Voyage à Interlaken par Léonie Fine - Septembre 1894
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Du 8 au 27 septembre 1894

Carnet n°5 - Voyage à Interlaken, 8-27 septembre 1894
Benjamin, Gabrielle, Louise, Claire et moi (Léonie Fine)

Samedi 8 septembre 1894    Marseille / Grenoble / Chambéry / Aix-les-Bains    [carte]

Départ de St Antoine par le train de 8 h. Beau temps, 1ères à couloir fort agréables pour une journée entière. La route intéresse beaucoup les enfants, Clairette particulièrement. A St Auban, déjeuner avec mauvais saucisson et pain dur. A Veynes, très bon déjeuner à 3 frs, truites, filet aux champignons et gigot. Il commence à faire frais, à Monestiers de Clermont nous nous couvrons. A Grenoble, achat du goûter, excellent : pain, chocolat et pêches. Nous laissons nos bonnes 1ères pour celles ordinaires et voyageons quelque temps en compagnie d'un monsieur lisant un journal apprenant en grosses lettres la mort du comte de Paris! C'est ainsi que nous connaissons cette nouvelle politique ! Changement de train à Chambéry avec un peu de pluie. Arrivée à Aix-les-Bains à 8 h du soir. Hôtel de Paris. Dîner au restaurant. Nous sommes bien. Direction d'une dame et de sa fille aimable et sans emphase. Cinq petites chambres (41) communiquant, au 3ème, très propres. Coucher à 10 h, nous tombons de sommeil.

Dimanche 9 septembre 1894     Aix-les-Bains / Culoz / Bellegarde / Genève / Berne    [carte]

Lever à 5 h ½ , 1er déjeuner à 6 h ½, messe à 7 h où nous apercevons René drapé dans un plaid, il sort immédiatement après la communion, aussi impossible de lui serrer la main. Départ à 8h avec la pluie. Le lac du Bourget ravit les enfants. Le soleil parait avant Culoz. A Bellegarde, à cause d'un retard, changement de train, nous prenons l'express. Arrivée à Genève à midi ¼, vite au buffet pour déjeuner. Oublions le changement d'heure (heure de Berne), aussi le train part-il sans nous, 5mn après l'avoir laissé. Pendant les deux heures de libre qui nous restent, promenade autour du lac de Genève. Départ à 2 h en chemin de fer pour Berne. Les enfants jouent au Boston (ndt : jeu de cartes) à outrance. Gabrielle s'aperçoit que nous voyageons avec un jeune ménage. Arrivée à Berne à 8h. L'hôtel du Jura plein. L'hôtel de France propre, mais mal organisé. Il faut aller une autre fois à l'hôtel de Berne. Coucher de bonne heure. Il fait froid !

 

Lundi 10 septembre 1894     Berne / Lac de Thonne / Spüze / Interlaken    [carte]

Lever à cinq heures. A 7h ½ départ pour la visite de Berne. Ville ravissante : d'abord au Petit Rempart, admirons le magnifique pont en fer de Kirchenfeld avec ses deux immenses arches. Vu Palais fédéral ; une autre fois nous descendrons à l'hôtel de Berne, admirablement situé. De la terrasse de la cathédrale, vue ravissante, mais rien des Alpes dans les nuages. Le soleil brille, de temps à autre, le ciel se rembrunit, on reçoit une goutte, puis les rayons du soleil percent encore les nues. Vu et entendu sonner neuf heures à l'horloge. Vu la fontaine de l'Ogre. La cathédrale, aujourd'hui aux protestants, est fort belle. Voyons l'intérieur et l'extérieur. Visite aux ours de Berne, à droite du pont de la Nydeck, retour en tramway par la rue principale et départ pour Thonne en chemin de fer à 11h. Pont du chemin de fer très beau, et, en 1h ½ à Interlaken. Lac de Thonne ravissant ! De la neige sur les cimes. A Spiez, un hôtel tout neuf, très engageant pour une autre fois. Maintenant le bateau remonte l'Aar jusqu'à Interlaken-la gare. Il est 2 heures. Déjeuner au terminus, puis à la recherche d'un hôtel. C'est l'hôtel du Belvédère qui a nos préférences. Notre chambre a trois fenêtres, deux donnent sur une jolie terrasse, dont une porte-fenêtre, celle des fillettes, petite, mais à 3 lits, donne également sur la terrasse, couverte en partie par le balcon de la chambre supérieure. Petit tour en voiture de 4 h ½ à 6 heures. Nous allons à Wilders-Wyl, puis parcourons le Bedch. Rentrons à 6h. Rentrée à l'hôtel. Dîner à part. Dîner, écrire et se coucher, tel est le règlement.

Mardi 11 septembre   Interlaken / Grindelwald / Petite Scheidegg / Wengenalp / Mürren / Valée de Lauterbrunnen/ Interlaken [carte]

Lever matinal, déjeuner habituel avec beurre et miel. A 7h 25 départ pour la nouvelle gare, à l'est d'Interlaken. Le chemin de fer pour Grindelwald. Malgré le temps splendide, froid de loup dans la vallée mais surtout quand, dans le chemin de fer à crémaillère, nous montons à la petite Scheidegg. Arrivés à une certaine altitude, nous nous trouvons au milieu de la neige fraichement tombée, car il faut dire qu'aujourd'hui le temps magnifique a succédé à une série de mauvais temps. Aussi, que de monde ! les trains presque tous doublés sont remplis ! Nous gravissons bien commodément cette montagne qu'il y a 6 ans nous franchissions avec Benjamin et Coralie, lui à pied, nous à cheval ! Il fait un froid glacial, surtout lorsque nous longeons les parois énormes du gigantesque Eiger qui nous dérobent les bienfaisants rayons du soleil ; malgré nos manteaux, nous soufflons dans nos doigts, battons la semelle. A la petite Scheidegg , déjeuner à la vapeur, en un ¼ d'heure. Le service est si lent que je vais moi-même chercher nos assiettes, ce qui amuse un monsieur témoin de nos demandes réitérées. A Wengenalp, nous descendons du train pour nous réchauffer ; voyons une avalanche. Décidément je préfère la vue de Wengernalp à celle de la petite Scheidegg. La Jungfrau est plus saisissante, les nombreux glaciers plus rapprochés de nous. Descente dans la vallée de Lauterbrünnen par des courbes plus ou moins ménagées. Les fillettes, pendant les haltes, considèrent les vaches dont les sonnettes font un véritable carillon et les batailles des jolies chèvres comme il n'en existe qu'en Suisse. Gabrielle, bien que disant s'amuser, est continuellement d'une gravité sénatoriale qui me désespère ! Loulou tient le juste milieu ! Claire est toujours gaie, souriante, prenant intérêt à tout, elle nous amuse beaucoup. Montée à Mürren par un effrayant chemin de fer à crémaillère et funiculaire rappelant celui de N-D de la Garde, mais bien 5 fois plus long. Comme il est droit comme un i dans la première partie, il donnerait le vertige à des gens ayant la tête moins solide que nous ! Changement de train, celui-là ne faisant que cette partie et un simple chemin de fer à crémaillère nous mène à Mürren après 50 mn de trajet, dont 25 dans le funiculaire et 25 dans l'autre. Mürren, toujours le point unique quand on est passionné comme nous le sommes pour cette chaîne de la Jungfrau. 2ème déjeuner à la fourchette bien qu'il soit 2 h, mais le 1er a été si maigre que nous le complétons ! Petite promenade au dessus de l'hôtel des Alpes. Contemplation de toute la chaîne. Départ à 4h 25. Monde fou, il faut se bousculer pour monter en wagon ; les petits pliants jouent toujours un grand rôle. Retour à Interlaken par la vallée du Lauterbrunnen, toujours plus attrayante, avec la Jungfrau pour fond de décor. Rentrée à l'hôtel à 6h ½ , chacun gai et content de sa journée. Dans la soirée magnifique feu d'artifice au casino que nous voyons par la fenêtre de notre chambre et qui ravit Gaby et Claire. Malheureusement Loulou, dormant déjà, ne peut profiter de cette bonne aubaine. Conversation de 2 messieurs sur les voyages.

Mercredi 12 septembre 1894   Interlaken / Brienz / Rothorn Kulm / Interlaken    [carte]

Journée splendide. Lever à 7h. Un déjeuner tranquille. Départ à 8h 55 par le bateau pour Brienz : maintenant les bateaux partent de l'Aar, l'embarcadère est en face de la gare de l'Est. Traversée d'une heure. A Brienz, montons dans le train du Rothhorn, c'est un chemin de fer à crémaillère qui, par mille circuits, des tunnels et des pentes effrayantes, arrive, après 1h ½ de montée. D'abord coup d'œil délicieux sur le lac de Brienz. A mesure qu'on s'é lève la végétation s'arrête et la neige commence. L'air devient plus vif mais le soleil nous donne une chaleur bien agréable. Photo Vue magnifique de l'auberge, déjeuner assez maigre puis ascension du Rothorn Kulm par un sentier véritable torrent boueux formé par la fonte de la neige. Quelle vue ! Toute la chaîne des Alpes, depuis les Diablerets, la Blumlisalp, la Jungfrau. L'Eiger est énorme, il parait qu'on songerait à y établir un chemin de fer funiculaire et qu'il est sur le point d'être installé au Garnergrat. Je reconnais le Tithis, le Rigi Kulm, on touche le Pilate, les lacs de Thonne, de Brienz, de Sarnen, mais ceux de Neufchâtel et de Constance sont dans la brume ; on ne distingue rien de ce côté-là. C'est comme étendue un panorama à peu près égal à celui du Rigi, les Alpes sont à peu près à la même distance, mais je préfère de beaucoup celui du Brévent, de Wengernalp, de Mürren et du Gornergrat ! La descente s'opère difficilement, le soleil a augmenté la fonte de la neige, nous marchons ¼ d'heure dans le ruisseau qui coule dans le petit sentier, c'est tout-à-fait le système Kneip. Nous nous séchons au soleil tout en écrivant. Départ à 3h 44 ; chaleur torride dans le chemin de fer ; une heure après au bateau. Grande affluence de passagers. A 6 h à Interlaken. Décidons d'aller voir le curé pour savoir les heures de messe. Nous les trouvons affichées à la porte de l'église et lisons que l'aumônier habite le château. Après bien des recherches, sonnons à un 2ème étage et l'on nous introduit dans une immense chambre où nous accueille… le monsieur si aimable qui, au Rothorn, m'avait indiqué différents points sur la feuille de mon panorama ! Loulou et moi ne le reconnaissons nullement. Benjamin et Gabrielle, au contraire, le remettent immédiatement, il nous conseille le jeûne et l'abstinence et une aumône, nous parle très aimablement ; nous sortons enchantés et rions encore de notre aumônier avec lequel, en somme, nous avions passé toute la journée. Tandis que Benjamin va à la poste avec Loulou et Claire, nous nous installons avec Gaby sur notre balcon pour écrire. Retour de la poste avec trois lettres : une d'Emilie : nos fillettes vont bien !! une de Clotilde : Noélie a une 3ème fille ! Une d'Isabelle, toujours amusante ! Nous sommes tous très entrains à dîner, même la sérieuse Gaby !

Jeudi 13 septembre 1894     Interlaken / Spiez / Aeschi / Reichenbach / Kienthal / Aeschi / Interlaken    [Carte]

Lever 7h. Déjeuner. Divers achats. Départ à 9h 50 en bateau pour Spiez ; une voiture nous emmène en une heure à Aeschi. On monte pour y arriver, belle vue sur la Blümlisalp. Descendons à l'hôtel de la Blümlisalp, très jolie vue sur le lac de Thonne. Déjeunons sur une terrasse en donnant à manger à des petits oiseaux. En une heure et ½ à Reichenbach. Suivons le Kander jusque là où nous descendons de voiture pour aller à pied à Kienthal. Etroite vallée avec une rivière dans le fond. 1h ½ pour monter à Kienthal, la route est à mi-coteau, de temps à autre, sous-bois avec la magnifique Blümlisalp en face ! Revenons en 1 heure à Reichenbach où nous prenons des rafraichissements. Une autre fois il faudra de Spiez aller déjeuner à Reichenbach afin de pouvoir aller non seulement à Kienthal, mais encore, à 1 h ½ de là, à Tschingel. Grande discussion avec le cocher, enfin repassons par Aeschi ¾ d'heure après et, de là, toujours dans notre petit break, retour à Interlaken par la route d'Aeschi, enchanteresse, dominant le lac de Thonne avec des points de vue ravissants ! Mettons 2 h ¼ pour effectuer notre programme. Rien à la poste, mais ce matin, un vrai courrier, ah ! que les lettres font plaisir !

Vendredi 14 septembre 1894    Interlaken / Saint Beatenberg / Interlaken    [Carte]

Brouillard intense. Prenons le bateau de 9h 50 pour St Beatenberg, espérant dominer le brouillard ; il n'en est rien, il est bien plus épais à cette altitude. A l'hôtel Bellevue, le plus maigre déjeuner que nous ayons jamais fait ! Vu le brouillard, dans une boutique : achats multiples ! Avec l'omnibus de l'hôtel en gare pour le chemin de fer–funiculaire. A 4h 15, au bateau. rentrée à l'hôtel, correspondance sur le balcon. Arrangement des objets achetés.

Samedi 15 septembre 1894    Interlaken / Giessbach / Iseltwald / Boeningen / Interlaken    [Carte]

Une lettre d'Adèle Salles nous apprend la bonne nouvelle de la délivrance de Marie de Gasquet, elle a eu une petite fille, mercredi soir 12 ; quel plaisir nous fait cette nouvelle !... Nous lisons cette lettre et une de Clotilde en nous rendant au bateau pour le Giessbach à 8h 50. La traversée est toujours fraiche. Arrivée vers les 10h au Giessbach, toujours avec le jeune ménage français entrevu ces jours derniers ; nous montons au Giessbach jusqu'à la dernière chute ; le jeune ménage, en redescendant, nous dit n'avoir pas vu la Jungfrau, étant arrivés avec le brouillard ; ils vont à Lucerne, puis au Gornergrast. Les enfants s'amusent beaucoup, déracinent fougères et sapins, voudraient tout transporter à la Viste. Déjeuner excellent sur la terrasse de l'hôtel du Giessbach. Le jeune ménage déjeune en même temps que nous ; je veux lui envoyer dire qu'ils peuvent donner de bonnes nouvelles chez eux car ils ont l'air très heureux ! Chacun se récuse. Buvons à la santé de la petite Elisabeth ! Départ à 2 h ¾ , à pied, pour Interlaken. Route ou du moins allée charmante jusqu'à Iseltwald à 2 h. Tout ce qu'on peut rêver de plus enchanteur se trouve réuni, comme points de vue, bois de sapins, puis prairies aux plans inclinés, pierres moussues ! c'est un charme inexprimable, des bancs à tous les points les plus enchanteurs. J'engagerais bien un jeune ménage en voyage de noces, à venir roucouler pendant 2 à 3 h au Giessbach, à Iselwald. De là à Boenigen, la route, toujours jolie, et moins ravissante et surtout trop longue ; nous avons bien mis 4 h pour arriver à Boeningen où nous avons la chance de trouver une voiture à 4 places : Clairette, toujours sur le siège. A 7 h nous sommes chez nous pour nous mettre à table. Clairette est amoureuse d'un des garçons.

Dimanche 16 septembre 1894   Interlaken / Schynige Platte / Interlaken    [Carte]

Messe de 9 h. Nous faisons toilette. Le temps est très beau. Voyons notre aumônier en soutane et en surplis, il se donne beaucoup de mal pour faire chanter, chanter lui-même le Stabat, prêcher en français, en allemand ! En sortant de la messe, nous nous trouvonns avec Mr Alfred Maurel, Mlle Elisabeth, sa sœur et son fils. Nous les engageons à faire la petite Scheidegg ; ils sont ici pour 48 heures. Nous autres, après avoir mis les costumes de promenade, nous prenons le chemin de fer pour la Schynige Platte ; ascension féerique, surplombant à pic les vallées de Grindelwald et de Lauterbrunnen, avec vue plongeante sur Interlaken et les lacs de Brienz et de Thonne et un découvert magnifique sur la chaîne de la Jungfrau, celle-ci avec quelques nuages ! Après déjeuner (il y a beaucoup de suissesses en costume bernois), montons à la Daube, 2064 m d'altitude, mais, hélas, le brouillard nous entoure tellement que nous n'y voyons plus rien. Nous étions partis à midi; arrivés à 1 h. Les enfants s'amusent avec de la neige (il en reste quelque peu). Repartons à 5 h. Arrivée à 6h½. Le brouillard s'est dissipé. Les Maurel sont très contents de leur journée. Nous dinons, puis correspondance en attendant les Maurel qui viennent pour la soirée sur notre balcon.

Samedi 17 septembre 1894   Interlaken/Ringgenberg/Niederried/Oberried/Brienz/Gorges de l'Aar/Meiringen/Interlaken   [Carte]

En quittant l'hôtel après déjeuner, rencontrons les messieurs Maurel qui venaient nous annoncer leur départ, nous allons faire nos adieux à Mlle Elisabeth, à l'hôtel Beau Rivage, très bien, beaucoup plus beau que le nôtre ! De là, vu le brouillard, à pied par le nord du lac de Brienz à Ringgenberg, Niederried et Oberried. Il y a 3 heures que nous marchons ; cette rive est infiniment moins jolie que celle du sud. Aussi, en voyant une quinzaine de jeunes filles sortir d'un grand chalet, parlons-nous à l'une d'elles qui comprend le français. Elle nous apprend qu'elles travaillent à une fabrique de pièces pour les feux d'artifice ; elles nous indiquent l'auberge. Mon Dieu ! quelle horreur ! On nous sert un potage de riz dans de l'eau noire, nous déclarons n'en point vouloir. Du beurre avec du sel de cuisine, une omelette plate et brulée dans un plat jaune, une salade plus verte que celles de la Viste, du pain noir et dur et c'est tout. Nous prenons le bateau à la station à 1 h 47 et allons à Brienz afin de prendre le chemin de fer et aller à Brienz, là, un cocher nous mène aux gorges de l'Aar. Les enfants sont ravies, tout étonnées ; petits achats, retournons prestissimo en gare après l'achat du goûter, car nous mourons de faim, pour le train de 4 h 18. Toutes les cascades qu'on aperçoit surprennent les enfants, elles sont très contentes de leur expédition à Meiringen. Retour par le bateau. A l'hôtel à 7 h après 1 h d'arrêt à Interlaken pour des achats. Les voyageurs ont diminué de moitié, plus que 20 au lieu de 40. La table d'hôte est installée dans notre salle ; la famille allemande aux 3 garçons est partie ; Clairette toujours plus amoureuse des garçons d'hôtel !

Mardi 18 septembre 1894   Interlaken / Lauterbrunnen / cascade du Trümmelbach / Stechelberg / chutes du Schmadribach / Trachsellauenen / Stechelberg / Lauterbrunnen / Interlaken   [Carte]

On nous déclare à l'hôtel que le brouillard se dissipera et que les sommets seront très beaux, aussi allons-nous prendre le train de Lauterbrunnen à 8 h 50 quand un cocher de place nous offre sa voiture et nous l'acceptons. Nous allons très lentement à l'aller, les sommets se dévoilent, la virginale Jungfrau nous apparaît. Notre but aujourd'hui sont les cascades ; après avoir dépassé Lauterbrunnen et le Staubbach, la voiture nous mène en 20 mn à un joli hôtel où il aurait fallu déjeuner si c'eût été l'heure. De là, à pied, à la curieuse cascade du Trümmelbach, unique en son genre, elle vient de Jungfrau, descend par une gorge très étroite dans laquelle on a pratiqué divers étages de galeries pour les visiteurs ; la chute la plus basse qui est la plus curieuse est horizontale et sort d'un trou formé dans le roc avec impétuosité. Nous n'aurions pas du aller plus loin. Mais, poursuivant en voiture jusqu'à Stechelberg, nous commençons par y faire un maigre déjeuner, moins mauvais cependant que celui d'hier. A 2 h nous partons avec notre guide qui n'est autre que notre charmant cocher, nous allons voir la chute du Schmadribach, environ une heure de marche dans un sentier exposé au soleil qui est brulant. A gauche, le glacier de la Jungfrau avec la cabane où l'on couche pour en faire l'ascension. Avons vu quatre avalanches. En face de nous, le Schilthorn (2971 m) avec son glacier. Prenons du café et de l'eau à l'hôtel Schmadribach à Trachsellauenen (1263 m). Voyons la cascade de Schmadribach de loin et revenons, après avoir donné nos lettres à une petite fille faisant le facteur, par un sentier qui mène à Mürren après avoir franchi torrents, bois et prairies. Le temps se couvre subitement et pluie fine. Redescendons sur Stechelberg, repartons en voiture à 4 h. Claire encapuchonnée sur son siège, nous dans la voiture ; en ½ h à Lauterbrunnen, achats. Plus de pluie, temps splendide ; la Schynige Platte est en feu, éclairée par le soleil ainsi que le Faulhorn, et revenons comme le vent en ¾ d'heure de Lauterbrunnen. Le ciel est rouge. A l'hôtel, la table d'hôte est plus nombreuse qu'hier.

Mercredi 19 septembre 1894    Interlaken / l'Abendberg / Saxeten / chutes du Grüben et du Wiessbach / Wilderswil / Interlaken   [Carte]

Départ à 9 h pour l'Abendberg. 2 h. La 1ère heure en voiture à deux chevaux, puis trois. La route, très boisée, passe entre le Petit et le Grand Rugen, ce sont de vraies allées avec de jolis points de vue sur le lac de Thonne ; à un certain tournant, on dételle les chevaux, on leur met des selles ; la voiture reste au milieu du chemin et nous montons, toujours sous bois, à cheval jusqu'à l'Abenberg où se trouve un hôtel très bien et admirablement situé ; on a en face de soi le lac de Brienz et la Schynige Platte, à droite la Jungfrau, c'est un tableau enchanteur !... Les enfants s'installent à une bascule et à une balançoire et s'en donnent à cœur joie. Déjeunons sur un balcon en suivant un train allant à la Schynige Platte ; avec une lunette d'approche nous distinguons très bien les personnes allant de l'hôtel à la Daube. Après déjeuner, montons 20 mn derrière l'hôtel, jusqu'à une barre où la vue su le lac de Thonne si bleu est ravissante ! C'est un coin de terre enchanteur ! Il faudrait y faire un séjour ! les fleurs sont délicieuses, les boutons d'or, énormes, ressemblent à des roses jaunes. Départ à 2 h ½ pour Saxeten à pied ; course ombragée presque tout le temps, par des sentiers si étroits qu'un pied y trouve seul sa place. Descente très rapide au milieu des prairies à pic, au dessus de Saxeten. Les enfants roulent, courent, font grand plaisir à voir ! A Saxeten à 3 h ½ , point de voiture ; nous en profitons pour aller, Gaby et moi, aux chutes du Grüben et du Wiessbach, descendant de la Sulegg, montagne fermant la vallée ; c'est très beau ! Benjamin m'envoie chercher par Loulou, le guide baragouine en allemand qu'il faut marcher encore 1 heure pour retrouver notre voiture ; nous assurons que c'est à Saxeten qu'est le rendez-vous ; une vieille femme nous sert d'interprète ; nous trouvons sage d'aller à la rencontre de notre voiture, non sans nous être fâchés contre notre guide ne parlant qu'allemend, qui disparaît au bout de cinq minutes. Partis à 5 h ¼ , nous marchons une heure par une route très large mais très rapide. Nous retrouvons notre cocher à Wilderswil. Benjamin lui parle sec ; je le crois de bonne foi. Notre retour est triste à cause du froid jeté entre le cocher et nous. Arrivons à 7 h à l'hôtel. Je suis brisée, moulue ! Mais nous avons vu de bien belles choses !...

Jeudi 20 septembre 1894    Interlaken / la Daube / Schynige Platte / Interlaken    [Carte]

En nous habillant, vu le ciel bleu resplendissant, Benjamin décide qu'il faut retourner à la Schynige Platte à peu près manquée dimanche dernier. Départ à 9 h 50 mn par l'incomparable chemin de fer. Arrivée à 11h½ ; montons directement à la Daube, 2064 m. Vue magnifique ! restons là 2 heures à nous orienter, Benjamin et moi, avec les panoramas, puis à contempler tant de magnificences. Les fillettes font pendant tout ce temps un bonhomme de neige. Déjeuner à 1 h ½. Les filles sont en costumes bernois. Départ à 2 h ½. A 4 h à Interlaken ; à l'hôtel pour faire toilette, écrivons notre correspondance toutes quatre sur le balcon ; puis, avec Benjamin, quelques achats.

Vendredi 21 septembre 1894    Interlaken / Zweilütschinen / Isenfluh / Interlaken   [Carte]

Achats, puis, à 10 h, départ en voiture pour Isenfluh. Environ ¾ d'heure dans la magnifique vallée Lauterbrunnen dans une grande voiture à trois chevaux. Arrivée au bas du sentier à gravir, à Zweilütschinen, on dételle et selle les trois chevaux que je monte avec les fillettes qui se remplacent. Une heure ¼ de montée ; arrivons à l'hôtel modeste, déjeuner modeste et pas cher. Isenfluh ne vaut pas l'Abenberg ! On jouit d'une vue splendide sur la Jungfrau vue de face et d'une vue plongeante sur les vallées de Lauterbrunnen et de Grindelwald. Ce qui est charmant, c'est le retour à mi-hauteur, à l'ombre, ayant la Jungfrau en face de nous ; c'est délicieux, il aurait fallu continuer jusqu'au chemin de fer funiculaire de Mürren et descendre sur Lauterbrunnen. Nous regrettons de descendre si tôt le long du Sansbach, en face de la Hunnenfluh. Là notre voiture vient nous prendre. A Interlaken, glaces, achats avant et après dîner. Jamais la Jungfrau n'a été aussi ravissante que ce soir, avec sa teinte rosée.

Samedi 22 septembre 1894    Interlaken / Lauterbrunnen / Petite Scheidegg / Grindelwald / Interlaken   [Carte]

Départ à 8 h 50 pour refaire en sens inverse, c'est-à-dire par Lauterbrunnen, le trajet déjà fait et si attrayant de la Petite Scheidegg. Chemin de fer enlevant ! La Jungfrau ravissante ! Quelle fantasmagorie, des nuages l'enveloppant et la dévoilant tour à tour ! Jusqu'à la Petite Scheidegg, c'est un enchantement ; nous y déjeunons très mal à 11 h 15 ; après déjeuner, le temps très aigre et très froid, devient beau et nous partons pour le glacier de l'Eiger afin de faire voir à Claire une grotte de glace ! Quand nous y arrivons, à 1 heure, nous étions dans un épais brouillard ! Les fillettes folâtrent au retour ; avalanches entendues ! achats puis écriture à l'hôtel jusqu'au départ. A 3 h 46, départ pour Grindelwald, temps très froid, brouillard ; il se dissipe en arrivant à Interlaken.

Dimanche 23 septembre 1894    Interlaken / Oberhofen / Thonne / Berne    [Carte]

Pluie ; nous renonçons à notre projet de départ en voiture jusqu'à Berne et allons à la messe de 9 h avec la pluie ; excellente instruction de notre aumônier, toujours plus sympathique. Au retour à l'hôtel, le temps a l'air de se découvrir ; nous faisons commander notre voiture et partons à 10 h ¾ . Trajet charmant en suivant la rive nord du lac de Thonne ; à Oberhofen, pensions délicieuses, très bien situées ; près de Thonne, villas ravissantes. A midi ¾ , arrivée à Thonne. Nous déjeunons au grand hôtel de Thonne, de toute beauté, aux bords de l'Aar ; magnifique salle à manger : 15 fenêtres. Nourriture bonne et pas chère. Notre hôtel Belvédère était ordinaire pour la table ; seulement le personnel était très obligeant ! visite de l'église protestante. Arrivée d'une quinzaine de bébés de la ville et des environs pour être baptisés avec parrains et marraines. La rue principale avec magasins au rez-de-chaussée puis au 1er étage sur terrasses. Départ à 2 h ¾ . Arrivée à Berne à 5 h ¼ . Belle route. Descendons à l'hôtel de Berne, promenade au pont du chemin de fer sous lequel passent piétons et voitures ! Table d'hôte à 6 h ½ , belle salle à manger, le dîner est trop copieux, on en a pour ses 5 frs ; correspondance dans le salon, tout est éclairé à l'électricité !

Lundi 24 septembre 1894     Berne / Fribourg / Genève / Bellegarde / Lyon    [Carte]

Lever à 7 h, départ à 8 h ½, arrivée à Fribourg à midi. La route est belle, mais les sites ordinaires pour la Suisse. Nous suivons presque tout le temps la voie ferrée. Fribourg ne se voit que lorsqu'on y arrive. Le grand pont suspendu est merveilleux, l'autre, moins long, est encore plus élevé. La Sarine coule encaissée dans le fond ; c'est elle qui entoure Fribourg comme l'Aar entoure Berne, seulement Fribourg est laid. Nous comptions déjeuner au buffet, il est si laid que nous cherchons en vain le grand hôtel de Fribourg, il a été changé en université catholique, j'entends son local. Cela nous explique le nombre d'ecclésiastiques et de religieuses que nous rencontrons ! Ce sont les Dominicains qui dirigent l'université. Il fait bon se sentir en pays catholique ! L'hôtel Suisse où nous déjeunons en table d'hôte a un grand crucifix dans la salle ! Après déjeuner, inutilement à la porte Morat pour chercher l'ancien collège des Jésuites, il est perché dans le haut de la ville, souvenir de nos deux bons oncles Amédée et Adrien qui y ont passé leur jeunesse. A la cathédrale St Nicolas, avons la bonne fortune d'entendre l'orgue fameux, il y avait concert. Puis retournons admirer les deux ponts, je regrette de n'avoir pas plus de temps pour les admirer ! A 3 h, en gare, partons pour Genève où nous arrivons à 6 h ½. Jolie route depuis le lac, avant d'y arriver je remarque la jolie position de Romont. Quelle cohue en gare de Genève ! Trouvons non sans peine un compartiment dans le seul wagon à couloir : il a fallu payer d'audace, nous avons fait partir un jeune ménage italien et restons seuls avec un monsieur. A Bellegarde, douane, la clef de la malle se casse, on veut la faire ouvrir, enfin on la laisse passer. Achat du dîner en wagon. Quelle presse ! notre monsieur a le bon esprit de dormir, ce qui nous laisse plus de liberté pour manger notre poulet. Puis dormons jusqu'à Lyon. Arrivée à 10 h 15, restons dans l'omnibus pour les bagages jusqu'à 11 h, nous nous y retrouvons avec le certain jeune ménage italien. Hôtel d'Europe, horriblement cher ! et ordinaire !

Mardi 25 septembre 1894     Lyon / Avignon

Lever à 6 h, montée à Fourvière en funiculaire, splendeur de la future église, ascension de l'un des clocher, vue très étendue, vent impétueux. En voiture à l'exposition, visite de 11 h à 1 h. Déjeuner à un restaurant au bord du lac, puis encore de 2 h à 4 h, les soieries, ameublements, bijoux, objets religieux très beaux. L'homme cire auquel parle Benjamin très réussi. A 6 h, départ par le rapide, cohue ! 3 places pour nous 5 ! dîner au wagon restaurant très amusant. A 10 h ¼ à Avignon. Quel calme ! Hôtel d'Europe réparé, c'est simple, mais propre.

Mercredi 26 septembre 1894    Avignon

Lever 7 h, promenade à N-D des Dous, puis au S.C. Voyons avec grand plaisir Marie d'Azambuja et l'excellente Mme d'Isoard. A 11 h au pont d'Avignon et en chemin de fer chez Louise, à St Genies, tous les Correnson et Thérèse. Dîner, bonne causerie avec Louise et Thérèse… Visite à Castelfond, Léonard et Marie-Louise nous font visiter le logement que je voudrais voir à Louise et à Alfred. Après le goûter chez Louise, visite du jardin et potager puis, à 6 h, départ en voiture, nous allons par Montfaucon à Roquemaure avec la voiture de Léonard, Thérèse et Mr Dumon nous escortent à cheval. Dîner à Avignon.

Jeudi 27 septembre 1894     Avignon / Marseille

Départ à 8 h 10, arrivée Marseille à 10 h ¼. Trajet avec un monsieur et une dame très bavarde. Revoyons en gare Adèle et Béatrix, que ma belle-sœur Adèle et Eléonore accompagnent. Arrivée à St Antoine à 11 h 20. Tous, de la Sumiane et de l'Hospitalière, nous reçoivent à bras ouverts !...

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