3h nous allons, malgré l'épais brouillard, sur la route de France jusqu'à la jonction avec l'ancienne route. Au chalet de Saint Cergue, visite aux bergers, on nous trait du lait. De là au Signal puis à l'arrivée de la diligence ; arrivée d'un père et d'un fils collégien qu'attendaient ses quatre sœurs et leur mère.

Jeudi 1er Août 1895   Saint Cergue / La Cure / Col de la Faucille / Gex / Divonne / Saint Cergue     [Carte]

        Lever à 7 h moins ¼ ; ciel sans nuage pour notre journée au col de la Faucille ; départ à 8 h ½, Benjamin, Anna, Loulou, Clairette et moi avec Mr et Mme Masssot et leur fillette Claire. Le ciel devient nuageux mais nous allons vers le beau temps. Route de toute beauté de la Cure au col de la Faucille (1300 m d'altitude) entre des sapins et des rochers à pic, nous sommes enthousiasmés ! Nous mettons pied à terre au col de la Faucille, il y a un modeste hôtel et de nombreux étrangers car nous avons rencontré plusieurs groupes ; il y a là trois routes, une allant à St Claude que nous avons parcourue quelque peu et qui parait ravissante ; celle que nous venons de parcourir venant de Morez, une troisième allant à Genève ; une diligence fait le service entre Morez et Genève ; il est environ 11 h, nous redescendons par des lacets jusqu'à Gex, ce versant très joli ; des habitations en approchant de la plaine ; de là à Divonne où nous arrivons vers 1 h. Etablissement d'eaux très gracieux, beaucoup de baigneurs ; très bon déjeûner au restaurant puis visite de l'établissement, du parc, aperçu un gracieux bal d'enfants ! Départ à 3 h ½. Un vieux bonhomme vendant des objets, reconnaissant en Benjamin un provençal, nous dit mille gracieuses choses sur Marseille qu'il a habité. Arrivons à Saint Cergue après une forte pluie, à 6 h.

Vendredi 2 Août 1895   Saint Cergue / Prangine      [Carte]

        Le matin menons Anna à la Violette mais il fait si chaud et la vue est si bornée sur les Alpes que cette course est presque à regretter. Lecture et travail sur notre banc jusqu'à 4 h, puis, avec les Massot, promenade sous bois jusqu'à la Barsatte, magnifiques sapins, surtout le sapin candélabre. Redescendons sur Prangine, nous nous égarons ; enfin nous arrivons dans un chemin ! Trouvons en rentrant la dépêche de Coralie, elle sera à Genève à 8 h. Après dîner allons nous renseigner sur le point de départ du chemin de fer du Salève.

Samedi 3 Août 1895   Saint Cergue / Evian      [Carte]

        Comme il pleut à 5 h du matin, renonçons au Salève et nous rendormons jusqu'à 7 h. Départ à 9 h avec beau temps pour Evian, belle traversée sur la Suisse, le plus beau bateau du lac ; rencontrons à bord Mr François Régis et ses deux fils qui vont rejoindre Mme Régis à Monthey. En route, musiciens, tours d'adresse, etc. A 11 h arrivée à Evian où nous attendent Coralie, Emilie de Samathan et Gaby ! Visite de leur couvent, jolies chambres, jardin plein de fleurs, petit oratoire, etc. Vue sur le lac. Déjeûner en face de l'hôtel de Fonbonne ; puis au Casino, le visitons, y voyons la famille Prévot ; achats à la grand'rue, visite de l'établissement des eaux ! le Grand Hôtel au dessus ; je préfère la postion de l'hôtel d'Evian au dessus du parc ; rencontre de Mme Hubert et d'Angèle Lapierre. Loulou pèche dans le lac ; je ne sais comment les choses se passent mais voilà la ligne et le petit poisson au bout accrochés au platane de la promenade, les promeneurs s'arrêtent, rient, c'est une comédie ! Partons à 4 h sur le Jura ; la côte savoisienne très verte, jolies villas, hautes montagnes aux derniers plans ! Arrivée à Nyon à 6 h. Bonheur de nous retrouver tous ensemble !

Dimanche 4 Août 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Brouillard, pluie ; messe à 9 h, changement d'abbé, l'abbé Siltre me plaisait davantage, celui-ci est plus zélé ; jusqu'à midi Benjamin, Gaby et moi allons nous promener sur la route de France, terreur de Gaby devant un troupeau de bœufs qui paissent tranquillement, il nous faut revenir parce qu'ils viennent vers nous. Correspondance après déjeûner ; à 5 h, entre plusieurs averses, à la chapelle où l'abbé a donné rendez-vous. Chapelet avec chants, magnificat, histoire d'un martyr jeune polonais pour le signe de croix racontée aux enfants. La fête du village est bien compromise par le temps ; vire-vire(1), phonographe, tir à la carabine, enfin salle de bal enguirlandée en plein air avec cette enseigne extérieure : "Soyez les bienvenus" et intérieure : "Vive la gaité !". A dîner plus nombreux que jamais, environ 90 ; le diacre seul à l'intérieur du fer à cheval, entre le dos de Loulou et celui d'un monsieur.
(1) Sorte de manège tournant en rond

Lundi 5 Août 1895   Saint Cergue     [Carte]  

        Pluie à 6 h ; aussi renonçons-nous au Salève ; le matin promenade à Monteret avec Benjamin et Bébé, par l'avenue, vue sur le lac très curieuse, le ciel étant gris et bleu, se reflète dans ses eaux. L'après-midi, Benjamin, Mrs Massot et Perkers vont sur le chemin de la Dôle ; avec Mme Massot, nous menons les enfants sur la route de France, mais, comme ce matin, retour avec la pluie à la grande joie des enfants ! Installation sur notre banc ; je travaille, elles jouent aux cartes, sautent à la corde, tricotent, c'est charmant ! Au retour de Benjamin, tous ensemble sur la route de Nyon. Enfin ! voyons la chaîne des Alpes que voilent encore quelques nuages ! Les enfants font partir des allumettes bengales. A la fête ! entrain des enfants ! les chevaux de bois les excitent.

Mardi 6 Août 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Ce matin, à 8 h, départ en voiture avec les Massot pour le lac de Joux ; arrivés en haut de la montée, le temps est si menaçant que nous revenons. Alors à pied, avec Benjamin et Gaby, à la chèvrerie ; là, la vue jusqu'au Fort de l'Ecluse, mais les nuages nous cachent les Alpes et le brouillard peu à peu nous enveloppe ; longue conversation avec le garde forestier fixé à la Chèvrerie. Après déjeûner, départ pour la Dôle de Benjamin et Mr Massot qui ne reviennent qu'à 7 h, éreintés ! c'est très dur et n'ont pas vu les Alpes.
        Avec Mme Massot et les enfants, prenons l'ancienne route de Nyon et nous asseyons sur l'herbe. Le temps paraissant se relever, j'envoie Eléonore chercher nos ouvrages et le goûter ; pendant ce temps les enfants cueillent des fraises et des framboises, escaladent, courent, font des autels avec de la mousse ! Soirée concert : Mme Perkes excellente pianiste, Mr Massot très bon violoncelliste, une dame a une voix superbe, Mlle Prangine chante aussi.

Mercredi 7 Août 1895   Saint Cergue / Lac de Joux (Le Pont) / Saint Cergue     [Carte]

        Départ à 8 h ¼ du matin avec les Massot pour le lac de Joux ; partons à pied, Gaby et moi, pour nous réchauffer et montons en voiture quand elle nous rejoint. Temps beau bien que nuageux. Nous connaissions la route jusqu'au lac des Rousses ; elle continue au milieu de maisons échelonnées jusqu'au Brassus, village de Bois d'Amont français ; il y a même deux routes parallèles dans la vallée de Joux, également bordées de maisons ; l'Orbe coule au fond (bassin du Rhin) avec des eaux d'une limpidité étonnante. Le Brassus, localité importante, jolies habitations particulières ; en arrivant au Sentier, pêcheurs à la ligne sur les bords de l'Orbe, on doit pêcher des truites ! Là, grand embarras, les hôtels ont bien mauvais aspect, nous nous décidons pour l'hôtel de ville qui sert aussi d'hôtellerie ! Jolies devantures de la poste et du boulanger, fleurs rares ; achats de bonbons chez celui-ci et de pains briochés pour le goûter. A l'hôtel pour dîner, il faut traverser la cuisine pour entrer à la salle à manger ; un jeune homme dîne avec nous, il se lève chaque fois qu'il fait passer un plat à Gaby ; rires fous, Mr Massot très entrain ; drôles de récipients pour l'eau imitant un tronc d'arbre.
        Malentendu pour nous rendre au bateau, nous croyons qu'il faut 10 mn à pied alors qu'il en faut 30 ; course effrénée au bateau. Enfin arrivons à temps ! Une autre fois il faudrait descendre à l'hôtel Bellevue, chalet au bord du lac, à deux pas de l'embarcadère. Joli lac, petit, eaux vertes ou grises vu le temps couvert, jolies rives vertes et boisées ! Un homme du pays nous raconte un cyclone épouvantable ravagea en 1889 tout un côté de la montagne, emportant chalets et sapins ; le fait est que nous nous étions demandés plusieurs fois dans la matinée qui avait pu saccager ainsi les bois ! Arrivés au Sentier à 11 h ¼. Nous partons en bateau à midi 55 ; sommes au Pont à 1 h ¾, petit lac Brenet ; en repartons à 2 h 50. Après reprenons notre break au bord du lac, à Rocheray, ayant eu très froid sur le bateau. L'hiver le lac se gèle, on enferme le bateau dans une cabane. Le soleil parait et nous enchante ; montée très raide pour atteindre le col de Marchairuz (1450 m d'altitude), arrêt à l'asile ; il ne fait pas chaud. Descente très raide puis dans de ravissantes gorges boisées, enfin dans de vertes prairies avec belle vue sur la plateau de Genève mais rien des Alpes ! Passons aux villages de Saint Georges, Longirod, Marchissy, Le Vaud, Bassins, le Muides, Arzier, enfin Saint Cergue où nous arrivons à 8 h ¼ après 5 h ½ de route. Dîner avec les Massot an arrivant ; gaité folle !

Jeudi 8 Août 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Matinée pluvieuse, la correspondance va bon train. Temps splendide l'après-midi ; aussi charmante promenade avec les Massot à la Fruitière de Nyon, vue magnifique, le Mont Blanc fait paraitre son sommet au dessus de la barre de nuages qui nous cache la chaîne des Alpes ! Vue très claire sur le lac et la plaine ! Il fait si frais que, malgré le soleil, je partage bien volontiers avec Benjamin le plaid de Mr Massot ; nous marchons à trois sur ce plateau élevé au milieu des montagnes ! Au chalet buvons du lait, 60 vaches ! toujours beurre et fromages ! A la descente nous nous égarons par la route d'Arzier, revenons par le chemin de la Violette à 7 h. A 2 h nous avions été avec mes enfants à la terrasse de Mr Bercioux dont la vue est très belle, surtout surprenante parcequ'elle surplombe la forêt.

Vendredi 9 Août 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Réveil par un soleil radieux à 8 h. Petite promenade sous l'Observatoire, les Alpes très claires. Retour par l'hôtel Capt, le 1er sentier suivi et descendant n'avait rien d'agréable. Dans la nuit d'hier à aujourd'hui le thermomètre est descendu à 5°. Soleil resplendissant. A 3 h, départ avec les Massot pour la Chèvrerie, puis à la Violette, les Alpes dans toute leur splendeur! Il faudrait faire cette ascension de bien loin pour avoir ce panorama ; nous voyons depuis les Alpes bernoises jusqu'au Pelvoux peut-être !... c'est splendide ! Oh ! quelle vue ! le lac ! les montagnes !... Après souper, coucher de soleil magnifique, nuages rouges !

Samedi 10 Août 1895   St Cergue / Nyon / Genève / Bons-Saint-Didier / Les Voirons / Genève / Nyon / St Cergue   [Carte]

        Lever 6 h. Départ pour les Voirons à 7 h. Pas un nuage au ciel ! Départ à 8 h de Nyon pour Genève en chemin de fer; Flânons une heure ; puis aux Eaux -Vives en voiture ; changement de train à Annemasse à l'aller et au retour, chaleur excessive dans le train ; à Bons St Didier en voiture, 25 fr, jusqu'au sommet, trois heures de lacets presque aussi grands qu'au Petit-Saint-Bernard ; au milieu des cultures les deux tiers de la route , puis dans les sapins et les marécages. Vue splendide sur le Mont Blanc vers la fin de la route. Arrivés à 1 h ¼, nous faisons immédiatement l'ascension du sommet (1486 m d'altitude) en 10 mn. Vue magnifique sur le lac ; depuis le Fort de l'Ecluse jusqu'à Evian exclusivement ; le Mont Blanc est beaucoup plus près qu'à Saint Cergue mais la vue de la chaîne est bornée à cause de la hauteur des montagnes qui nous séparent ; cet inconvénient n'existe pas à Saint Cergue, la vue est autrement étendue ! L'inconvénient de Voirons, c'est qu'en dehors du plateau, pas de promenade ! Saint Cergue est préférable !...
Déjeûner à 2 h, nous mourons de faim ! Au lieu de la froideur de la réception, on nous sert avec une amabilité charmante ; café sur la terrasse pendant que les enfants braquent la lunette sur le Mont Blanc ; 4 abbés mangent avec des messieurs et des dames, chaque groupe à l'ombre d'un des sapins de la terrasse ! Il n'y a que deux hôtels ou chalets ; le chalet contenant 30 à 35 personnes, l'Ermitage, où nous sommes une soixantaine ; la chapelle catholique est à 10 m au dessous, nous pourrions peut-être l'apercevoir de Saint Cergue. Départ à 3 h ¼ dans notre voiture ; bon souvenir de notre trop rapide passage aux Voirons ; lentement jusqu'à la bonne route, celle de Saxel se composant d'une église, toutes les fermes disséminées dans la campagne; puis loin le village de Boëge. A 4 h ¾ en gare à Bons Saint Didier. Que le Mont Blanc est beau même de la plaine, mais quelle chaleur !
        A 6 h ½ aux Eaux-Vives, vite en tramway, changement à la place du Molard pour un allant à la gare ; prenons des glaces en haut de la rue du Mont Blanc ; puis au buffet, achat de notre dîner. Départ à 7 h ½ en chemin de fer, train-tramway jusqu'à Nyon où nous sommes à 8 h ¼, il fait bon.
        Retour en voiture délicieux ! Le ciel est tout étoilé, nous commençons notre repas nocturne après Trélex : poulet excellent, gaité et bon appétit, raisins et pêches délicieux ; buvons à la bouteille ! Après cet acte prosaïque mais réconfortant, admirons le lever de la lune et son reflet sur le lac ! le ciel tout étoilé ! c'est enchanteur ! et nous, toujours au milieu de notre sombre forêt, nous apercevons des lanternes vénitiennes sous-bois, ce sont des promeneurs attardés ; des jeunes gens descendaient en chantant, leurs voix retentissaient sous les grands arbres de la forêt. Arrivée à 10 h ½ ; très satisfaits de notre journée, particulièrement de notre retour !

Dimanche 11 Août 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Messe à 9 h ½. Chapelle comble, pas mal de personnes debout à la porte ou en dehors de la chapelle. On prétend que des protestants étaient venus en curieux ! Correspondance et écritures toute la matinée.
         A 3 h avec les Massot au concert en plein air. La musique et les chœurs n'ont rien de rares, mais quel joli spectacle ! Dans la prairie en amphithéâtre tout Saint Cergue réuni, assis sur l'herbe ; c'est un coup d'œil ravissant ! nous n'avons jamais vu pareil spectacle ! quel cadre enchanteur ! A 5 h à la chapelle pour le chapelet et les chants ! Il fait très chaud mais ce soir, pluie, tonnerres, éclairs, ce qui n'empêche pas les chevaux de bois de tourner, les danses de s'exécuter, la sauterie d'avoir lieu à l'hôtel Auberson, tandis qu'à l'hôtel Capt il y a concert et comédie. J'oublie de mentionner l'aubade donnée au colonnel d'artillerie qui, de son balcon, applaudit à côté de sa femme, une anglaise. Il habite cette maison qui nous plait tant, avec ce joli jardin, mais j'apprends qu'ils ne sont pas chez eux, mais en location ; aussi pouvons-nous encore caresser le rêve d'acheter cette charmante habitation !

Lundi 12 Août 1895   Saint Cergue - La Barillette      [Carte]

        Ce matin, après un lever matinal, nous nous recouchons, le temps étant couvert. A 8 h, à notre second lever, regrets, le soleil très beau ! Cependant les Alpes sont dans les nuages et du Salève nous n'aurions rien vu ! Après le 1er déjeûner allons chez Déyallier avec les Massot qui nous raconte leur soirée à l'hôtel Capt où l'on a très bien joué la comédie ; il parait que le fils Roussier est très bon artiste, il joue dans la perfection ! il y a aussi une violoniste hors concours, 1er prix du conservatoire ; rencontre de Mr et Mme Roussier avec Mme Labadie, puis du fils Roussier. Achats des enfants chez la boulangère.
         Après dîner, à 2 h ¾, départ avec Mr et Mme Massot, Gaby, Benjamin et moi pour La Barillette. Nous mettons 2 h ¼ en traversant les pâturages de Guinfard, du Vicarne, enfin au chalet de la Barillette. Voyons trois hommes, six chevaux en liberté, deux chats et un chien, c'est tout, les vaches sont encore dans le pâturage ; demain ils quittent, bêtes te gens, ce chalet pour celui de Combe-Grasse. Toutes les années, ils ne restent que cinq à six semaines à la Barillette, l'herbe y est trop courte, les bêtes n'ont plus rien à manger.
Du sommet, vue splendide sauf les Alpes, on dit qu'on aperçoit jusqu'au Weterhorn. 2 heures de marche pour le retour, nous nous perdons tout-à-fait, je roule deux fois, ; nous mangeons des fraises magnifiques, rouges presque noires ! A un moment Mme Massot et Gaby entendent un rugissement, on nous dit après-coup que ce doit être un sanglier, parce qu'il y en a l'hiver. Quelle solitude dans ces forêts ! enfin, à force de chercher, nous trouvons un sentier, mais quand il y a une bifurcation, nous ne savons plus lequel prendre, nous finissons par trouver un magnifique chemin qui nous fait tant et tant descendre que nous supposons être au bas de la forêt ! Après 1000 émotions nous apercevons la route de Nyon ! ô bonheur ! nous sommes sur la route au dernier lacet avec le chalet de Mr Bercioux ! Nous jouissons d'un bel effet de soleil couchant sur le lac qui, ce soir, est noir.
         Arrivons après la table d'hôte ; nous nous débarbouillons et nous mettons à table à côté des Massot ; rires fous des enfants. Nous couchons au dernier morceau ! Que d'émotions dans cette promenade ! Comme on se perd vite dans les bois !

Mardi 13 Août 1895   St Cergue / Genève / Veyrier / Monnetier / Les Treize Arbres / Le Salève / Genève / St Cergue    [Carte]

Hésitations pour notre lever, temps couvert ; malgré ce, partons de Nyon à 8 h en chemin de fer à Genève ; de 9 à 10 h quelques achats. Départ par Cours de Rive pour la Salève par Veyrier ; quel joli trajet au milieu de délicieuses villas ! chemin de fer électrique à crémaillère entre le Petit et le Grand Salève, station de Monnetier-Eglise, village bien pauvre, plus loin Monnetier-Mairie où l'on rejoint la ligne d' Etrembières puis les Treize Arbres. Nous faisons la faute de ne pas déjeûner au restaurant de la gare, mais après notre ascension, à l'auberge des Treize Arbres qui ne vaut rien. Loulou et Claire montent à âne, nous trois à pied. La vue de la plaine est magnifique, très surplombante ; on est très près du Fort de l'Ecluse, mais d'Alpes, point ! La chaîne, qu'on verrait dans toute son étendue, est dans les nuages entièrement. Nous nous arrêtons au bord de la Grande Gorge, à pic du côté de Genève ; cette ville est à deux pas du Salève. L'Arve serpente, on en suit les méandres. Nous descendons à l'auberge (1171 m d'altitude) ; déjeûnons mal sur la terrasse. Quelle belle vue sur la plaine et le lac !
         Départ à midi 23, descente très raide, passons après Monnetier-Mairie à Haut-Mornex et Bas-Mornex, enfin dans la plaine d'Etrembières sur les bords de l'Arve ; là, changement de train, tramway à vapeur qui vient prendre les voyageurs, repasse par Annemasse, puis les Eaux-Vives, enfin quelques jolies villas, puis à Genève , à la place du Molard. Cette route moins jolie que celle de Veyrier. A 3 h ½ , en bateau pour Nyon. Que de jolies villas sur la rive suisse ! Le château de la Bne de Rotschild parait splendide ! A Nyon à 4 h ½, il pleut ; en voiture fermée, hélas, à Saint Cergue où nous arrivons pour la table d'hôte.

Mercredi 14 Août 1895   Saint Cergue      [Carte]

        Jeûne ; après avoir regardé ce premier déjeûner, allons à la chapelle nous confesser. Je pars la première, Mme Massot me suit puis nos quatre aînées. Confession. Eléonore, elle, trouve qu'on ne peut pas se confesser parce qu'on passe l'une après l'autre. Malles à faire jusqu'à midi. Maigre collation, Mr Massot bisque, le service ne marche pas ! A 2 h, avec Benjamin, visite à Mr et Mme Roussier, ils nous reçoivent debout devant leur porte avec Mme Labadie. Allons reprendre les Massot par la route d'Arzier ; au bois d'Oujon, c'est très boisé, puis, tout d'un coup, plus un sapin mais des tapis de fraises ! cueillette en règle, joie de Gaby, Loulou et des deux Clairette ! jusqu'au chalet des Bioulles. Retour charmant sous bois, puis par la route d'Arzier. Mr Massot fait toujours rire les enfants ; il veut nous persuader que les chaleurs seront accablantes à notre retour ! A dîner recevons les dernières lettres de La Viste. Après-demain nous serons tous ensemble ! ...

Jeudi 15 Août 1895   Saint Cergue / Genève / Bellegarde / Lyon / ...

        Lever sans un nuage au ciel ! Messe à 9 h. Monde fou ! allocution, l'abbé Neuville dépense son zèle. Retour de la messe avec les Roussier, les Massot, Mme Labadie. Paquets, déjeûner, promenade dans le jardin de l'hôtel ;puis avec Mme Auberson visite des chambres à côté des notres que pourrait occuper Alfred(1) avec sa famille, il y en a 4 ; nous serions si bien tous ensemble. Adieux aux Massot et départ à 2 h avec un ciel chargé de nuages. Il fait frais ; à Nyon entre l'expédition de nos bagages par le chemin de fer et notre départ en bateau à 3 h ½. Le Mont Blanc se dévoile, nous le saluons avec amour ! A Genève à la gare puis au buffet où nous dévorons sur la terrasse à l'ombre d'arbres et de tentes. Départ à 6 h ; à la douane 90 fr de droit pour les cigares déclarés par Benjamin, c'est dégoûtant !
        A l'Ecluse admirons le fort à droite, Bellegarde est pavoisée. A Lyon on nous rattache à l'express de 10 h ; Benjamin a rencontré un Mr Léon qui cause avec lui indéfiniment ; bien installés dans notre wagon à couloir, Eléonore avec nos trois aînées ; dans notre compartiment, Adèle et Bébé allongées ; Benjamin séparé de moi par une anglaise, femme de chambre, qui voulait me faire étendre en mettant mes pieds sur ses genoux.
(1) Frère de Léonie

Vendredi 16 Août 1895   Arrivée à Marseille

        Bébé dort si bien qu'étant tombée, je la remets sur sa banquette sans qu'elle se réveille ! Arrivée à Marseille à 6 h ½ du matin ; déjeûnons au buffet de la gare, mauvais ! Xavier vient nous rejoindre en gare ; départ à 7 h 20. A St Antoine à 8 h 44. Clotilde arrive en retard avec ses enfants. Bonheur de nous retrouver tous ensemble !

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