Séjour à Fontanès par Léonie Fine - du 18 juillet au 2 septembre 1912
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Carte du séjour

Carnet rédigé par Léonie Fine, à l'âge de 59 ans, relatant un séjour à Fontanès (Loire)
avec son mari Benjamin Salles, leurs 3 filles Gabrielle (30 ans), Claire (27 ans) et Béatrix (23 ans),
et leurs 8 petits-enfants : Marthe, Marie-Thérèse, Yvonne, Madeleine, Jeanne, Geneviève, Eugène et Jean
(tous âgés de 1 à 7 ans).
Ce séjour se déroule dans le château de Fontanès, village dans le département de la Loire, à 20 km au Nord de St Etienne.
Les deux cartes postales du château ont été collées en première et dernière de couverture du carnet.

Le village

Le château, côté Ouest

Le château, côté Est

Jeudi 18 Juillet 1912    Marseille / Valence / Fontanès

          Départ à 4 h ¼ de la Viste, en auto. Benjamin, Xavier, Marthe, notre cuisinière Rose et moi plus Stop(1) et des paquets, nous partons pour Fontanès dans la Loire où nous allons en villégiature pour deux mois. Le temps est couvert, l'air vif. La route, assez monotone jusqu'à Valence ; à Andancette, traversons le Rhône, nous nous élevons, laissons Annonay à notre gauche ; la route devient très intéressante, accidentée, pays boisé, forêt de sapins ; atteignons 1127 m d'altitude, villas nombreuses dans la forêt, c'est fort joli et attrayant ; descente rapide sur St Etienne ; en entrant en ville, pneu crevé ; nous nous précipitons dans un tramway qui nous mène eu cœur de la ville, allons à l'hôtel du Nord où Xavier ne tarde pas à nous rejoindre ; une vingtaine de commis-voyageurs à table. Après un télégramme lancé à la Viste, reprenons notre chère auto pour suivre la direction de Fontanès, non sans difficultés. Nous apercevons le village, voire même le château, allons, nous y sommes, pas de déception. Le château est vaste, les pièces immenses, plutôt réparé que délabré ; il est curieux avec ses chambres doubles disséminées aux quatre coins du château ; agréablement surpris dans les jardins ; il y a une charmille, un quinconce.
          Mr et Mme Chouvet fort obligants. La salle à manger au sous-sol, curieuse. Coucher de bonne heure. Chapelet dans l'allée avant souper, la pluie nous chasse ; orage violent.
(1) Stop : nom du chien de la famille

Vendredi 19 Juillet 1912    Fontanès

          Arrangement toute la journée. Xavier part à 8 h en auto pour aller chercher sa femme et ses enfants à Valence, ils arrivent à 6 h, ils ont eu un orage, une pluie torrentielle, les valises sont trempées, les chemises de nuit toutes mouillées. Installation dans la chambre du 1er ; celle de Lucie est vert d'eau, celle de Marthe et Minette ravissante. Coucher de bonne heure. Visite de Mr le curé.

 Samedi 20 Juillet 1912   Fontanès

          Lever tardif, juste pour recevoir Claire et ses enfants à 8 h. Xavier a été les chercher à Chasse ce matin à 4 h. Il retourne immédiatement à St Etienne chercher Jeanne et Joséphine, elles n'y arrivent que très tardivement, les malheureuses étaient decendues à une station où elles avaient lu : ligne de St Etienne. Heureusement un train suivant a pu vite les transporter au but. Elles arrivent à 10 h. A midi arrive notre bagage. Installation.
          Il pleut fort et il fait froid : 10 degrés. Les enfants s'amusent d'abord dans le salon, puis dans la chambre de la tour dépendant de la nôtre. Xavier et Benjamin vont voir Mr le curé.

Dimanche 21 Juillet 1912   Fontanès

          Messe chantée à 9 h ½. Mr le curé avait eu la bonté de nous donner la communion à 8 h, il le fera quand nous le désirerons. L'église est comble, hommes et femmes, il y a un chœur venu de St Etienne qui exécute le chant de l'Etendard à Jeanne d'Arc, très bien, avec clairons. Après dîner, nous nous promenons dans les jardins.
          Vers 3 h Benjamin, Xavier, Gaby et Béatrix vont en auto à St Médard. Alphonse venait de partir pour le Mont-Dore afin d'y chercher Marthe. Mme Thiollière et sa belle-fille, Mme Henri, les ont reçus.
          Pendant ce temps Claire et moi assistions avec Marthe et Minette à la tombola organisée par le curé dans la cour du château pour ses œuvres. Les comiques étaient si drôles dans leurs chansonnettes que Minette en était ahurie. Marthe tirait les numéros gagnants.
          Le soir, avec Claire et Lucie, allons chez deux laitiers retenir du beurre. Au retour, trouvons Rose souffrant de la gorge, elle va se coucher.

Lundi 22 Juillet 1912   Fontanès

          Enfin un peu de tranquillité, lisons le matin devnt le château avec Benjamin à un demi soleil, les enfants s'amusent à ramasser tous les papiers de la tombola d'hier. L'après-midi, Xavier nous mène en auto, Gaby et moi, faire nos achats à St Etienne ; d'abord glaces excellentes chez Weiss puis choix d'une tapisserie, enfin nous dévalisons un épicier et les Nlles Galeries ; revenons à 8 h.

Mardi 23 Juillet 1912   Fontanès

         Le temps se radoucit, mais, pas de chance, Madeleine se réveille avec la fièvre, elle n'a pas dormi et se plaint de la nuque. On passe son lit dans la chambre de Gaby, Jeanne marche toute seule. Recevons une dépêche d'Adèle qui nous attend demain à Moulins. Madeleine entrave nos projets, heureusement elle n'a rien du tout.
         Travaillons dans le jardin devant le château. Mr Chauvert tapisse la chambre de Claire.

Mercredi 24 Juillet 1912   Fontanès / Moulins

          Lever à 4 h, départ à 5 h en auto, Claire, ses deux amies et leur bonne, Béatrix et moi, à la gare de St Etienne pour prendre le train de 6 h pour Moulins où nous allons voir Adèle. Train express très agréable, mais, contre notre croyance, changement de train à St Germain des Fossés ; la route est assez jolie, le temps pas trop chaud. En voiture, en arrivant à 9 h, 1 rue Achille Roche, Claire trouve Adèle amaigrie et grandie. Elle est bien mieux à Moulins qu'à Montluçon.
           Le jardin est grand, bien tenu, la maison jolie, la chapelle très coquette ; cette maison était aux P. Maristes. Le salon dans lequel Adèle nous reçoit est immense et bien meublé, les enfants y prennent leurs ébats quand nous ne sommes pas au jardin. Mlle Elisabeth qui est supérieure nous invite à déjeuner ; on décide qu'Adèle et Béatrix vont partir en voiture, elles passeront à l'hötel de Paris contremander nos chambres et notre déjeuner. Adèle ira de là mettre Béatrix dans le train de 11 h, elle prendra un panier pour déjeuner en route et, toute seule, ira à Montluçon voir Mithe ; elle reviendra encore seule demain. Il parait que cela peut très bien se faire.
          Déjeuner avec Adèle, Claire et ses mioches dans le grand salon, c'est charmant. Geneviève amuse beaucoup Adèle. Course à travers la ville pour trouver du lait aux mioches. A 4 h pluie ; nous partons pour la gare à pied, point de véhicule. Adèle nous accompagne ; nous mettons Claire dans le train à 6 h ¼ avec ses enfants. La pluie et l'orage nous font prendre une voiture, nous allons à l'hôtel où j'arrête pour demain cinq chambres.
          De là chez les Oblates où nous avons le bonheur de dîner en tête à tête avec Adèle et de causer avec cet abandon et cette confiance qui font le charme de l'existence. Heureux ceux qui vivent près de cette enfant. Ma chambre est fort jolie sur la rue Achille Roche.

Jeudi 25 Juillet 1912   Moulins

          Lever à 5 h, ciel noir, qui sait ce que fera Gaby ; messe à 6 h ½ avec la communauté. Déjeuner en tête-à-tête avec Adèle, c'est charmant. Pendant qu'elle vaque à ses dévotions, je lis dans ma chambre en me promenant, en inspectant le ciel ; il pleut ; une dame me regarde ahurie de la rue, ne reconnaissant pas ma tête pour celle d'une oblate sans doute.
          A 9 h nous sommes en gare pour attendre Benjamin, allons à l'hôtel. Il ne sait pas ce que fera Gaby. A 11 h, retournons en gare attendre Béatrix arrivant de Montluçon ; je suis retournée à l'hôtel où j'avais laissé mon sac. A peine réinstallées dans nos chambres, la porte s'ouvre, c'est Xavier, Madeleine au bras, venant présenter sa filleule. Adèle est ravie de revoir toutes ses nièces. Le déjeuner, tous les neuf ensemble, les deux dernières à une petite table avec Nounou, est délicieux. Adèle est entourée des trois aînées.
          Après déjeuner, rendons visite à l'auto, puis prenons possession de nos chambres ; Gaby et Xavier occuperont les quatre petites qui communiquent, Béatrix et nous deux sommes dans l'aile en face. Après-midi dans le joli petit jardin du musée très retiré ; les enfants s'amusent, nous travaillons et causons ; excellent goûter de chez un pâtissier, petits et grands se régalent.
          Tandis qu'Adèle et les Xavier vont visiter la cathédrale, je garde les petits sur les pelouses avoisinantes. Jeanne s'en donne de courir seule. Nous laissons les deux petites à l'hôtel pour aller raccompagner Adèle, Béatrix reste avec elle jusqu'au bout ; allons sur les bords de l'Allier nous promener, puis à la cathédrale avec Benjamin.
          Le dîner du soir dans notre petite salle à manger est agréable. Jeannette pousse des cris féroces dans sa chambre.

Vendredi 26 Juillet 1612   Moulins

          Madeleine a eu la fièvre toute la nuit, c'est un gros ennui et une grande complication. Tandis que Gaby la gardera à l'hôtel, Béatrix mènera les trois grandes à Adèle et reviendra avec elle à l'hôtel. Pendant ce temps, Xavier, Benjamin et moi partons à 6h du m. à Montluçon. Mithé bien, un peu émue, au fond contente, mais ce n'est pas encore merveilleux. Mlle Covelet me fait appeler, elle trouve que les postulantes ont peu de simplicité par excès de délicatesse.
           Emmenons Mithé faire un tour en auto. Repartons à 10 h par une jolie route traversant des bois, c'est fort agréable. A midi, trouvons tout le monde pêle-mêle dans les quatre petites chambres de Gaby. Charmant déjeuner en famille dans notre petite salle à manger, nous y sommes très bien. A 2 h ½ départ en auto de la famille de Gaby, Madelon est contente. Tous les quatre emplettes.
          Le chapeau d'Adèle nous fait courir, acheter un chapeau neuf pas à la mode est une chose difficile ; j'aborde une personne genre Benoîte ayant sur la tête le chapeau rêvé et lui demande une adresse pour acheter un chapeau. Dans la boutique, Adèle est si mal coiffée qu'elle ne veut rien essayer, il faut le faire en cachette, c'est une comédie.
          Excellent goûter chez un confiseur, mais pas de glace. Au couvent trouvons le goûter servi, attendons en vain Mlle Elisabeth, salut, puis la saluons et avec Adèle, toujours en voiture, à la gare. Nous laissons Adèle bien amaigrie, ayant beaucoup souffert de migraines, c'est la brave Angélique qui m'a dit cela à Montluçon. Elle est très bien à Moulins. Trajet de 3 h ; à 8h½ arrivons à St Etienne, Xavier n'y est pas, qu'allons-nous faire ? Cinq minutes d'indécision pour les uns, de perplexité pour les autres, cet autre est Benjamin, toujours pessimiste. Enfin voici une auto, c'est la nôtre, Xavier nous enlève. A 9h½ nous dînions avec lui dans notre petite salle à manger. Gaby se couche, éreintée de sa journée. Madelon couche dans sa chambre, Claire nous tient compagnie.

Samedi 27 Juillet 1912   Fontanès

          Jules arrive à 9 h ½ en auto avec Xavier et Claire qui a été le recevoir en gare ; les enfants vont au devant de lui. Après déjeuner, visite détaillée du château qui intéresse beaucoup Jules. Chacune de nous a ses ocupations : Claire, son mari, Gaby, ses enfants, et moi, mes comptes.
          Installation sous le quinconce pour travailler, les petits s'y amusent, ils sont charmants ; Jeannette évolue seule, tombe, se ramasse ou du moins se laisse ramasser, une fois sur le nez, une fois sur son postérieur, peu importe, jamais un cri. Jules et Claire viennent nous rejoindre ; Gaby est avec Xavier qui s'occupe de son auto.
           A 5 h Benjamin, Jules, Claire, Béatrix, Marthe, Minette et moi partons pour la promenade, par la route de St Christo ; prenons un joli chemin creux entre deux haies ; carrefour, on vote pour le chemin à prendre ; arrêt dans une jolie prairie entourée de bois, les deux fillettes roulent sur les pentes, retour par des champs ; regardons couper et lier les blés par une machine. Nous nous divisons au retour, je passe par le village, achat de cartes postales. gaîté. J'annonce la surprise d'un gâteau pour demain, on veut le cacher à Gaby qui n'est pas là et surgit tout d'un coup et se trouve derrière moi. Elle ne saura rien jusqu'à demain.

Dimanche 28 Juillet 1912   Fontanès

         Pas de chance pour Jules, le temps est couvert ; la messe de 9 h chantée nous réunit tous devant le confessionnal au bas de l'église qui est comble. Jules étudie le château ; le matin chacun vaque à ses occupations ; avec les jolies fleurs de Mme Chauvet, souhaitons à Béatrix et à Marthe leur fête dans le salon, au retour de la messe.
          Le déjeuner de midi est sujet à de telles péripéties que Benjamin en a le fou-rire. Joséphine, en portant des œufs à la coque dans leurs coquetiers, les laisse tomber et fait une omelette sur la mosaïque, tout cela avec un calme et une sérénité que rien ne trouble. Le fameux gâteau de Mme Chauvet avec la crême fait le régal de la fête. Café puis sous la veranda. Le temps se charge de plus en plus. Etude du pays, carte en mains sur le bord de la terrasse. Bourrasques, pluie, orage, il faut rentrer.
          Boston au salon, les enfants circulent autour de nous dans ma chambre et celle de leurs jeux et sont d'une sagesse parfaite, s'amusant beaucoup jusqu'au dîner. Xavier accompagne Jules à St Etienne à 6 h ¼ ; le temps est très brumeux mais il ne pleut plus. Jules dînera au buffet et partira pour Lyon et Marseille. Xavier de retour à 8 h ¼. Dînons, puis on se couche tôt en vue du départ de demain.

Lundi 29 Juillet 1912   Fontanès

          Lever à 4 h ; on se recouche, le temps est trop menaçant. A 5 h Xavier vient frapper à notre porte, le temps se relève. A 5 h ¾ Gaby et moi voyons partir nos maris en auto, le château se dépeuple. Travail manuel dans la véranda à un demi-soleil. Lucie emmène les trois grandes à la jolie prairie, nous 4 faisons une promenade pratique, d'abord chez la sœur de la laveuse qui, s'étant saoûlée, n'est pas venue, puis à notre trou d'eau au bas de la grande prairie, c'est loin et l'eau est trouble ; ensuite au lavoir du village ; l'eau y est si sale qu'elle est solide, c'est horrible. Voyons revenir les enfants par la route de Sto Christo, elles courent pour nous rejoindre, Marthe, en tête, dans une grande courbe que forme la route. Bostonnons toutes les 4 de 9 à 10 h.

Mardi 30 Juillet 1912   Fontanès / Grammond

        Le curé est absent trois jours. je vais relancer notre laveuse chez elle, le mari est à table, la femme au lit, le mari décide sa femme de venir à midi, elle aura probablement fini de cuver son vin et pourra commencer de cuver notre linge. Il a plu, les grandes sortent, les petites s'amusent sur les descentes de lit réunies au salon.
           Le temps est beau l'après-midi, aussi pouvons-nous aller à Grammond, village à 2 h ½ avec une très joilie église ; nous y trouvons une boutique très bien montée et revenons chargées ; nous avons avec nous quatre Marthe et Minette que Lucie, de retour quand nous allions, nous a laissées au grand désespoir d'Yvonne. La route est superbe, point de boue et une vue magnifique. Le petit Zaza a mangé dans notre salle à manger tous les raisins que Rose venait d'acheter.

Mercredi 31 Juillet 1912      Fontanès

          Enfin j'ai pu lire, écrire et travailler, choses que je ne pouvais plus faire depuis un mois au moins. Installée dans le jardin, coin délicieux près de la thèse, nous nous y réunissons l'après-midi ; les enfants s'amusent à nos côtés dans la prairie. Leçon orageuse pour les enfants, toutes deux sont privées de dessert et Marthe en plus de la promenade, elle reste avec Gaby et va copier sa table de multiplication.
           Il fait chaud, 21 degrés. Cependant à 5 h Claire, Béatrix et moi partons pour la promenade. Elle est délicieuse. Le temps est clair comme jamais, le soleil éclaire toutes les montagnes, voyons au couchant jusqu'aux monts d'Auvergne. Mr Chauvet nous indique notre chemin au dessus du parapet ; comme il voit que nous nous trompons au début, il vient nous remettre dans le droit chemin, c'étaient des herbes à suivre resserrées entre deux immenses champs de blé. Nous descendons pour remonter vers le midi dans les bois, c'est charmant, bois de pins, de chênes blancs ; une jolie fille aux yeux bleus nous indique le chemin jusqu'à la route de St Héand, plateau immense, vue splendide ; revenons par la route de St Etienne.

Jeudi 1er Août 1912   Fontanès

         Evénement tragique, j'écrivais dans ma chambre, Claire vient me dire : Gaby est mordue par un chien. Je vais sur la terrasse du levant où on étendait notre lessive ; là Gaby avait une main dans l'eau avec une hémorragie très forte. Elle avait coulu prendre Stop par son collier parce qu'il grognait avec le chien du curé, celui-ci s'est jeté sur sa main, le petit doigt avait une morsure large et peu profonde, le medium une très profonde, quant à l'annulaire, la bague de fiançailles l'avait protégé, mais elle était cassée, broyée par les dents de ce méchant roquet. Il faut recourir aux lumières de la Croix Rouge pour le pansement.
          Le temps très sombre devient pluvieux à midi. La lessive est entassée sur le canapé du salon dans un beau désordre quand, la porte s'ouvrant, Alphonse et Marthe arrivent tout emmitouflés ; nous leur faisons visiter le château de la cave au grenier ; parlons avec Marthe des du Vilar. Ils repartent avec une pluie torrentielle en auto, avec la capote il est vrai, mais, sur les côtés, ils seront inondés. Ils vont à Lyon et peut-être en Suisse.
          Confession à 6 h, c'est la 2ème distraction de l'après-midi, il pleut à torrent. Catherine a des vomissements causés par une mauvaise huile ayant séjourné dans une bouteille à pétrole.

Vendredi 2 Août 1912   Fontanès

          Temps brumeux et froid, légère pluie ; les enfants découpent des quantités d'assiettes dans leur salle, le sol est jonché de papier. La lessive et la correspondance nous occupent ; enfin, après dîner, on peut sortir en s'installant à l'abri du vent et au soleil. Mes trois filles vont faire le tour du mamelon sur lequel est bâti le château.

Samedi 3 Août 1912   Fontanès

          Les doigts de Gaby nous ennuient ; aussi, après avoir téléphoné à St Héand, Gaby et Béatrix vont se poster sur la coursière qu'il doit prendre pour le retour ; elles ont attendu vainement, heureusement le petit doigt semble mieux.
          Mme Chauvet avait emmené Madeleine au bras pour indiquer la route. Claire avait été se promener avec Marthe. Les petits et leurs bonnes avaient été rouler dans la grande prairie au dessous du parc et moi j'avais reçu Mr le curé qui, lui, s'est morfondu sur la férocité de son chien.

Dimanche 4 Août 1912    Fontanès

         Après la messe, Gaby et Claire s'installent sous la charmille pour écrire à leurs maris, tout en gardant leurs enfants. Le temps est très doux (20 degrés) mais pas sûr. A midi la pluie commence et ne cesse plus ; heureusement le château est grand, les enfants s'amusent dans leur chambre et circulent ; chaque fois que le coucou chante, ils accourent pour le voir, ils se plantent devant lui le nez en l'air, mais le coucou ayant disparu, les enfants repartent pour revenir l'heure d'après et arriver beaucoup trop tard. La correspondance a beau jeu pour nous quatre.

Lundi 5 Août 1912    Fontanès

          Il fait frais, 10°, la pluie d'hier en est la cause ; aussi restons-nous dedans toute la matinée. Nous avons eu l'idée de louer un piano à Fontanès ; il vient après dîner une certaine demoiselle qui vient conclure la location pour 15 fr. ; à peine est-elle partie qu'elle revient me demander 24 fr. Je ne conclus pas. Mme Chauvet est de la partie et veut arranger l'affaire, nous verrons demain. Installation pour travailler, d'abord sous l'escalier extérieur puis dans la grande prairie en dehors du parc ; les enfants y prennent de tels ébats et la vue est si belle que nous comptons y retourner.
          Mes trois filles vont faire une petite promenade, je reste à lire ou, plutôt, je reviens, l'air étant trop vif. Lecture dans le salon, les tout-petits s'amusent. Manette fait des siennes et me nargue, le sourire aux lèvres. Mme Chauvet nous donne un rayon de miel, elle part demain pour Le Puy avec son mari et son fils pour 15 jours.

Mardi 6 Août 1912     Fontanès

         Lever grand matin puis à la messe de 6 h. C'est agréable de commencer sa journée de bonne heure. Le ciel est gris, le temps doux ; sous la thèse avec les enfants malgré la pluie ; quand elle est trop forte, nous rentrons. Lettre de nos trois époux, Benjamin voudrait une lettre tous les jours. Après dîner nous nous installons pour travailler sur le perron du côté du levant. Les enfants donnent à manger aux poules. A cause de l'air vif, je reste encore, mes trois filles vont faire un tour.
          Le grand événement de la journée a été la réception du piano ; avec Béatrix et les enfants, chez Mlle Rousset à la vaste école catholique, c'est l'ancienne maison de son grand père qui était notaire à St Etienne, elle est très bien cette demoiselle. Nous essayons le piano, il est juste. La position de l'école est très bien, belle vue au levant. Nous plaçons le piano dans l'angle près du canapé.

Mercredi 7 Août 1912    Fontanès

          Pour changer, pluie, c'est désespérant ! Occupations ordinaires : lectures et correspondance. Lettres de nos trois époux. Après dîner les enfants sortent puis Gaby. Tandis que Claire et Béatrix partaient pour la promenade, pluie. Elles reviennent avec moi faire les commissions et régler Mlle Rousset pour le piano. Toute la basse-cour nous suivait pour la promenade ; dans la grande allée, nous nous retournions toutes trois : comment faire comprendre à des canards et à des poules de nous laisser aller. Béatrix gesticule, retourne en arrière et s'en débarrasse.

Jeudi 8 Août 1912   Fontanès / Saint Christo

          Il a encore plu cette nuit ; dans la matinée un rayon de soleil nous fait courir dehors mais l'après-midi, à peine suis-je installée dans le jardin, que quelques gouttes nous obligent à rentrer ; ce n'est pas sérieux et nous pouvons installer à travailler sur le perron ; nous rions d'être ainsi au soleil en plein mois d'août, mais il n'y avait que 8 degrés ce matin.
          J'oubliais que, dès l'aube, à 6 h, Mlle X faisait le tour du château, frappait à toutes les portes pour remettre les musiques de Mlle Rousset ; je lui ai ouvert, à peine habillée ; elle avait l'air de trouver étrange que personne ne fût sur pieds. Claire et Béatrix étrennent le piano, je joue avec Claire.
          A 5 h, partons toutes quatre pour St Christo ; les trois grandes, qui nous précédaient sur cette route avec Lucie, se mettent en embuscade et nous sautent dessus quand nous passons. Gaby se joint à ses filles pour aller au petit lac et revenir par les bois, c'était plus joli et moins loin. Nous, nous allongeons le pas sur St Christo. Voilà le village, l'église est ravissante, la chaire, l'architecture, tout. Au retour, en haut du village, un marchand joue de la trompette et appelle les ménagères.
Retour en 1 h. 4 h ½ ; notre viande n'étant pas arrivée, Rose nous a mis des poulets. Je l'envoie décommander le pain de demain, il y en a une montagne sur la cheminée.
          Boston monstre, piccolos, personne ne dort.

Vendredi 9 Août 1912   Fontanès

           Encore pluie dans la nuit. la matinée au levant est agréable, le soleil nous chauffe. Béatrix revient de la poste avec de bien mauvaises nouvelles : Elisa est alitée à la Pomme avec une congestion pulmonaire. Hier on a vu deux docteurs, Benjamin est très alarmé ; nous ne savons plus s'il faut téléphoner ou télégraphier, nous attendons, j'espère, un télégramme.
          Après dîner les enfants m'entraînent dans la grande prairie, le soleil trop chaud m'en chasse, nous sommes bien à l'ombre du portique de verdure. La grande affaire est la visite en chœur à Mr le curé avec tous les enfants, sa mère ayant dit que ça lui serait agréable. Il dépouille son jardin pour nous. Nous fait voir son miel, ses récipients, nous raconte sur les abeilles des choses fort curieuses, leurs mœurs, etc.
          A 6 h quittons la cure pour les 7 Pins avec les trois grandes ; vue très belle ; faisons lever une compagnie de perdreaux.

Samedi 10 Août 1912    Fontanès

           A l'église, Mr le curé nous installe 8 chaises et 3 prie-Dieu devant l'autel de la Ste Vierge. Eugène n'est pas bien, Claire le couche. J'étais au village, courant après mon boucher, que je trouve entre les mains de son Figaro ; en arrivant au château, je trouve Xavier, il était 11 h, il n'avait mis que 7 h ½ pour venir de la Viste ; l'auto était bondée de provisions. Elisa toujours mieux. Cette arrivée de Xavier nous rapporte la joie, augmentée encore l'après-midi par la dépêche de Benjamin confirmant le mieux d'Elisa et annonçant son départ demain soir. Visite d'Alphonse, Marthe est à Lyon avec Eugène qui a entérite et angine ; il trouve tous les jeudis le salon encombré de linge, c'est la lessive non pliée dans un désordre parfait. Xavier et Gaby vont faire un tour. Coco, après une très forte fièvre, s'amuse ; le soir, elle tombe à 38.3 mais il passe une mauvise nuit.

Dimanche 11 Août 1912    Fontanès

           A la messe prenons possession de nos fameuses places devant l'autel de la Ste Vierge (il parait que c'est Lucie qui les a demandées). Il fait un froid de loup, 7 degrés, nous endossons les vêtements d'hiver. Ce froid ouvre l'appétit ; au 1er déjeuner, avec le beurre et le miel, j'ai cru qu'on mangeait la table, il a fallu chercher du pain chez le boulanger. Coco s'amuse dans son lit, il est mieux.
          Vu le beau temps, Xavier, Gaby qui ont fait un tour dans la grande prairie, décident de partir en euto, ils emmènent Béatrix et leurs deux aînée ; de 3 à 6 h font une promenade charmante à Larajasse ; admirent l'immense château des de Varax, à Ste Foy, un autre ancien, très habilement restauré, ils reviennent enchantés. Le soir mille projets sont étudiés pour aller voir les amies Jeanne Michel à Tence, les de Verclos sont trop loin.

Lundi 12 Août 1912    Carte     Fontanès / Saint Chamond / Bourg Argental / St Etienne / Fontanès

           Messe de 6 h avec Béatrix afin d'être là pour l'arrivée de Benjamin. A 7 h ½, ils sont là ; Xavier avait été les prendre à 6 h à Chasse. Elisa toujours mieux. Journée unique, soleil radieux, chaleur d'été, 25°. Cependant Claire garde Eugéne en chambre, il respire l'air fortifiant par sa fenêtre et regarde les enfants s'amuser.
          On décide à midi d'aller faire un tour en auto. A 3, Benjamin, Xavier, Béatrix et moi partons par St Chamond, soleil pâle mais chaud ; montons vers le Pilat, passons un col à 1200 m , c'est boisé, vue splendide, les Alpes nous apparaissent couvertes de neige, routes ravissantes, mais la montée a eu mes préférences ; descente sur Bourg Argental. ; faisons un coude pour voir Marthes, pays très boisé, grandes prairies, vue du Mézenc, air très pur et très vif. Retour par St Etienne. A Fontanès à 7 h ½, il tombe des gouttes.

Mardi 13 Août 1912    Fontanès

           Sommeil incomparable, rien entendu de l'orage, de la bourrasque et de la grêle de cette nuit. A 7 h un brouillard épais nous enveloppe, on ne distingue rien. Claire s'est promenée toute la nuit, morte de frayeur, elle a été rendre visite à Béatrix, Eugène descend. Le vent souffle en tempête. Pluie, vent et froid tout le jour, on essaye vainement une sortie après dîner. Boston, musique, Benjamin bougonne toute la journée sur cette température.

Mercredi 14 Août 1912    Fontanès

           Bien commodes les confessions ici, en deux minutes tout est fait, l'aller et le retour compris. Promenade sur la route de Chevrières par une coursière, synonyme de raccourci dans le pays. Voyons St Héand, la Gimond, plus loin St Médard. Marchons 2 h, Benj, Béatrix, les deux grandes et moi. Le soleil nous fait plaisir quand il luit. Apès dîner partent en auto Xavier, Gaby, Benj., Claire et Béatrix ; ils passent par Montbuson et vont dans les monts du Forez. Marthe et Minette me mènent explorer la partie du parc nommée la garenne ; c'est joli, bien abrité, mais tellement en pente qu'on a la paresse d'y descendre. A 3 h nous rentrons pour les devoirs à faire dans le salon, merveille, les petits peuvent rester dans le jardin français jusqu'à 6 h. Nos voyageurs arrivent de leur tournée pour se mettre à table. Coppélia charme nos soirées.

Jeudi 15 Août 1912    Fontanès

           A 8 h, sommes tous réunis à l'église pour la communion. Grand'messe tandis que Benjamin toujours pressé part seul pour la promenade ; Xavier, Gaby et leurs trois grandes le cherche en vain et partent de leur côté. Il fait chaud, quelle merveille !
          Ils arrivent tous pour se mettre à table, nous avons un sabayon fait par Béatrix en l'honneur du 15 août ; café vite avalé pour être à 2 h aux vêpres, église comble ; Madeleine et Geneviève fort agitées devant l'autel de la Ste Vierge. Procession du vœu de Louis XIII, très recueillie et allant fort loin, bon ordre, deux banières et deux grands crucifix voilés, l'un en blanc et l'autre en violet.
          A 5 h Benjamin, Claire, Béatrix et moi partons pour les bois en face par la coursière, retour par le devant du château , c'est raide. Pas de sentiers sous bois, tous les chemins fleuris sont sur les limites. Soirée, on bostonne.

Vendredi 16 Août 1912    A-R Fontanès / Lyon

           Quelle journée ! A déjeuner on annonce qu'on ira ce matin faire des achats à St Etienne pour profiter du beau temps. J'y vais avec Xavier et Gaby, partis à 10 h ½, nous somme de retour à 1 h. A dîner on décide que, pour profiter du beau temps, on partira pour Lyon à 2 h. Xavier, Gaby, Béatrix et moi nous y rendons ; route très jolie par Chatelas, St Symphorien, St Martin ; vue très belle sur le plaine. Arrivons par Fourvières, visite de la belle basilique ; puis en auto au Parc, glaces chez Maderni, achat d'un manteau d'auto pour Gaby à la Belle Jardinière puis chez les Thiollière, Marthe et Alphonse rentrent quand nous étions dans la cour. Retour par Izeron, il fait frais, malheureusement, la nuit nous enveloppe de ses voiles.

Samedi 17 Août 1912    Carte      St Christo / St Symphorien / Ste Foy l'Argentière / Aveize / Larajasse / St Christo

           Miracle ! C'est le beau temps ; tous installés sur la terrasse au levant, mes deux filles mariées écrivent sur de petites tables, Xavier occupé par son auto, Benj et moi lisons, les enfants vont, viennent. Après dîner dans le jardin français, soleil, les enfants courent, se plaignent d'être trop couverts. Jeanne court comme les autres, cache-cache les amuse. A goûter Xavier propose une promenade en auto, Benj, Gaby et moi l'acceptons.
           Départ par St Christo, St Symphorien, y apercevons un grand château ; descente sur Ste Foy l'Argentière. Le vieux et ancien château, à côté de l'église, plein de cachet ; la montée sur Aveize extèmement raide et très sinueuse, c'est très joli. A Larajasse, apercevons seulement le beau château de Mr de Varaz. Il fait un air rudement vif en retournant par Saint Christo. Pendant de temps Claire et Béatrix prennent les enfants en photo, vont se promener avec elles et pendant ce temps aussi, la vache mange mon châle noir.

Dimanche 18 Août 1912     Fontanès

           La matinée est vite passée quand on revient de la messe chantée de 9 h. Sortir le linge, le distribuer, écire, midi est là ; le temps à l'orage s'est fait beau, tant mieux pour xavier qui nous quitte pour faire son service militaire, il va coucher ce soir chez Louise et reviendra dans quatre semaines. L'auto est pleine de bagages, nous retournons à la Viste tous les vêtements légers. Gaby monte en auto jusqu'à la grille, je mène Jeannette jusqu'au dessous de l'église, agitons nos mouchoirs, il agite le sien, Gaby a le cœur gros, je la comprends. Vêpres à 2 h, chant nourris, on ne traîne pas. Promenade Benjamin, Claire, Béatrix et moi vers le petit lac et retour par la route de St Christo ; coursière pour éviter la pointe que fait cette route sur celle de St Etienne. Boston monstre et animé pendant que Gaby écrit à Jeanne.

Lundi 19 Août 1912     Fontanès

           Temps très doux malgré le vent du midi, nous nous installons devant la porte de la remise. Hélas, le ciel devient bien sombre. Après dîner, notre salle d'ouvrage installée au bas de l'escalier, est transportée sur le perron ; nous travaillons dehors malgré la pluie jusqu'au soir ; boston avant souper  dans la chambre de Gaby. Les grandes courent dans tout le château.

Mardi 20 Août 1912     Fontanès/ Gimmond

           Encore la pluie, c'est désespérant pour Benjamin et les enfants. Après dîner, le temps se relève ; immédiatement Benjamin, Claire et Béatrix partent, ils vont à St Christo, y achètent le goûter et vont avec un bon vieux par des coursières à Grammond, ils reviennent enchantés après 3 h de marche. les enfants ont rencontré un cantonnier qui, grimpant sur des cerisiers, leur a coupé de grandes branches de cerises, elles arrivent chargées, nous mettons toutes ces petites cerises dans un plat, Gaby s'arrache à L'Emigré pour faire un tour, mais Paul Bourget la captive plus qu'elle ne veut en convenir. Bonnes nouvlles de Xavier, de son passage chez Louise et de son arrivée. Il est entré au 61ème.

Mercredi 21 Août 1912     Fontanès

           Désespérant, pluie. Le temps se relève, lecture dans une remise exposée au midi ; sous l'escalier du repassage, nous y lisons avec Claire toute la matinée au soleil, à l'abri du vent du nord. Après dîner travaillons dans le jardin, contre une haie, au solail, tandis que Benjamin et Béatrix vont à St Héand, 4 h de marche. Ils nous rapportent du veau. Boston, toujours boston.

Jeudi 22 Août 1912     Fontanès

           Lecture dans une remise avec soleil pendant que Madeleine demande sentimentalement à Geneviève : "M'aimes-tu ? — Oui. Et Bonne Maman est trop grande, elle ... —"  J'ai protesté énergiquement soutenant en vain une thèse : l'amour descend et ne remonte pas.
          Dépêche de Jules, il n'arrivera que demain. L'après-midi, vent, attente vaine des Thiollière. A 4 h Benjamin et Claire partent, 10 mn après arrivent Alphonse, Marthe, Eugène et Odon ; l'auto va chercher les promeneurs sur la route et les ramène. Visite du château et des alentours. Thé sous la véranda. benjamin et Claire, après le départ des Thiollière, reprennent leur promenade dans les gorges de St Christo. Les enfants reviennent enchantés d'un pâtre, de son troupeau, de la gentillesse de l'homme, des bonds des bêtes. Lucie partage l'enthousiasme des enfants.

Vendrdi 23 Août 1912     Fontanès

           Enfin beau temps, idéal ! C'est merveilleux ! Lecture et ouvrage dehors. Avec cela attente vaine de Jules jusqu'à 7 h du soir. Claire ne dit rien, nous sommes tous très soucieux. Nous savons par dépêche qu'il est parti à 5 h du matin avec un ouvrier. Benjamin, qui a été à sa rencontre, revient bredouille, Claire aussi. Enfin Mr Chauvet vient dire : c'est l'auto. Gaby et Béatrix qui sont allées au Pilou la voient arriver et lui crient : filez, filez, il est là ... Un chargement de fruits et de vêtements. Il a eu un mistral affreux, s'est arrêté à Cavaillon pour déjeuner, à Valence pour dîner, a passé par Annonay pour y remorquer une auto rencontrée en détresse ; à St Eienne a rapatrié un jeune gars qui en avait encore pour 2 jours de marche ! C'est la charité qui a été cause de son retard.

Samedi 24 Août 1912     Fontanès

           Temps splendide. Lecture, flânerie, on jouit par tous les pores. Jules arrange son auto ; avec Claire, ils partiront pour St Etienne à 9 h et emmènent Mr le curé qui nous fait voir le Mont Blanc au dessus, voilé ; il parait qu'il était splendide ce matin à 4 h. J'espère l'admirer un jour de temps clair.
           Avec Gaby allons visiter chez le coiffeur ses métiers pour les rubans de velours tramés coton, Benj. et Jules les avaient vus ce matin, c'est très intéressant, le ruban se fait double, une machine le coupe du côté du velours. Le fils et la fille du coiffeur mènent chacun un métier, la mère dévide les bobines.
          Pendant ce temps Benjamin et Béatrix font une promenade peu réussie dans des soit-disant gorges du côté de St Christo. L'après-midi Gaby et Béatrix travaillaient devant la grande table sur laquelle courait Jeannette ; Benjamin, Marthe et moi étions installés sous la charmille ; Madeleine et Geneviève s'amusaient très bien, puis une dispute à tout casser au sujet de leurs seaux, fureur des deux, c'est comique.

Dimanche 25 Août 1912     Fontanès

           Seuls Benjamin et moi avec nos 2 petites filles à la messe de 9 h ; nos enfants ont été à celle de 6 h ¾. Le temps est merveilleux, chaud, journée d'été ; aussi, chose croyons-nous irréalisable, nous déjeunons à midi ½, dehors sous la charmille, l'endroit le plus frais, et nous enlevons nos jaquettes, il y a 25 degrés. C'est charmant. Si nous avions eu beau temps, Fontanès serait très agréable. Vers 5 h, après les plans de voyage de Jules et Claire sur les grandes cartes déployées dehors, on part pour la promenade ; nous restons avec Gaby, lecture, puzzle. Les promeneurs ont été sur la route de St Etienne et sont revenus par les bois et les vallons. Quelle journée idéale !

Lundi 26 Août 1912     Fontanès

           Bourrasque telle à 6 h que Jules et Claire remettent leur départ pour leur tournée aux châteaux de la Loire. A 9 h, il a plu mais le temps se relève. Les enfants rentrent et sortent à tout instant à cause des ondées, il ne fait pas froid mais le vent est si violent que je reste au salon tout le jour bien que le soleil soit devenu resplendissant vers le soir.
          Un mot de Marthe nous annonce sa visite pour demain. Benjamin lui téléphone de venir déjeuner. Lui et Béatrix essayent une promenade entre deux ondées sur la route de Grammond puis sur celle de St Etienne.

Mardi 27 Août 1912     Fontanès

           A 11 h arrivée de Marthe Thiollière en voiture, elle vient déjeuner avec nous, ce qui est une joie pour tous. La causerie ne chôme pas, café sous la véranda, puis visite des dépendances du château, de la garenne, de l'église, du jardin potager. Travaillons dehors devant le garage, puis, le temps fraîchissant, dans le salon. A 4 h prenons le thé, puis, hélas, à 5 h, la gentille Marthe nous quitte ; il pleut, on relève la capote, le tablier et on baisse la vitre. Le soir, lecture.

Mercredi 28 Août 1912     Fontanès

           Ciel voilé, soleil, pluie tout le matin. A midi beau temps, air vif. Je travaillais sur le perron quand arriva Mr le curé pour sa quête du Denier du Culte ; c'est le jour de la maladie d'Yvonne, elle reste étendue sur le canapé, puis assise sur le perron. Benjamin, Béatrix et les deux grandes sont partis pour la Gimont, par la coursière et reviennent par la route, c'était très joli paraît-il ; il leur a fallu 2 h ¼, je les ai lorgnés en vain. Le curé me dit que le Pilon est l'endroit le plus froid, qu'ils ont jusqu'à 15 degrés sous glace l'hiver, que les enterrements sont terribles avec le froid.

Jeudi 29 Août 1912     Fontanès / Chevrières / St Médard

           Temps magnifique et chaud. De suite après déjeuner on peut s'istaller au jardin français, il est baigné de soleil, c'est délicieux, 25 degrés, comme dimanche ; aussi déjeûnons-nous dehors, c'est charmant ; il y a un peu de vent mais chaud. Faisons toilette ; à 2 h ¼ départ pour St Médard dans le break de Goutagny, c'est modeste comme voiture, comme cheval et comme cocher ; mettons 1 h 10 pour descendre, jolie route ; à Chevrières, voyons le château de Mr de Vilar. Tous les de Gasquet sont sur la terrasse pour nous recevoir, légion d'enfants. Mme Thiollière nous reçoit au salon où l'on nous sert chocolat, thé et excellents gâteaux, puis visite à l'église pour en voir le portail roman ; le château était un ancien monastère et l'église, la chapelle de ce monastère. Promenade dans le parc, vue du château du bas de la pelouse, c'est très joli ; beaucoup de vent mais très chaud. Allons saluer Mme Thiollière et repartons. Mme Henri est très sympathique. Notre cheval monte mieux que ce qu'il ne descend. Retour en moins d'une heure. Grammont est en vue tout le temps ; le temps fraîchit à mesure que nous nous élevons. Marthe et Minette sont venues à notre rencontre, elles montent dans le break et Lucie sur le siège. Le soir boston, puis piano à 4 mains. Jules et Claire couchent à Montluçon.

Vendredi 30 Août 1912     Fontanès

           Soleil, temps très doux, Benjamin se lève matin et vient nous dire qu'il y a une 3ème messe à 7 h. J'y vais. Le ciel est noir, pluie dès 8 h du m., c'est as-som-mant. A 3 h, un semblant de soleil, immédiatement nous sommes tous dehors : les enfants de Claire et moi dans le jardin français une heure, Gaby et ses grandes sur la route de Grammond, Benjamin et Béatrix à Grammond, à Marceneau avec retour par les coursières et la montagne, c'était long mais très joli ; retour seulement à 6 h ½, après l'arrivée de Jules et de Claire. Ils sont enchantés de leur tournée. les châteaux de Blois, Chambord et Langeais les ont le plus enthousiasmés. Amboise, Chenonceaux, Chaumont et Azay-le-Rideau moins, ces trois derniers sont visités très succintement. Ce qui me fait un plaisir immense, ils ont dîné hier soir à l'hôtel de France à Montluçon avec Mithé et Adèle sorties de retraite. Je vois que celle d'Adèle a duré 3 semaines au lieu de 4, elle devait n'en plus pouvoir. Pauvre Adèle, elle est pour la vie active mais non contemplative. Claire et Jules nous portent 2 belles oies. Grande nouvelle, la vache a eu une génisse ce soir à 7 h. Après souper tout le monde va la voir.

Samedi 31 Août 1912     Fontanès

           Temps affreux, brouillard, tout est gris, froid 8 degrés, aussi je reste dedans. Claire prépare son départ pour demain. Partira-t-elle ? Jules, en arrageant son auto, a oublié de remettre un écrou : en la mettant en marche, une pièce s'est faussée, il lui faut faire monter un mécanicien de St Etienne.
          Le temps s'est relevé mais le vent est très violent. les enfants sortent l'après-midi au soleil. Les visites à la génisse, à l'oie qui reste, car ce soir nous en mangeons une. Claire et Jules occupent les Fontanois, Benjamin et Béatrix font le tour du mamelon.
          Mesurons nos pièces. Le salon a 7m.15 de large, les embrasures des fenêtres ont plus de 0.5 c de profondeur. Ma chambre et celle de Gaby mesurent 6m.50 sur 5m.20. Les enfants s'amusent tous les sept ensemble, il règne une harmonie, une activité entr'eux qui fait plaisir, ils courent du salon à la chambre des jeux, vont, viennent et jouent d'une manière charmante.

Dimanche 1er Septembre 1912     Fontanès

           Comme pendant la nuit je n'étais pas très bien, Benjamin décide de retourner à la Viste demain. La pauvre Gaby va rester seule, Benjamin désirant emmener Béatrix. Après le messe de 9 h avec nos deux petites-filles, nous faisons nos malles toute la matinée. Le brouillard épais du matin se dissipe, point de soleil, vent du nord et froid. Nos bagages partent pour St Etienne. Jules, qui a réparé son auto, les accompagne. Petite promenade de Benjamin, Béatrix et Marthe sur la coursière de St Etienne et retour par la route de Saint Christo. Dans le salon et ma chambre pour de la lecture, etc.

Lundi 2 Septembre 1912     Fontanès / Marseille

           A 9 h, départ, le temps est moins froid ; visite à la génisse, j'embrasse Gaby et ses filles avec tristesse. Claire, Jules et 2 domestiques dans l'auto de Jules. Béatrix, Catherine, les trois enfants de Claire et moi dans l'auto fermée, Benjamin sur le siège à côté du chauffeur. Le temps se radoucit ; après St Christo une 1ère panne, le ciel est gris mais il ne pleut pas ; le site joli. A Rive de Gier, laide route jusqu'à Givors. J'oubliais le mal au cœur de Catherine et les biberons coulant sur ma robe. Panne de Jules, puis à toute vitesse sur la rive droite ; dépassons Vienne, y revenons ; déjeûner à un restaurant en une ½ heure. Jules nous mène en auto en gare et reste seul. A St Rambert descente de Claire et Béatrix pour l'achat de paniers pour les domestiques, elles ont failli manquer le train, montent en 3ème ; une dame de notre compartiment les aperçoit dans un couloir, ne pouvant venir nous rejoindre, la communication n'existe pas. Enfin, à Valence, achat de paniers, les 3 domestiques se réunissent en 2de pour les manger ; nous seuls dans un compartiement de 1ère. Les enfants sont sages, Ginette dort, regarde les images, dort encore. Arrivons à 6 h. Nos bagages au dépôt sont très longs à délivrer, on les installe sur deux omnibus, c'est la séparation avec Claire et ses enfants qui partent pour St Barnabé. Arrivée à la Viste à 7 h ½. Jeanne Barral et son fils nous reçoivent.

Mardi 3 Septembre 1912    

           Jules a couché hier soir à Orange, il est à 7 h ¼ à la campagne et part pour St Barnabé. Dépêche de Gaby. Arrive mercredi.

Mercredi 4 Septembre 1912    

           Gaby quitte Fontanès.

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