Voyage du 23 Juillet au 29 Août 1919   par Léonie Fine
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Cartes : Voyage - Environs de Carnac - Environs de Tours

1919 - Carnet n°20 rédigé par Léonie Fine relatant un voyage à
Néris, Carnac, Quiberon, Auray, Tours, Châteaux de la Loire, Montélimar



De g. à d. Adèle, Claire,
Béatrix et Louise

Du 23 juillet au 29 août 1919
Benjamin Salles (71 ans), Léonie Fine-Salles (66 ans).
Cf. Généalogie Salles
Marguerite Lavielle est une petite nièce de Léonie.
Cf. Généalogie Fine

photo1900
Benjamin et Léonie vers 1900


Du 23 Juillet au 17 Août 1919  Marseille / Lyon / Néris / Tours / Nantes   [Carte Voyage]

         Mardi 23 juillet. Départ de Benjamin et moi pour Néris (ndlr : il s'agit de Néris-les-Bains dans l'Allier) où sont nos trois filles. Coucher à Lyon. Voyons Loulou tous les jours, prenons nos repas avec elle ; elle nous donne deux heures chaque après-midi. Nous logeons à le rue du Commerce chez le docteur Ducros à la villa Antoinette ; chambre vaste à un 1er. Adèle faisant sa retraite à Montluçon, nous la voyons deux fois avant et deux fois après. Béatrix restant deux mois à Montluçon, vient de temps à autre ; nous allons la voir une fois par semaine. Vie paisible et agréable. Après-midi au parc des Arènes avec Loulou. Petits goûters en chambre avec fruits : melons, pêches, etc. Musique dans le parc surtout le soir jusqu'à 10 h. Lecture sous ses beaux tilleuls dont les fleurs tombent en tourbillonnant et en pluie. Messes et salut chaque jour dans la jolie petite chapelle. Prix à l'école. Joli dortoir des cinq élèves de Loulou. Rencontre de Mlle de Montaudry.

         Le 14 août, arrivée de Guiguite Lavielle(1) venant voir Mithé à Montluçon ; le jour de l'Assomption, procession à Château-Vieux.

         Le 17 août, adieux aux demoiselles Guitton et Trézins, départ avec nos deux filles pour la gare de Montluçon où nous rejoignons Guiguite Lavielle. Départ tous les trois à 1 h ½ pour le Morbihan où nous allons revoir Paulette.
Arrêt à Bourges de 3 à 7 h ; excellent goûter chez un fameux confiseur, puis visite de la ville en voiture. La maison de Jacques Cœur, l'hôtel Allemant, architecture d'une finesse exquise, maisons anciennes, la magnifique et si haute cathédrale. Dîner mauvais en gare. Départ à 7 h ½ dans un train bondé. Sommes avec un Mr et deux dames sélect, à côté sont les grands enfants jouant à des jeux d'esprit avec leur gouvernante.
         A Tours ou du moins à St Pierre de Corps, changement de train, le nôtre, ou du moins notre wagon, n'allant pas à Nantes. Monde énorme dans notre trajet jusqu'à Tours ; rires fous occasionnés par un jeune soldat américain, il fait passer à tous de sa tarte aux prunes, de ses macarons, il place sa bouteille de limonade gazeuse sous la chaise pliante de Benjamin ; il siffle Madelon, la Marseillaise, veut faire chanter Guiguite. Le Mr venant de Vichy, le fait aller à Tours. A Tours montons en tête et à l'arrière du train ; un employé va chercher Benjamin à l'arrière ; peu à peu nous nous asseyons ; finissons par dormir un peu ; petit bébé d'un mois très sage.
(1) Il s'agit de Marguerite Lavielle, petite fille de Barthélemy Fine et petite nièce de Léonie, allant voir sa sœur Marie-Thérèse.

Lundi 18 Août 1919  Vannes / Carnac    [Carte Environs Carnac]

           A Vannes à 6 h du matin où André Gros vient nous serrer la main, il a été voir Paulette.
A Auray à 7 h ½. En voiture à Ste Anne. Belle basilique, y avons la messe ; achats au Champ des Martyrs, prairie triste et mélancolique, entourée d'arbres ; une chapelle funéraire, c'est là qu'ont été massacrés les 950 Français descendus de Quiberon en 1914. A la chartreuse, on voit leurs ossements dans une crypte éclairée par une lanterne que balance une sourde-muette. En voiture à Carnac. Hôtel des Voyageurs, à côté de la vieille église. Après-midi visite à Paulette. Promenade à Carnac-port. Coucher de bonne heure ; achat d'une chemise à Benjamin, nos bagages n'étant pas arrivés. Chambres modestes mais très propres. Recevons Mr de Plomadeuc.  

Mardi 19 Août 1919      [Carte Environs Carnac]

           Visite à Paulette. Allons en voiture à la gare, comme hier. 35 mn à pied pour revenir. Le Morbihan sans arbre, peu de culture, pays pauvre, des landes, des ajoncs, quelques champs cultivés. Après dîner visite à Mme de Plomadenc, à la villa Bellevue, sa fille et sa nièce nous reçoivent, Mme nous conduit par des raccourcis à l'abbaye de St Michel, mettons 40 mn au lieu de 35. Mère Gertrude nous reçoit avec Paulette et nous fait voir un ornement d'église ravissant, brodé par elle ; au retour, voyons sur le chemin une noce se rendant par couple de Carnac-ville à Plouharnel. Les tabliers sont en satin de couleurs vives ornés pour la mariée de fleurs d'oranger. On chante Madelon. Retour par les chemins à travers champs, quand un mur nous coupe la route, nous le démolissons et le remontons après. Après souper, à pied à la plage. Guiguite nous chante "Assis sur les rochers au bord de la mer". Ce soir arrivent nos malles, excepté notre principale, rien à nous mettre, Benjamin a une chemise et un faux-col de Carnac.

Mercredi 20 Août 1919    Carnac / Penthièvre / Carnac   [Carte Environs Carnac]

Trois messes en ¾ d'heure à la vieille église à côté de l'hôtel. En gare à Plouharnel pour aller en chemin de fer à Quiberon. Noce sensationnelle qu'on prenait en photo sur la place. Costumes charmants, les hommes avec les larges velours pendant dans le dos, les femmes avec leurs ravissants tabliers, la mariée ornée de fleurs d'oranger, les robes noires avec corsages en velours sont relevées pour laisser voir les jupons blancs brodés. Petite promenade sur la plage, grande animation, bains de mer, beaucoup de cabanes aur le sable. Dîner exquis sur la terrasse de l'hôtel de Penthièvre en face de la mer. Retour à 2 h. Vite à l'abbaye, Paulette nous montre le ciboire orné de diamants de sa mère. Je vois Mère Gertrude et Paulette, bonne causerie. En voiture à Carnac-plage. Chez Mr Caubert de Cléry, admirablement installé à la villa St Michel, pour leur porter une lettre, enfants bien beaux. Très joli, Carnac-plage, jolies villas, beaucoup de pins et d'arbres, végétation à laquelle on n'est pas habitué.

Jeudi 21 Août 1919   Carnac / Locmariaquer / Carnac   [Carte Environs Carnac]

Après notre visite journalière du matin à Paulette, allons l'après-midi à Locmariaquer en voiture, traversons le pont en fer si joli sur la rivière de Crach, mur à droite, mur à gauche, celle-ci dite "la petite mer" ou "Morbihan" est un golfe entre Auray, Vannes et Locmariaquer, c'est gracieux, la mer bleue, les barques aux voiles de toutes les couleurs, la "Table des Marchands" la plus curieux. Au cimetière, arrêt devant le tombeau de Zénaïde Fleuriot(1), trop de souvenirs de jeunesse m'y attirent, récitons un "de Profondis" pour celle qui sut charmer mon imagination de jeune fille par sa plume chrétienne et féconde.
Le plus grand charme de notre après-midi fut un goûter avec des biscuits bretons en face du goulet séparant les deux presqu'îles de Rhuis et de Locmariaquer, c'est une vue délicieuse ; Guiguite prend des photos ; rafraîchissements affreux au bourg ; un instant sur la jetée, puis remontons en voiture avec notre grand cocher bon enfant et ses deux chiens dont l'épagneul si joli.
(1) Zénaïde Fleuriot née à Saint-Brieuc le 28 octobre 1829 et morte à Paris le 19 décembre 1890, est un écrivain français. Elle écrivit 83 romans destinés aux jeunes filles, dont une part importante a été publiée dans la Bibliothèque rose et la Bibliothèque bleue (ndlr).

Vendredi 22 Août 1919   Carnac    [Carte Environs Carnac]

           Dans notre visite à Paulette ce matin, vu et admiré le superbe missel avec des dessins à la plume, c'est une merveille ! L'après-midi, après notre visite, à Carnac-plage. Tandis que Guiguite va chez les Cauber de Cléry, avec Benjamin assis sur le sable en face de l'océan, récitons notre chapelet tout en regardant une foule d'enfants s'amuser sur la plage. Dîner bien agréable à l'hôtel de la Plage, promenade plus agréable encore jusqu'au bout de la plage ; famille de 9 enfant avec leur père et leur mère ; celui-là les fait courir, sauter sur un pied, puis il court prendre dans ses bras le plus petit pour lui faire gagner une partie. Nous étions loin que nous entendions encore la voix du père crier : un, deux, trois et tous les enfants s'élançaient en courant. Retour à pied en une demie-heure. Revu tous les phares, le tournant de Belle-Île. A notre hôtel trio célèbre : Mlle Ambroisine qui dirige, c'est la cléricale, Marianne la servante qui cire les chaussures, fait la grosse besogne, Mélanie, aux yeux chassieux rappelant ceux de Lia, sert à table.

Samedi 23 Août 1919   Carnac    [Carte Environs Carnac]

           Matinée chez Paulette ; Mère Gertrude charmante, Mr le Recteur veuillant bien nous dire la messe à 6 h demain, nous partirons à 7 h. Le soir à Kergognan, voyons avec Paulette et Mère Gertrude Luco, les magnifiques ornements brodés par celle-ci ; le médaillon du S.C. admirable, celui de Melchisédich incomparable. Adieux, Paulette distraite a tout manqué, conférence et le reste. Achats de chemises, mouchoirs pour remplacer les objets dans la malle perdue. Visite d'adieux à Mme de Clomadeuc puis dégringolons à la plage, arrivons au Grand Hôtel juste pour le dîner. Après, sur la plage, ciel idéal, nuages oranges, reflets dans l'eau, c'est ravissant. Remontons rapidement pour boucler les malles.

Dimanche 24 Août 1919   Carnac / Auray / Nantes / St Pierre-des-Corps / Tours   [Carte Voyage]

           Messe du Recteur exprès pour nous, à 6 h ; église noire, on se croirait aux catacombes. Départ à 7 h pour Auray ; nous apprenons là que notre malle perdue a été expédiée la veille au soir en gare de Plouharnel. A Nantes longeons la Loire, ville très industrielle. Notre compartiment étant réservé à partir de Nantes, deux messieurs enlèvent l'étiquette, ce qui vaut à la fille de service une algarade du chef de train, nous bénéficions du stratagème en gardant nos places. Là seulement apercevons le wagon restaurant qui est en train, venant de Croisic ; vu l'heure tardive, achetons sandwichs, raisins ; on rejoint le train du Croisic avec le nôtre mais le repas eût été trop tardif, pas de regrets !
           Chaleur, nous voici longeant la Loire, châteaux, arbres, verdure, quel contraste entre la Touraine et la Bretagne ! Hôtel de Bordeaux tout près de la gare ; nous y soupons royalement. En arrivant excellent goûter rue Nationale, glaces, gâteaux. Tramway de Ste Radegonde ; grimpons jusqu'à Rougement, propriété et immense château, position unique en face de la gare de St Pierre des Corps. Vue splendide. La Touraine est bien le jardin de la France. Marguerite d'Azambuja a bien engrassé, on dit qu'elle irait à Poitiers. Nous la voyons dehors. C'est idéal.

Lundi 25 Août 1919   Tours

          Je sortais pour aller à la messe à la chapelle de la Ste Face, quand, voyant sortir une dame avec un livre de messe, je suis où elle se rendait ; or elle entra dans le sombre oratoire de la Ste Face où j'entrais sans savoir où j'étais ; beaucoup d'ex-voto. Matinée délicieuse avec Marguerite d'Azambuja. Quelle situation ! Quel découvert ! aussi quel bon air. Tandis que Guiguite Lavielle voit Thérèse Vassaz et Mlle Casati, causerie intime avec Marguerite. A midi nous descendons avec elle visiter les grottes des saints et les ruines de l'abbaye de Marmoutier.
          Repas excellent à notre hôtel de Bordeaux ; repos jusqu'à trois heures. Puis à la cathédrale St Gratien. Quelques achats rue Nationale, glaces succulentes à la framboise, orgie de fameux goûters. En voiture aux tours de Charlemagne et de St Martin. La belle église moderne style romano-byzantin, nous rappelle Montmartre en petit. En face, restes d'un cloître ; puis voyons la maison de Tristan l'Ermite avec le fameux escalier de briques et les clous où étaient pendus ses condamnés. L'hôtel Gouin, sculptures d'une finesse inouïe ; l'église N.D., riche, superbe. Nous sommes las tous les trois.

Mardi 26 Août 1919   Tours / Les châteaux       [Carte Chateaux]

Journée de châteaux. Départ à 9 h ¾ de la place de la gare en auto, nous sommes 13 voyageurs. Château de Villandry du XVIè s., à Mr Carvallo ; peu de choses pouvant se voir à l'intérieur, extérieurement ravissant ; en entrant fossé avec cygnes, sur le devant jardin Renaissance, petites allées avec buis entourant les plates-bandes symétriquement découpées, montons dans le parc à gauche pour une vue d'ensemble admirable ; mais pas un arbre près du château.

        

          Azay-le-Rideau, de la Renaissance, sur l'Indre qui coule le long du château, parc très beau, demeure princière et agréable. Dans la matinée un grain, mettons la capote.
          A Chinon, patrie de Rabelais, déjeûner aux bords de la Vienne, promenade plantée d'arbres fort belle, statue de Jeanne d'Arc à cheval, celui-ci au galop a les quatre pieds en l'air, c'est un peu outré. A 2 h ½ visite des ruines des plus intéressantes. Jeanne d'Arc vient se présenter à Charles VII, on voit la tour qu'elle habita.
          Ussé, au comte de Blacas, position magnifique, parterres tout fleuris, terrasse immense, château renaissance, sauf une partie plus récente. La chapelle seule est visible.
           Langeais, château fort avec pont-levis du XVè, c'est le plus intéressant, on le visite en détail ; l'ameublement, les tentures, le carrelage, tout est d'un intérêt extrême ; appartient à Mme Siegfrid, veuve d'un sénateur faisant partie de l'Institut auquel il reviendra. Voyons les ruines du château de Cinq Mars sans descendre de l'auto.
          A celui de Luynes, au duc de ce nom, montons 135 marches pour jouir d'une vue très étendue, contempler une façade en brique de la renaissance dans une enceinte fortifiée, tour des remparts.
           Longeons à Savonnières pendant plusieurs kilomètres des habitations dans des grottes creusées dans le rocher. C'est fort curieux. Revenons enchantés de notre journée. Dans l'auto, une famille était sur le banc devant nous, composée d'une jeune femme fort gentille, de son mari, de son père et d'une personne qu'elle appelait Jeanne et qui prodiguait mille soins à son père !

Mercredi 27 Août 1919   Tours / Bourges / Montluçon / Tarare / Lyon ?   [Carte Voyage]

          Journée de chemin de fer. Quittons Tours et notre hôtel de Bordeaux à deux pas de la gare et où la nourriture était très bonne. Dès le matin déjeûner au wagon-restaurant entre Bourges et Montluçon ; voyons pendant notre heure d'arrêt Béatrix et Mithé. Grande déception, Loulou n'était pas là. Béatrix très affectueuse, prend grand intérêt à notre récit. Dîner au wagon-restaurant. Après Tarare, accident à notre locomotive, tous les voyageurs se promènent, un mécanicien travaille sous la machine, une autre arrive de Lyon pour nous prendre. Arrivée à l'hôtel de Paris et de Bordeaux avec une heure de retard, à 11 h ; nous étions partis à 6 h.

Jeudi 28 Août 1919   Montélimar

          Départ à 7 h 30 du matin. Laissons Marguerite filer jusqu'à Marseille avec Jeanne Roman. Vers 11 h à Montélimar, point d'Adèle en gare, elle n'avait pas reçu ma lettre. Mlles de Gomber et de Boissieu partiront cette nuit pour Montluçon où va se faire la retraite préparatoire à la nomination de la Supérieure générale. Adèle bien à nous, dînons avec elle rue Ste Croix.

Vendredi 29 Août 1919   Montélimar / Marseille   [Carte Voyage]

          Départ à 11 h. Adèle nous accompagne ; nous avons pu bien causer. Arrivée à 4 h. Gaby et Claire en gare, nous en sommes très touchés. Allons tous les quatre prendre des glaces chez Plauchut.

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