Saison des eaux à Brides-les Bains par Léonie Fine   
du 27 Juillet 1900 au 29 Août 1900

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Carte de la région - Carte du séjour - Les moyens de transport

Récit rédigé par Léonie Fine, à l'âge de 47 ans, relatant un séjour à Brides-les-Bains (Savoie)
avec son mari Benjamin Salles, ses 5 filles Gabrielle, Louise, Claire, Adèle, Béatrix et trois domestiques.

 

Vendredi 27 Juillet 1900    Marseille / Lyon

          A 8 h½ du soir un immense omnibus de Bagarry vient prendre nos 11 colis et nos 10 personnes. Nous prenons place sur la banquette, sur le devant de l'omnibus. Gaby et Claire restent sérieusement avec les domestiques dans l'intérieur. Passons à la maison pour prendre la couverture de voyage ; fort heureusement la concierge est à sa fenêtre et nous ouvre immédiatement. En gare casons nos 3 domestiques en seconde et montons en 1ère dans le compartiemnt qui nous est réservé. Les enfants dorment moins bien, personne n'ayant pu s'étendre.

Samedi 28 Juillet 1900    Lyon / Albertville / Moutiers / Brides

          A Lyon à 6h½. Rapide déjeuner au buffet. A 7h départ pour Moutiers ; à St André le Gaz, la route devient jolie ; le lac d'Aiguebellette très gracieux est contourné par le chemin de fer. Ne changeons qu'une fois de train. A Albertville excellent dîner au buffet. A partir de là surveillons à chaque gare l'apparition des chasseurs alpins. C'est à Cevin que Xavier est là pour nous serrer la main, son bataillon est en halte sur la route, nous en voyons tout le long du trajet. A Moutiers, une voiture à banquettes nous emmène à Brides.
          Temps couvert à la villa des Roses vers 3h. Notre installation compliquée ; le grand salon très bien meublé ; notre chambre et celle de Gaby et Loulou en dépendent. Claire, Adèle et Béatrix couchent entre les femmes de chambre à un entresol. la salle à manger au rez-de-chaussée, la cuisine et des dépendances encore plus bas. Quelle émotion nos 11 colis n'arrivent pas, on ne sait ce qu'ils sont devenus. Tandis que Benjamin et Gaby retournent en tramway électrique pour les réclamer, je reçois sur la terrasse la visite du comte Greyfié, notre propriétaire, qui a fait la conquête de Loulou ! Il a été fort aimable. Le soir allons sur la terrasse en face des glaciers de la Vanoise. Brides est triste, la vallée étant très resserrée. D'un côté la montagne est nue, de l'autre très boisée. La villa est à mi-coteau de ce côté là. Les glaciers ferment vallée qui n'est ouverte que du côté de Moutiers. Le soir chacun gémit sur le dénûment dans lequel nous sommes ; Benjamin parle de repartir ; j'espère que demain tout notre bien nous sera rendu.

Dimanche 29 Juillet 1900   Brides

          Nuit réparatrice ! Elle était nécessaire. Messe à 9h, c'est la dernière, nous nous dissimulons au bas de l'église avec nos toilettes sales et défraîchies. Instruction assez longue sur Ste Marthe ! Nous nous y endormons, des jeunes filles font la quête. Avec Loulou chez le docteur Delastre, charmant et très soigneux.
           Enfin à bonheur ! A 11h arrivent nos bagages. Après dîner, mettons tout en ordre. Je vais avec Adèle chez le docteur ; inutilement, il attendait une dame pour une répétition de chant. A l'église pour réciter notre chapelet. Soupons à 7h afin d'aller entendre le soir le gendre de M. Poirier ; mais l'orage éclate pendant que nous sommes à table et la pluie nous fait renoncer à notre projet. Soirée au grand salon ; bostonnons.

Lundi 30 Juillet 1900    Brides

          Loulou commence son traitement avec Benjamin qui boira le matin à jeûn. A 10h avec Adèle chez le docteur Delastre, elle prendra tous les 2 jours les bains de Salins. L'air est vif. On commence les devoirs de vacances. A 4h salut solennel avec chants d'amateurs. Le docteur Delastre se distingue avec Mlle Bécherat dans le Crucifix de Fauré. Au retour on se déshabille pour mettre le costume de promenade ; pendant 2 heures nous marchons sous bois d'abord dans la belle route des Allues, laissons le bois de Cythère pour prendre celui de Champion, puis de Carbonassière ; nous nous élevons rapidement par de très jolis sentiers. Vue ravissante. Gaby très gaie, Adèle et Béatrix folatrent, c'est un plaisir de les voir, tantôt grimpant comme des chèvres, tantôt cueillant des framboises. Il fait très frais.

Mardi 31 Juillet 1900    Brides

          J'étais dans ma chambre à 10h quand la femme de chambre m'annonce M. Fine ! C'était Xavier. Nous nous réunissons autour de lui sur la terrasse. Il nous raconte ses manœuvres puis nous combinons sur la carte une rencontre dans les montagnes de la Vanoise. Le comte que nous allons voir avant midi nous conseille d'aller le trouver par le chemin de fer de Modane, ce qui sera plus sûr en cas de mauvais temps. Visite de notre appartement ; nous faisons voir à Xavier le lit que nous lui destinions s'il avait passé une nuit : celui de Béatrix.
           Après dîner, réunion au grand salon. Notre visite sera pour le 11 et le 12. Xavier nous fixera mieux. Puis partons par le chemin des Allues, nous nous asseyons dans une prairie ombragée très en pente, nous travaillons, causons à qui mieux mieux. Retournons chez nous pour le goûter, des fraises toutes farîches sont arrivées. Tous ensemble au parc, en faisons le tour.
Au tramway électrique à 5h, accompagnons Xavier en gare. Il retrouve des condisciples, lui disons à bientôt. Mmes Philip et Jules Gavaty partent par le même train. Manquons le tram de 6h. Benjamin retourne à pied avec Gaby et les deux fillettes en 1h20. Avec Loulou et Claire à la cathéderale, une petite fille prie à haute voix. Flânons, achetons des boîtes, rencontrons la comtesse d'Outremont. Retour amusant à 7h par la conversation des voyageurs, Le mineur ! Le grand monsieur étranger se renseignant sur tout ! sa blonde fille ! L'homme du pays donnant toutes les indications !

Mercredi 01 Août 1900    Brides

          Le matin, on se dépêche pour boire les eaux, on va, on vient, on se rencontre de l'église à la source, puis on se retrouve tous réunis à déjeûner à 9 heures. Alors le calme succède à l'agitation, les trois fillettes font leurs devoirs, les grandes lisent ou travaillent. Après dîner correspondance. Aujourd'hui à 3h je mène Loulou et Adèle boire à la source et prenons le tramway de 3h ¼ pour les Salins. Les eaux sont très ferrugineuses ; à l'aller et au retours études de mœurs à faire ; la jolie femme anglaise aux cheveux blancs lit la mort, l'assassinat d'Humbert ; les exclamations de sa voisine sont amusantes. Au retour les officiers intimident Adèle qui goûte avec du cervelas. Promenade le soir dans le bois de Cythère, allons jusqu'aux résevoirs, il est moins joli que celui de Champion.S

Jeudi 02 Août 1900  Carte    Brides / Les Allues

          Cette nuit Loulou est tombée deux fois de son lit. On se dématine pour la messe de 7h. Nous faisons les stations de la Portioncule, de la source à l'église qui sont à 7 mn l'une de l'autre. Rencontrons M. et Mme Félix Sauvaise-Jourdan, ils sont ici avec leur fille. Notre matinée sur la terrasse en face des glaciers est bien agréable.
           A 4 heures je monte en voiture avec Loulou et Adèle pour aller aux Allues ; les autres sont partis à 3h½ à pied de la villa. Route enchantersse dans la belle forêt, toujours à l'ombre de la montagne. Il fait très frais, nous ne sommes pas suffisamment couvertes. Vue magnifique à mesure qu'on s'élève, d'abord sur la vallée qu'on surplombe, Bozet apparait au fond, puis sur les montagnes ; en sortant de la forêt encore des lacets dans les prairies, arrivons à 5h½ en même temps que nos piétons. Les Allues sont à une altitude élevée, 1180 m, entourées de forêts de sapins, au milieu d'un plateau entouré de hautes montagnes avec une échancrure sur Brides qui est au-dessous. L'église et ses tableaux sont horribles. Les chasseurs alpins donnent du cachet au village, ils mangent en ce moment à la gamelle en différents groupes sur les portes des maisons. Les mulets et l'artillerie sont groupés dans une prairie. Dans une cabane en bois, la table est mise pour les officiers. Deux d'entr'eux lisent lisent assis sur un balcon, nous sommes la grande distraction du moment. Achat de coquet d'œufs. Dans un sale chalet, chez le petit parisien, poupon apporté de Paris et qu'on nourrit au biberon.
          Départ à 5h½ ; Benjamin remplace Adèle dans la voiture. Je couvre Loulou avec les couvertures des chevaux ; elle se figure être couverte de puces ! Arrivons une heure après. Attendons nos excursionnistes sur la terrasse. Ils n'arrivent qu'à 8 heures, après s'être égarés dans la forêt, un sentier qu'ils avaient suivi une ½ heure les a menés dans un endroit sans issue et à pic, il leur a fallu remonter jusqu'à la route.

Vendredi 03 Août 1900    Brides

          Journée pieuse et sérieuse. ; il y a du monde à la messe de 7h . De là on va boire à la source à 7 mn de l'église. Matinée calme. L'après-midi, avec Benjamin, chez le docteur qui trouve Loulou toujours à peu près. Aux Salins avec Loulou et Adèle. Quelle pauvre église ! La gorge est on ne peut plus resserrée à cet endoit là. Regardons les enfants s'amuser dans la parc. Au retour, visite à Mlle de Voulx que nous manquons encore. Dîner de bonne heure à cause de la partie de demain.

Samedi 04 Août 1900  Carte     Brides / Bozel / Pralognan / Col de la Vanoise

          Quelle journée ! Lever à 4h pour aller à Pralognan. Après un bon déjeûner chaud à 5h, attendons notre voiture qui n'arrive pas. Benjamin et Loulou vont la chercher, parons avec ¾ d'heure de retard. Le comte craint que le temps ne se gâte ; en route le temps se couvre tellement que nous craignons une pluie imminente ; or, dans notre mail-coach, rien pour nous garantir et nous n'avons qu'une ombrelle pour nous abriter en cas d'eau. Route de plus en plus belle; surtout après Bozel. Des aiguilles à pic, des forêts de sapins, des cascades, c'est enchanteur ! A Pralognan en 3h½ . Là bel hôtel dans un cirque de montagnes. Bien qu'à 1400 m Pralognan est enfoncé. Là prenons 4 mulets où chacun succède, Benjamin excepté, montée d'abord à travers la forêt, cascades, puis les glaciers commencent ; celui de la Richesse en face de nous, l'éblouissant de la Grande Casse par sa blancheur. Arrivés au lac des Vaches, nos guides entrent dans l'eau avec nos montures, c'est l'usage ; longeons le lac. Long ; près de celui-là, voyons une énorme marmotte qui fuit à notre approche. A notre gauche, laissons les magnifiques glaciers de la Maurienne et traversons le lac des Assietes à sec, avec un froid des plus vifs ; le brouillard nous enveloppe, tout disparait autour de nous ! Heureusement nous arrivons au refuge du col de la Vanoise à 2527 m mais il est envahi par 4 alpinistes arrivant de la Grande Casse : on nous installe dehors à l'abri d'un mur et d'une tente, affublés de 7 ou 8 couvertures de laine malgré nos doubles pélerines. La gaîté se met de la partie partout quand le père Bourgeois qui tient le refuge vient nous avertir que l'unique table est libre ; nous nous y installons le dos dans le feu, tandis qu'alpinistes et guides sont étendus sur la paille servant de lit à côté de notre table ! La flanelle du P. Bourgeois essuie toutes les assiettes qui ne se lavent jamais, pas plus que la flanelle ! Nous dévorons et grelottons. Ausssi repartons nous tous à pied pendant une heure. Il paraît que nous sommes privés d'un magnifique coup d'œuil des glaciers de la Vanoise ayant 18 km de longueur sur 6 de largeur. C'est fâcheux ! La flore est délicieuse, le serpolet tout en fleurs. Les fillettes remontent à mulet la 2ème heure.
          A Pralognan prenons café et sirops à l'hôtel. Que c'est beau ! Quelle richesse dans la nature ! Retour en 2 h, il fait moins froid à partir de Bozel et le temps redevient superbe. A 7h sommes chez nous.

Dimanche 05 Août 1900    Brides

          Nous nous reposons jusqu'à la messe de 9h ; beaucoup de monde, M. de Slane est près de sa femme. Journée tranquille et fraîche, les montagnes paraissent et disparaissent derrière les nuages. A vêpres à 2h½, puis aux Salins, Benjamin s'y rend par le petit sentier. Soirée dans le grand salon, il fait froid. Mlle de Voulx a abordé Benjamin, lui exprimant ses regrets de nous avoir manqués.

Lundi 06 Août 1900    Brides

          Un long bain pour me délasser. Joséphine au lit. Notre charmant docteur Delastre vient la voir, c'est une petite angine. Il est d'une douceur et d'une bonté incomparables. Au grand salon lui présentons nos cinq filles. Il ordonne à Claire 3 bains de Salins par semaine. Le ciel est tout grisce matin, il est bleu après dîner, la chaleur succède à la fraîcheur. les montagnes ravissantes, il est tombé de la neige cette nuit. Journée de repos. Benjamin va seul avec Béatrix courir deux heures sur la montagne en face de la villa ; nous apprécions notre terrasse de plus en plus ; y avons reçu la visite de Mlle de Voulx. N'allons boire qu'à 7 h ; récitons notre chapelet à l'église. Lettre d'Isa très intéressante. Emilie m'écrit qu'elle et Coralie ne viendront pas.

Mardi 07 Août 1900    Brides / Villarlurin

          Nous commençons à recouvrer l'usage de nos membres moulus et suivons aujourd'hui le règlement qui sea le plus généralement suivi. Le matin lecture et travail sur la terrasse ; le comte vient nous y trouver, il met sa chambre noire à notre disposition ; nous-même dans sa garçonnière, c'est-à-dire sa petite salle à manger, il est amusant. Après dîner, correspondance. Montons chez les comtes et vicomtes De Bon, on est au Mt Javet. A 3 h je mène Loulou, Claire et Adèle de la source aux Salins ; on essaye la grande piscine, il y a une petite grille qui les ennuie à cause du maître de natation. Nous sommes de retour avant 5 h. recevons la visite du charmant docteur Delastre. Décidément Joséphine est mieux, le docteur d'une douceur, je crois qu'il va détrôner Mme d'Ollivier dans le cœur de Loulou.
          A 6 h partons avec Benjamin et nos deux aînées pour Villarlurin ; sentier ravissant à mi-coteau. C'est délicieux, 2 h aller et retrour ; échappées sur la montagne et les glaciers.

Mercredi 08 Août 1900    Brides

          Pluie en nous levant, une heure après le ciel était tout bleu ! Les montagnes de la Vanoises superbes, toutes couvertes de neige. Matinée fraîche. Joséphine est mieux, elle se lève. Au retour de Salins, trouvons les cartes du vicomte de Vezet, le père de deux jeunes dames, et recevons la visite de deux charmantes vicomtesses et du vicomte Dargon, tout ce qu'il y a de plus distingué et de plus naturel.
          Loulou restant pour se reposer, nous partons tous pour le rocher de la Corbassière que nous atteignons par les délicieux sentiers du bois de Champion ; nous regrettons que l'heure tardive nous empêche de gagner le sommet de la montagne.

Jeudi 09 Août 1900   Carte    Brides / Les Chavonnes / Champétel / La Perrière / St Jean

          Ce matin recevons une lettre de Xavier nous disant qu'il sera libre Samedi et Dimanche ; nous lui télégraphions que nous partirons demain Vendredi pour être à Modane vers 7 h. Allons chez le comte Greyfié lui soumettre l'idée d'aller coucher à Termigon pour gagner le lendemain le col Iseran, coucher à Val d'Isère et revenir par Tignes et Bourg Saint Maurice en deux jours. Il nous dit que c'est très faisable et nous recommande par lettre à l'hôtelier de Val d'Isère. J'écris à Xavier une lettre explicative. Tout cela me prend la matinée. Tandis que nous étions à Salins, Gaby reçoit au grand salon une certaine demoiselle d'Andelarre que je ne connais nullement. Le Vicomte de Vezet a rencontré Benjamin et les fillettes et a été fort aimable aveceux.
           Le soir, promenade des quatre grands au bois de Cythère ; prenons le sentier de la Perrière, d'abord sous bois puis dans les prairies en face de Montagny ; traversons Les Chavonnes, Champétel, la Perrière, enfin St Jean où nous récitons notre chapelet dans la pauvre petite église. Très jolie promenade, retour en 35 minutes par la route. Trouvons au retour une dépêche de Xavier qui nous attendra demain à Modane. Adèle, très ennuyée de notre absence de 48 h, nous disait à dîner : "Si j'étais anarchiste, je serai contente parce qu'il n'y aura plus de gouvernement dans la maison !".

Vendredi 10 Août 1900  Carte   Brides / Modane / Termignon

          Allons à Salins ce matin à cause du départ pour Modane 2 h ; c'est dans ce trajet que je lis à Loulou et à Adèle la décision d'Emilie et de Coralie d'arriver après le 15 août. Nous en sommes surprises et heureuses. Au couvent dès notre arrivée, la supérieure charmante nous fait visiter les chambres qu'elle nous destine. Cet hôtel est très joli. En arrivant à la villa Benjamin ne s'explique pas notre retard ; nous réunissons tout le monde sur la terrasse et là je leur lis la grande nouvelle. Vite je réponds à Cora.
           Faisons les préparatifs de départ, dînons et partons à 2 h. Trajet fort agréable parce qu'il fait de l'air. La vallée de la Maurienne peu intéressante. A 8 h à Modane, Xavier nous attend. Dînons fort bien au buffet de la gare et très satisfaisant d'être ensemble. Le break du régiment nous attend pour nous mener à Thermigon (auj. Termigon, ndlr), il fait très froid, il pleut par moments, cependant très claire. A 11 h ½ descendons à l'hôtel extrêmement modeste où Xavier a retenu nos chambres. Loulou couche seule, notre chambre donne sur un balcon avec petits cabinets.

Samedi 11 Août 1900   Carte  Termignon / Lanslebourg / Bonneval / Col de l'Iseran / Val d'Isère

          Point d'insecte dans ces laides chambres. Xavier vient nous rejoindre pour le déjeûner à 6 h ½, le froid est vif. Visitons l'église, grande. Ah ! Voici la voiture, un petit omnibus vitré, nous y montons tous les cinq dedans, Benjamin sur le siège. Pendant l'arrêt à Lanslebourg, allons jusqu'à la caserne voir les fenêtres de l'appartement que Xavier va occuper. Voyons la Thura (auj. Turra, ndlr), le petit Mont Cenis  ! Les lacets du col du Mont Cenis ! Nous sommes en souci pour les mulets que nous n'avons pas commandés par télégramme à Bonneval ; ainsi sur toute la route j'interpelle les braves gens du pays qui sont en possession de bêtes de somme ; à chaque bête c'est une grande hilarité. La vallée devient de plus en plus déserte et dénudée, des glaciers nous apparaissent fort rapprochés.
           A 11 h ½ à ce sale Bonneval, 1800m d'altitude, que nous nous empressons de quitter pour nous rendre au chalet du Club alpin à 10 m dans le bois. Là se trouvent déjà réunis le monsieur, la dame et leur fils qui nous précédaient sur la route et trois lieutenants de chasseurs, amis de Xavier, Dehalin, Mathieu et Beaulieu, celui-ci comique, un vrai moulin à paroles, ce qui nous permet un dîner gai. Mais changement de décor ; un général est en vue, c'est le Gal Larrivet avec son officier d'ordonnance. Alors nous aidons à pousser la table, à mettre le couvert. Le génaral arrive sur la terrasse, Beaulieu a couru au devant de lui. Sur la terrasse salut militaire et présentation des autres lieutenants et sous-lieutenants. Beaulieu fait tous les frais de la conversation en face du général. On cause à table mais doucement. Sur la terrasse nous prenons le café à une petite table tandis que le Gal l'offre sur une autre à ses officiers. A table il a voulu qu'on commençât par servir les dames.
           Comme on a trouvé deux anes, c'est aujourd'hui que nous ferons l'ascension du col de l'Iseran. Saluons les abbés qui nous avaient offert de dire demain la messe de bonne heure et allons au village chercher nos montures ! Partons, mal équipés, 2 anes sans selle, un des deux un rossard. Les chasseurs nous offrent bien une selle mais c'est une selle d'hommes !
          Départ à 2 h ½. Le commencement très raide. Xavier monte comme s'il se promenait dans sa chambre, Gaby marche ses 5 heures avec un calme imperturbable, relevant tout doucement sa robe comme si elle était en ville. Benjamin rayonne de contentement. Loulou est à cheval sur l'ane qui marche, Clairette et moi nous succédons sur celui qui refuse de marcher dès que j'y suis dessus. En montant, quel coup d'œil ! S'il n'y avait pas de nuages, ce serait féerique, des glaciers de tous côtés. La vue est beaucoup plus belle qu'au col de la Vanoise, la montée moins raide ; il y a de longs sentiers à peu près plats, dans d'immenses paturages en forme d'entonnoir. Mais quel froid à côté de celui du col de la Vanoise. Loulou decend de son ane parce qu'elle gèle, Clairette a ses dents qui claquent, moi aussi. La Lenta en montant qu'on traverse à tout moment. Cependant sur nos robes d'été, nous nous affublons de doubles vêtements. Loulou et Claire mettent en plus ceux de Gaby qui est invulnérable, et la couverture de voyage. Voici le col d'Iseran, 2769 m., impossible de s'arrêter, le froid est trop piquant, nous sommes tous à pied ; des splendeurs de tous côtés.
          En 2 heures à Val d'Isère, au dessous de nous. Chez Moris arrivons à 7 h ½. Mauvais souper mais bon appétit. Le professeur qui dîne à côté de nous et converse avec deux jeunes gens anglais, a un ton sentencieux amusant, on dirait qu'il fait son cours à l'école Rollin où il professe la rhétorique, nous le voyons sur le registre. 3 chambres à 2 lits, les messieurs ensemble, Gaby et Loulou, Claire et moi. Lits très propres et excellents. Comme la maison est en bois, entendons tout d'une chambre à l'autre.

Dimanche 12 Août 1900   Carte   Val d'Isère / Tignes / Ste Foy / Villaroger / Séez / Bourg Saint Maurice / Moutiers / Brides

          Lever tardif à 7 h ½, Xavier déjeûne solidement car il a décidé de nous laisser après la messe et de repasser le col de l'Iseran, n'ayant pas de permission. Nous nous promenos au soleil en attendant l'heure de la messe 9h. Val d'Isère est à l'extrémité d'une vallée. A 9h à l'église. Asperges me, Vem Creator, absoute, grand'messe sans musique, horriblement chantée, bénédiction on passe le pain bénit.
           A 10 h ½ montons dans notre break découvert, genre mail break. Xavier perché sur un mur nous serre une dernière fois la main. Cette vallée, très sévère au début, a quelque chose de sinistre par la quantité de croix indiquant des morts accidentelles arrivées au lieu indiqué. Un moment le cocher fait descendre tout le monde, la route étant mauvaise et étroite. Je proteste en restant ; plus loin, la voiture passe chargée sur des bois soutenant la route qui a glissé dans l'âbime. Tignes, 1659 m, patrie du P. Boch. Pauvre village, les chasseurs alpins donnent de la vie ; les femmes endimanchées causent sur leurs portes, laide coiffure noire.
          La forêt de mélèzes commune, la vallée devient très boisée et pittoresque avec l'immense glacier du Mont Pourri à notre gauche. Aux Bréviaires de Tignes où en 1881 un quartier du Thuria ensevelit le village. La Thuile puis Ste Foy et VillaSroger, très jolis villages posés des deux côtés de la montagne. La vallée s'élargit, la route descend en lacets pour se rapprocher de l'Isère jusque là à des profondeurs incommensurables ! Au bas de la vallée un torrent a enseveli, il y a quelques années, tout un hameau dont on voit encore les cheminées au ras du sol. C'est un cataclysme effroyable ! Tout a été fait en un instant.
          Nous laissons à droite les lacets interminables qui conduisent au Petit St Bernard. Séez puis Bourg St Maurice, une petite ville. Il est 2 h, dîner excellent à l'hôtel Mayet qui a aujourd'hui 70 chambres, il est deux fois plus grand qu'il y a 10 ans. Les militaires pullulent. En voiture à 3 h ½ pour arriver à Moutiers. Beaucoup de vent, pas de chaleur, le côté gauche de la route avec le Mont Pourri au dessus, très joli. Beaucoup de villages, de forêts, etc.
          A Moutiers, immédiatement chez un dégraisseur, la voiture nous a sali 6 manteaux ; puis chez un patissier pour un régal ce soir car c'est Sainte Claire ! Le tramway électrique nous ramène à Brides où nous attendent les petites. On dépouille le nombreux courrier, chacun a voulu écrire à Adèle et Béatrix en leur solitude ! On se couche de bonne heure.

Lundi 13 Août 1900    Brides

          Matinée de repos, on reste dans la maison pour écrire, puiqu' on n'a rien pour se couvrir, tout est chez le dégraisseur. En sortant à 3h rencontre de Mme Emilien Rocca qui venait nous voir avec ses trois enfants. Le docteur Delastre qui venait nous voir avec ses trois enfants. Le docteur Delastre charmant, il trouve Loulou moins anémique, lui ordonne des douches après les bains. Il fait compliment à Adèle sur son air recueilli dimanche et sur celui de Béatrix en allant communier. A la piscine Adèle disparait sous l'eau puis elle nous assure que ce n'est pas très effrayant de se noyer. Retournons dans le même tramway que la jeune comtesse Dugon qui a été à Moutiers attendre son mari. Le sermon de 4h du P. Farjon avait été un peu long et trop mystique !

Mardi 14 Août 1900    Brides

          Après avoir été à la source, à l'église nous nous confessons au P. Farjon qui est très bien en confession, Adèle le goûte particulièrement. L'après-midi visite de Mme Rocca qui s'extasie sur la grandeur de notre salon. Tandis que Benjamin mène la bande de Salins, je fais visiter à Mme Rocca notre appartement. Tandis qu'Adèle joue au croquet avec les trois enfants, Jean-Baptiste, Marie et Isabelle, nous nous installons sur la terrasse mais aujourd'hui les montagnes sont dans les nuages. Je descends seule à Brides faire quelques achats. Clairette est légèrement souffrante. La bande de Salins est revenue à pied par le petit sentier du bord de l'eau.

Mercredi 15 Août 1900    Brides

          Messe de dévotion à 7h. Benjamin et Gaby retournent à celle des Baigneurs à 9h et tous en chœur allons aux vêpres à 2 h ½. La cérémonie de l'après-midi est si courte qu'à 3 h ¼ je puis partir pour Salins avec Loulou et Adèle ; elles sont encore en chemise quand le tramway passe, il nous attend, finissons la toilette d'Adèle en route. Visite aux Sauvaire Jourdan qui n'y sont pas. Nous rencontrons Mme Rocca quand nous allions la voir, elle vient chez nous. Les enfants goûtent puis installent le croquet. Benjamin et Loulou partent pour Villarlurin. Je reste sur la terrasse avec Mme Rocca qui est très agréable, tandis que Gaby et Claire jouent au tric-trac dans le salon.

Jeudi 16 Août 1900    Carte     Brides / La Saulce / Montagny / Chapelle N-D des Neiges

          Les enfants jouent tous ensemble d'abord au croquet puis à cache-cache. C'est Adèle qui a été la porte-parole. Les Dugon partent en voiture à 2h pour leur tournée. Le ciel est couvert, aussi au retour de Salis, il est décidé qu'on se retrouvera à l'arrivée de notre tramway pour monter à N.D. des Neiges. M. et Mme Félix Sauvaire Jourdan rencontrent Benjamin. Ils venaient nous voir mais ne veulent pas empêcher notre excursion.
Adèle et Béatrix nous guident, ascension de 2 heures, raide et pénible ; nous prenons des raccourcis d'abord, nous nous égarons, passons à la Saulce et à Montagny où une femme va chercher la clef de la chapelle chez le curé : quel pauvre village ! De là encore une bonne demi-heure de montée ; nous arrivons à la zone des sapins puis à la chapelle de N.D. des Neiges sur ce roc en saillie qui fait qu'elle se voit de tous côtés. Deux troncs extérieurs, l'un pour les aumônes en argent, l'autre pour les aumônes en seigle. Nous sommes à 1740 m d'altitude et plongeons sur la vallée d'une manière effrayante. Quelques gouttes de pluie à l'approche de la nuit nous font descendre rapidement. Les femmes reviennent de la montagne avec leurs mulets chargés de foin et le petit garçon rapproche vite la marmite montée pleine pour le dîner.
         Nuit noire au bas du vallon. Nous avons mis 2 heures pour monter, 1 h ½ pour descendre. Sommes à table à 8 h ½. Coucher au dernier morceau.

Vendredi 17 Août 1900    Brides

          Temps très couvert, la plupart de nous abandonnons la terrasse à cause d'une petite pluie fine, ce qui n'empêche pas Benjamin d'aller se promener à Villarlurin. Mlle d'Andelarre me fait doléances e son balcon sur le sort de ses voyageurs. A 4h je vais au couvent entendre le Dr Delastre et Mme Pacary. je préférais le 1er couvent. Mlle d'Andelarre toujours de son balcon, trouve que j'ai du courage d'aller à ce moment . Les chants de la messe de 9 h dimanche lui ont cassé les oreilles. Mme Rocca vient passer une heure ou deux avec nous. Les fillettes aiment beaucoup à s'amuser au croquet, la petite Isabelle est un bijou. Après leur départ, nos cinq filles jouent ensemble toujours au croquet jusqu'à la nuit. Lettre d'Isa de 12 pages, elle est bien gentille.

Samedi 18 Août 1900    Brides

          Aux Salins le matin à cause de l'arrivée de mes belles-sœurs. Déjeûnons à 11 h ½, puis, le temps étant couvert, à pied par l'ancienne route jusqu'à Moutiers ; malgré notre presse arrivons en gare après elles, retour en tramway, leurs bagages n'arrivent pas ; installation chez les sœurs ; sur la terrasse, temps couvert, il pleut légèrement ; rentrons à 6h½ ; le beau salon les enchante ! Nous soupons ensemble, puis retour chez les sœurs à la nuit.

Dimanche 19 Août 1900  Carte  Brides / Saint Bon / Bozel / Le Praz

          Après la messe de 7h et le retour de Salins, quel ne fut pas mon étonnement de voir dans le parc Benjamin en compagnie de Xavier ! Pour être ici aujourd'hui, il a marché toute la nuit, c'est-à-dire 12 heures, a passé le col de la Vanoise, a commis une grosse imprudence, a fait une folie pour rester avec nous jusqu'à 2h seulement. Nous le faisons asseoir dans le grand salon, se rafraîchir, il doit être exténué. A midi il a bon appétit heureusement. A 2 h il monte avec nous dans la voiture qui nous amène avec mes belles-sœurs à St Bon, le laissons au tramway qui va l'emmener à Moutiers, il retourne par le chemin de fer ; espérons que ce soir il trouvera une voiture à Modane pour regagner Lanslebourg.
           2 h de trajet pour St Bon, 1100 m d'altitude. Route délicieuse surplombant la vallée, puis Bozel, de là au Praz, encore 20 m, coin de terre ravissant avec son petit lac miniature, ses sapins, ses prairies ; nous goûtons sur des rochers moussus aux bords d'un clair ruisseau. Du haut d'un cerisier, un homme nous envoie des branches couvertes de cerises. Vue enchanteresse ! Orage sur la montagne ! Malheureusement il faut redescendre.
          A Saint Bon les cloches ne sonnent plus le baptême. Au Praz on pourrait faire une cure d'air chez chez Chapuiz. Retour en une heure, le ciel s'est éclairci. De notre terrasse, coucher de soleil sur la Vanoise ! Que les œuvres de Dieu sont belles !

Lundi 20 Août 1900    Carte     Brides / ND des Neiges / Mont Jovet / Montagny / Brides

          Lever à 3  h ½, départ à 4 h ¾ pour le Mont Jovet, Benjamin, Gaby et moi. Temps splendide, pas un nuage. Montons pendant 5 h, passons par N.D. des Neiges, dans les hauts pâturages, brouillard. Montons immédiatement au sommet, pluie et froid, pas un parapluie. Dans le mauvais refuge, notre guide fait du feu avec l'écorce des bois qui soutenaient la toiture ! Nous gelons, on nous monte des couvertures. Eclaircie du côté . Voyons quelques glaciers de la Vanoise, mais ni le Mont Blanc, ni le Cervin, ni le Mont Rose n'apparaissent. Au chalet déjeûnons comme des ogres. Brouillard. Des messieurs du Tribunal de Moutiers arrivent ; pluie. Partons à une acalmie, puis pluie persistante, froide et brouillard. Descendons en 4 h par Montagny. Temps affreux, partie complètement ratée !

Mardi 21 Août 1900    Brides

          Pluie tout le jour ! Trois au quatre orages tandis que nous sommes à Salins. Benjamin à Moutiers. mes belles sœurs et Gaby reçoivent Mlle d'Andelarre qui est très drôle et très amusante. Reçu lettre de Xavier qui a encore marché 4 h ½ le soir de Modane à Lanslebourg. J'écris six lettres. Apprenons le mariage de Mathilde.

Mercredi 22 Août 1900    Brides / Champagny / Friburge / Laisonnay

          Beau temps, aussi départ à 9 h pour Champagny. Il fait chaud. Très jolie position de Champagny le Bas. Pelouses boisées, 1200 m d'altitude, gorges très étroites, très belles, très pittoresques, puis Champagny le Haut, le Bois 1480 m. Nous y dînons. Mais quelle auberge que celle de Ruffrir tenue par le père au cou tordu, la mère vraie sorcière débitant de longs discours et gesticulant avec ses longs bras ! Quel type ! Enfin le fils moins extraordinaire. C'est mauvais et sale, heureusement que nos deux poulets nous sauvent. Une autre fois il faut déjeûner à Brides à 10h et partir après, le trajet n'est que de 3 h ½. Le père nous sert un plat sous le nom engageant du vieux [ill]. Loulou reste avec Emilie, nous allons à Friburge, autre hameau et avec Gaby jusqu'à Laisonnay, 1568 m d'altitude, dernier hameau de la vallée si sévère et si désolée. On n'est quà 6 h de Val d'Isère qu'on peut gagner à mulet par le fond de la vallée. Halte au retour sous des sapins. Retour délicieux en 1 h ¾, le soleil dore les glaciers de Pralognan, c'est enchanteur !

Jeudi 23 Août 1900    Brides

          C'est Benjamin qui mène les enfants à Salins parce que je vais prendre un bain à Brides. Visites l'après-midi aux Rocca, à Mlle de Voulx, aux Bons ; quelques achats. Nous trouvons chez eux Mlle d'Andelarre, l'aînée des jeunes dames Dugon et M de Vezet, il est l'oncle de la jeune dame. Le soir Benjamin, Coralie et moi allons à Villarlurin.

Vendredi 24 Août 1900    Brides / Cascade de Ballandaz

          Nous envoyons à Louis Courard une collection de cartes postales. Il pleut légèrement. Malgré ce, départ à 1 h dans le grand break couvert pour la cascade de Ballandaz. La pluie a cessé, les gorges sont très belles, très resserrées. La chute du Doron magnifique ! Le terrain glissant, très mouillé. Nous remontons jusqu'à la route où Emilie nous attend avec la voiture. Partons avec le soleil qui dore les glaciers de Pralognan.
          A la source voyons les Rocca, les Fournier, les Bon. mes belles sœurs viennent plus tard souper avec nous. Encore orage ! Pour redescendre elles n'ont pas de chance, il pleut encore ! Reçu une lettre de Clotilde racontant les mystifications du bec Auer.

Samedi 25 Août 1900    Brides / Cascade de La Jairaz

           Temps splendide. Emilie et Coralie viennent souhaiter bonne fête à Loulou et lui donnent un beau parapluie. Nous, nous lui achèterons ses cadeaux à Lyon. Le bouquet d'Eléonore a été très beau hier soir. Les tantes offrent d'emmenenr Claire à Paray, elle est enchantée ! Allons faire nos adieux au docteur, Benjamin, Loulou et moi. L'attente est longue ! Mme Bon se charge par sa verve et sa conversation de la faire passer rapidement. Le docteur est charmant ; il nous demande notre adresse pour venir nous voir. Loulou à dîner sur les histoires de Mme Bon.
           Tandis que Claire ira avec ses tantes aux Allues, partons dans deux voitures pour la cascade de la Rosière à 1 h. Descendons à La Jairaz. Là une gentille fillette, Lucie, nous conduit à la cascade. Jolie gorge dans une forêt de sapins. Belle cascade, mais surtout au-dessus de la cascade, belle pelouse entourée de sapins ; nous goûtons aux bords de la rivière, un groupe fait un feu et une ronde tout autour. Quelle solitude ! Il nous a fallu 1 h ½ de La Jairaz, une autre fois il faudra y passer la journée, porter à déjeûner sur la gazon et commander des mulets la veille à St Bon. Retour délicieux. Gaby et Loulou reviennent seules en voiture, Benjamin et moi avec les deux petites.

Dimanche 26 Août 1900    Brides

           Je suis seule à la messe de 9 h derrière les enfants Dugon très sages. Faisons nos malles le matin. Après déjeûner partons en voiture avec Emilie et Coralie pour la cascade de Briançon sur la route d'Albertville. Quelle mystification ! On ne m'y prendra plus. Adèle et Béatrix sont restées, étant invitées chez les Dugon pour un goûter. Les Rocca sont venus jouer avec elles. Visite des jeunes dames Dugon sur la terrasse, elles sont charmantes. Restons très tard sur la terrasse.

Lundi 27 Août 1900    Brides / Moutiers / Lyon

           Adieux au Comte Greyfin. C'est bien lui que nous entendons ronfler de notre chambre ! Départ à 9 h ½ de cette charmante villa. prenons mes belles sœurs au couvent et allons déjeûner à Moutiers chez Bagollin ; bon déjeûner à 2f.50. Si l'on couchait à Moutiers, mieux vaudrait aller à l'hôtel du Parc tout neuf. Départ à 11 h ½. Il pleuvait en nous levant, maintenant le soleil luit mais l'air est frais. Changeons trois fois de train de Moutiers à Lyon. A Albertville à St Pierre d'Albigny et à St André le Gaz. A Lyon, hôtel d'Europe, très bien, sur les quais de Saône, restaurant excellent.

Mardi 28 Août 1900   Lyon

          A Fourvières pour la messe de 8 h, nous nous confessons. Clairette nous quitte à ce moment-là avec ses tantes pour Paray-le-Monial. Déjeûner dans un café du côté de la basilique. Sans le brouillard nous aurions une vue très belle, nous sommes heureux que la pluie de ce matin ait cessé. Flânons, achetons les cadeaux de fête de Loulou, ombrelle rose !... et introduction à la vie dévote. Copieux déjeûner au café Neuf, exquis, mais 40 frs ! Allons faire toilette à l'hôtel, puis sur l'impériale d'un tramway électrique partant de Bellecour, en 20 mn, à la Ferrandière. Germaine, très gaie, nous lit le brouillon de lettre qu'elle doit écrire à Mathilde pour la complimenter. Voyons Mmes de Casteljan, Marie Ménard et Marie-Rose Garnier qui regrette tant les fauteuils ! Au retour en voiture au parc de la Tête d'Or, très grand. Dîner à l'hôtel.

Mercredi 29 Août 1900   Lyon / Marseille

          Départ à 7 h ½, temps couvert malheureusement. Retrouvons le ciel bleu à midi. A Avignon, le mistral tempère cette chaleur. Déjeûner au buffet. Puis au S.C. Marie d'Azerbuja passe de tristes vacances, mort de son amie Piffard, quatre départs.
          A 3 h retrouvons dans le train nos trois domestiques plus Benjamin. Quelle chaleur ! En gare Alfred, Clotilde, Isa, Charles, Madeleine, Salvat et Albert ! Remontons tous dans l'omnibus de Bagary. Quelle ovation à notre arrivée à la campagne !

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