Séjour à la Badiane du 13 Août au 11 Septembre 1898 par Léonie Fine
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Cartes : Voyage - Environs
1898 - Carnet n°8 rédigé par Léonie Fine relatant un séjour à La Badiane (Jura) avec les Alfred
Samedi 13 Août 1898 Marseille / Orange / Lyon [Voyage] Journée de fatigues jusqu'à 5 h où nos belles-sœurs, nièces et neveux viennent passer quelques heures avec nous. Dîner le soir tous ensemble, les Alfred et nous. A 10 h ¼ nous quittons Saint Antoine par un temps splendide, nous 16, 4 domestiques et 18 colis. A 11 h ¼, partons très bien installés dans trois compartiments à couloir, les places sont désignées pour la nuit. Dans l'un Alfred, Clotilde, leurs quatre derniers enfants et Linda ; dans le second, Benjamin, Charles, Loulou, Adèle et Béatrix ; dans le 3ème, Isabelle, Gabrielle, Claire, Madeleine et les trois domestiques (Marie, Eugénie et Julienne). Dimanche 14 Août 1898 Lyon / Ambérieu / La Plaine / La Badiane [Voyage] A Lyon à 7 h. Edouard est en gare ; c'est une agréable surprise ; déjeûnons avec lui au buffet ; il nous fait promener sur les quais du Rhône, revenons sur la Saône par une mouche. En gare affluence extraordinaire. Partons à 10 h ; Edouard nous met au wagon. Quelle chaleur ! nous ne l'oublierons jamais ! Mangeons notre déjeûner acheté à Nyon, poulets excellents . Je me suis aperçue, en voulant payer, que je n'avais plus ma bourse ; elle a du m'être subtilisée en gare de Lyon ! A Ambérieu changement de train, les compartiments ne sont plus à couloir. La chaleur est accablante jusqu'à La Plaine où nous arrivons à 4 h ½. Mme Domenjoz nous fait monter dans les voitures de son mari et de son fils. Passons entre des arbres fruitiers et des prairies ; en ¾ d'heure sommes rendus. La Badiane est un riant cottage, la terrasse est petite mais bien peignée, avec une vue étendue sur la vallée du Rhône. Goûter copieux servi sur la terrasse. Installation le soir même dans notre vaste logement, c'est éreintant, nous sommes à bout de forces ! Lundi 15 Août 1898 La Badiane [Carte Environs] Grand'messe à 9 h ½, c'est dur en restant à jeun. Il fait très chaud ! Cependant l'appétit est excellent ! La terrasse, chaude le matin à cause du soleil levant auquel elle est exposée. A 2 h aux vêpres, les papas et les mamans seulement. Une petite ascension sur le plateau à 2 minutes de l'église nous permet de faire connaissance avec Mr Imbert, ancien maire, ancien sapeur ayant fait la campagne de 49 à Rome et celle de Crimée ; il a encore une superbe barbe blanche et ... 76 ans sur le dos ! Il a servi en Afrique sous Bugeaud ! Mardi 16 Août 1898 [Carte Environs] Vu la chaleur torride, restons tous dans la maison excepté Alfred qui, perché sur un des platanes, taille toutes les branches qui bornent la vue de sa chambre. Après le dîner, organisons les journées de grandes et de demi-excursions. Visite à Mr le curé. A 5 h ½, promanade de 2 h ¼ avec les enfants au bois de Ban. Clairette reprend des forces. Elle devient d'une activité extrême, le matin, elle et Madeleine font leur lit, balayent leur chambre, elles ont ensuite lavé des robes et des tabliers, ont fait je ne sais combien d'achats chez Mélanie, c'est un bonheur ! Mercredi 17 Août 1898 Dardagny [Carte Environs] [Carte] A 7 h départ à pied pour Dardagny, village à 50 mn ; très chaud en allant, heureusement que le déjeûner sur la terrasse du restaurant est charmant. Des capucines et des vignes grimpent sur les bords de la terrasse ; adossés contre la maison nous jouissons de la fraîcheur et dévorons un copieux déjeûner ! Au retour la chaleur nous accable ! nous nous promettons de ne plus recommences ces promenades matinales. Le logement est frais heureusement, car, depuis notre arrivée, nous ne pouvons sortir. A 5 h départ pour La Plaine, les méandres du Rhône délicieux ! réellement il y a des points de vue ravissants ! Allons chez nos fournisseurs, tous charmants. Il y a la douane suisse à La Plaine, on fait des misères à un voiturier pour un collier de cheval qui parait louche. La montée de ¾ d'heure est fatigante malgré l'heure avancée. Au retour le règlement est de s'asseoir sur la terrasse et l'on récite le chapelet (Coup de maillet donné à Béatrix sous l'œil). Jeudi 18 Août 1898 La Badiane / Saint-Jean-de-Gonville / La Badiane [Carte Environs] [Carte] Messse à 7 h ½ à cause d'un service pour les morts. La chaleur étant toujours accablante, nous restons dans la maison où chacun prend ses habitudes. Benjamin lit ou pompe ; Alfred plante des clous ou fait des itinéraires ; Clotilde allaite, monte, descend, donne des conseils culinaires à Marie qui se désespère ; pour mon compte, j'écris, je lis et je travaille. Isabelle s'occupe de sa correspondance et dirige celle des autres ; Gaby s'occupe de son dessert ; Charles flâne ; Loulou lit à outrance ou écrit tout un jour, gardant entre temps Juliette qu'elle aime passionnement ; Claire et Madeleine font nos commissions au village, lavent, cuisinent puis jouent avec les petits. Cette vie animée et joyeuse est charmante ! Pendant le dîner, Eugénie reçoit une lettre d'Eléonore qui parait contente ; ma bourse était restée au fond de ma poche à la campagne. A 4 h ½, les papas et les mamans partent pour St Jean-de-Gonville au pied du Jura, dans une jolie position ; en montant au-dessus du village, vue sur le Mont Blanc ! Nous reviendrons à St Jean si riant avec ses prairies et ses grands arbres. Dans le futur chemin de fer à Gex, il y aura une station à Saint Jean ; repartons par la route de Dardagny, moins jolie et plus longue. Ce bas du Jura est ravissant ! Ne sommes de retour qu'à 8 h, Clotilde et moi éreintées ! Pendant le souper, cris et rires fous à cause d'une chauve-souris, ayant tous nos serviettes sur la tête, c'est une chasse effrénée ! Les soirées sont si belles qu'on les passe volontiers dehors. Vendredi 19 Août 1898 La Badiane / Péron / La Badiane [Carte Environs] [Carte] Plus chaud que jamais, 30 degrés ! et dire que nous sommes venus à Challex pour chercher la fraîcheur ! Le soir à 5 h, départ pour Péron, très joli sentier au milieu de prairies entourées d'arbres. Décidément le bas du Jura est ravissant ; au dessus de Péron, bois magnifiques ! Au retour nous nous égarons, traversons des prairies à perte de vue ! Heureusement que nos quatre grands chantent à tue-tête, trompant la longueur du chemin. Samedi 20 Août 1898 La Badiane / La Plaine / Genève / Saint Cergues / La Plaine / La Badiane [Carte] Départ à 5 h du matin pour Saint Cergues ! Sommes réunis sur la terrasse avant le lever du soleil, aussi la descente à La Plaine est-elle délicieuse. Notre train de banlieu ayant du retard, nous appréhendons ce qui arrive, c'est le train de Nyon qui part sous notre nez à notre arrivée à Genève. Les uns prennent la chose philosophiquement, mais pas Clotilde, je ne l'ai jamais vue si courroucée, elle si patiente ! Elle s'en prend à tous les employés de la gare. Allons promener notre colère plus ou moins rentrée à la rue du Mont Blanc, et retournons à la gare prendre le train de 8 h. Villas bien gracieuses sur la route de Genève à Nyon. Trouvons notre break en gare de celle-ci. Avec une chaleur tropicale montons à St Cergues où nous arrivons à midi. Mr et Mme Auberson nous font un amical accueil. On a transformé toute notre habitation ! Un fumoir et billard est dans le rez-de-chaussée de la maison, on nous y a dressé notre table ; un garçon qui doit sortir d'une fruitière, à en juger par sa gaucherie, renverse les sauces sur la robe de Clotilde, sur les parquets, oublie ce qu'on lui demande à table ! Après dîner Mr Auberson nous mène à Monteret ; chaleur excessive pour l'aller et le retour ; de l'air à l'ombre sur la pelouse, mais la vue ne répond pas à mes désirs ! On voit le Mont Blanc, mais que de nuages ! ce n'est pas cette chaîne éclatante de blancheur sur le ciel bleu ! enfin, il faut se contenter de ce qu'on a, ça aurait pu être plus mal ! Dimanche 21 Août 1898 La Badiane [Carte Environs] Messe à 7 h dite par l'ami du curé. Correspondance et lecture. toujours chaud ! A midi apprenons la naissance de Lucie Lavielle ! Noélie très bien. Vers 5 h nos trois messieurs font un essai de promenade dans les bois et s'y perdent ! ne sachant rien faire sans nous ! Clotilde et moi menons les enfants dans une prairie ; Gaby dessine, d'autres lisent, jouent aux cartes, courent après les vaches ; petite promenade de 7 h ½ à 8 h. Nos messieurs étaient de retour depuis 7 h. Nous avons quelques essais pour rester dehors, il faisait parfois un peu d'air. Lundi 22 Août 1898 (Logras) [Carte Environs] Toujours chaleur accablante, 21 degrés ½ ; aussi occupations dans la maison : lessive, correspondance. A 10 h ½, les papas et les mamans jouent au boston (ndlr jeu de cartes) dans le salon de compagnie, il y fait relativement frais ! On erre dans le rez-de-chaussée jusqu'à 5 h. Qui lit dans la salle du lavoir, ou dans le bucher, chacun s'installe dans le coin où il croit trouver le moins de chaleur. Les papas, avec énergie, partent le soir pour Logras ; les mamans attendent la fraîcheur pour mener les enfants faire des achats chez la Mélanie, chez les sœurs ; puis halte dans une prairie ; Gaby, Charles et Loulou courent comme des malheureux ! Bonsoir au sapeur Imbert, il a été mordu à Rome jusqu'à l'os du pouce. Rentrons à 8 h ; soirée sur la terrasse ; il fait des éclairs ! peut-être sommes-nous exaucés ! Isa nous a fait faire une neuvaine dans la journée à la Vierge de la terrasse pour obtenir la pluie. Mardi 23 Août 1898 La Badiane / Collonges-Fort l'Ecluse / Challex / La Badiane [Carte] Temps couvert et relativement frais, 24° ! Aussi pour la première fois nous installons-nous dehors ! De 10 h ½ à midi sous le balcon, nous jouons au boston, pendant que les enfants travaillent, lisent ou s'amusent; il tombe quelques gouttes ! c'est charmant. Vu ce temps égréable, nous décidons à table de faire une excursion d'une ½ journée. Partons tous les 10 à 1 h pour prendre le train. Comme il fait chaud et que le ciel parait se dévoiler, nous prenons nos places pour Sans-Villard afin de gagner Collonges à pied et de là Challex. Arrêt à 10 mn de la gare dans une prairie avec vue superbe ! Nous sommes tout près de l'écluse. Là halte délicieuse, nous avons reçu 11 lettres, il faut en faire la lecture, ce qui est fort intéressant, si intéressant qu'une femme et son gamin de fils viennent se planter devant nous pour écouter les nouvelles ! Nous n'avons d'autre moyen de la faire partir que de faire tous semblant de dormir ! Lettres de la chère Mme de Bony, de Jane Pichard, etc. Collonges dans une très jolie position au pied du Grand Credo, presque à l'échancrure du fort de l'Ecluse ; aussi les habitants nous disent avoir un courant d'air continuel qui les préserve des épidémies ! Il est 4 h, le soleil se couche derrière le Grand Credo. Nous buvons chez la boulancère une eau délicieuse, puis allons goûter au bord de la route ; cette partie du Jura très boisée. A Farges, église fermée! Visitons le parc du château à vendre ! château si triste que personne ne le désire, excepté Charles qui l'accepterait si on le lui donnait ! Nous buvons une eau fort limpide à une fontaine. puis en marche, droit sur Challex que nous devons atteindre en 1 h ½ ; haltes toutes les demie-heures, c'est une chose réglée. A la première, écho contre le mur d'une maison, épuisons tout notre répertoire ! Un manœuvre travaillant au futur chemin de fer de Gex en est stupéfait ! Mercredi 24 Août 1898 La Badiane / La Plaine / Genève / Bellevue / Genève / La Plaine / La Badiane [Carte] Je me lève toute lasse de ma promenade d'hier, quand, par la fenêtre, on me dit qu'Alfred veut me parler de la sienne. Je parais et voilà qu'il m'annonce que, vu la fraîcheur et le temps couvert, il lui paraitrait fort opportun d'aller à Genève avec tous les enfants. Ce plan adopté, c'est un branle-bas général ; d'abord tous nous descendons en costume léger boire notre chocolat ou notre café au lait afin d'attendre 10 h. A ce moment-là tous à table, au salon comme à la cuisine ; on ne change ni assiettes, ni couverts ; ceux-ci et les verres resteront en place pour le soir. A 11 h, départ à pied pour La Plaine. A midi partons en chemin de fer ; temps couvert, c'est délicieux. En bateau à 2 h ; traversée charmante jusqu'à Bellevue et vice-versa. De 3 h à 5 h ½ achats fantaisistes après un copieux goûter. Chacun court, achète, furète, on se rejoint, on se sépare pour se retrouver à 5 h ½, tous en gare ! en wagon on se montre ses emplettes, on les étale ! Jeudi 25 Août 1898 La Badiane / Chaney / Avully / La Plaine / La Badiane [Carte Environs] Notre vie est charmante ! Maintenant qu'il fait frais nous nous insatallons sur la terrasse, on lit, on travaille, on cause, les grands se déguisent, Charles et Gaby font Lucien et Marguerite. Beuf ! A 4 h ½ partons à pied pour Chancy ; nous nous égarons comme toujours, ces bois nous font toujours tromper ! Passons le pont sur le Rhône bien plus loin que Chancy, joli point de vue. Chancy est suisse et protestant, très propre ! La route, laide jusqu'à Avully, bien situé ; château avec le parc coupé par le chemin avec vue plongeante sur le Rhône. Jolie route jusqu'à La Plaine. Là remontons en voiture tous, excepté Alfred qui remonte à pied. Vendredi 26 Août 1898 La Badiane / La Plaine / Bellegarde (sur Valserine) / Nantua / La Badiane [Carte] Temps couvert, partons à 8 h ½ pour La Plaine allant prendre le chemin de fer, nous allons à Nantua. Nous ne partons qu'avec nos quatre grands ; aussi laissons-nous à Claire et à Madeleine des occupations multiples pour les distraire dans la journée. Samedi 27 Août 1898 La Badiane Russin Dardagny [Carte Environs] Journée de repos après quatre jours de marche ou d'excursions, c'était nécessaire ! On vaque aux soins du ménage, lessive à repriser, à renfermer, longue correspondance. Le temps est beau, chaud, nous faisons bien de ne pas bouger. Que nous sommes bien sur la terrasse ! nous y lisons avec plaisir !!! Enfin le facteur nous apporte un nombreux courrier ! Les Coirard viendront demain. Nos messieurs, marcheurs infatigables, partent à 4 h pour La Plaine, Russin et Dardagny. Nous préférons rester sur la terrasse ; plus tard nous allons chez la Mélanie, chez les Sœurs, charmantes, puis sur le plateau, nous nous asseyons. Il y vite frais, obligés de revenir, courants d'air chaud et frais selon les endroits. Chapelet sur la terrasse au clair de lune avant souper, l'air est sec à La Badiane. Nous avons télégraphié aux Coirard de venir à la messe de Challex. Dimanche 28 Août 1898 La Badiane [Carte Environs] Alfred et Benjamin vont à la gare à La Plaine, attendre Paul, Isabelle et Louis Coirard. Ils arrivent à 9 h ; causons sur la terrasse avec animation. A la grand'messe à 9 h ½, tous ensemble. En sortant de l'église, faisons un tour sur le plateau pour que les Coirard puissent se rendre compte de la position de Challex. A La Badiane, sur la terrasse, continuation de la narration du voyage des Coirard. Déjeûner animé ; café au salon, puis visite intéressante de la maison. On s'assied sur le balcon à cause de quelques gouttes de pluie ; elle devient si forte que les Coirard qui ne devaient partir qu'à 7 h, s'en vont à 4 ! C'est prudent, il pleut beaucoup et le ciel est gris uniforme ! Hélàs ! Regrets ! Lundi 29 Août 1898 La Plaine / Genève / St Julien (en-Genevois, France) / Bellegarde (sur-Valserine) / La Plaine [Carte] Malgré le ciel si sombre hier soir, ce matin soleil radieux ! Aussi du balcon de Loulou j'appelle Alfred qui se lève dans sa chambre pour savoir notre sort pour la journée ; il décide d'aller à St Julien ; aussi, comme il faut déjeûner à 11 h, descendons tous en costume léger, avaler notre 1er déjeûner au saut du lit, ce qui forme un tableau assez bizarre ! Temps splendide, mais air vif sur la terrasse. Regrettons, vu le temps si net, de n'avoir pas pris notre direction sur le Salève. Mardi 30 Août 1898 La Plaine / Genève / Veyrier / Treize Arbres / Genève / Cartigny / La Plaine [Carte] Déjeûnons encore en costume léger à 7 h ½, parce qu'à 10 h a lieu le second, déjeûnons parce que nous partons à 11 h pour le Salève ; il y a bien quelques nuages mais le temps est clair ; d'ailleurs nous apercevons le Mont Blanc dans le trajet à Genève et nous décidons qu'il est suffisamment clair pour monter au Salève ! De la gare de Genève courons au tramway qui nous mène à la place Molard, de là à pied, en courant, au Cours de Rive où nous prenons le chemin de fer de Veyrier. Jolies villas le long de la route. A Veyrier, prenons le chemin de fer à crémaillère. Montée rès raide entre le Petit et le Grand Salève, passe la route ; arrivons aux Treize Arbres à 2 h. Belle vue sur les Alpes malgré quelques légers nuages. Les Voirons, le Mole, semblent tout près de nous. Vue très plongeante sur Genève et le lac ainsi que sur la vallée de Bonneville. Les jeunes gens prennent des photographies. Goûter sur la terrasse des Treize Arbres. Mercredi 31 Août 1898 (Pougny) [Carte Environs] Journée délicieuse à La Badiane. Le temps est superbe, assez chaud, la terrasse a des charmes incomparables ! on s'isole si on veut lire dans l'allée de la balançoire, au haut ou au bas de la prairie. Nos messieurs vont voir le curé qui leur apprend que Mgr Depery grand'oncle des Dlles Huguenot est à La Badiane dans la chambre de l'évêque et plusieurs autres choses intéressantes. Après une partie de Boston au salon de compagnie, nous nous installons dans le haut de la prairie où nous sommes admirablement. Alfred et Benjamin voulant aller à Pougny, nous les accompagnons jusqu'au bois sur la lisière duquel nous nous asseyons ; Isabelle nous lit le fond et la forme ; pendant ce temps, les enfants cueillent des noisettes. Le vent s'élève, si violent qu'il nous faut chercher un abri sur la pente d'une prairie. Elle devient le théâtre d'une glissade générale. Qui veut remonter dégringole, on veut sauver celle qui est dans le bas, on y glisse soi-même ! Ce sont des rires fous ! Nous croyons ne plus pouvoir sortir de cet abîme peu profond. Jeudi 1er Septembre 1898 La Badiane [Carte Environs] Ce matin, Alfred, Charles et Loulou vont attendre à La Plaine Jean et Thérèse arrivant de Genève. Ils nous racontent leur voyage à Solesmes et à Paris ; nous parlons beaucoup de Mimy et de Jeanne. Mais ce qui nous fait une peine extrême, c'est l'état de Mme Estrangin ; samedi on doit l'opérer ; c'est le docteur Bourget qui la voit ; il parait que l'estomac ne communique plus avec l'intestin, on va refaire une communication entre les deux ! pauvre dame ! comme nous sommes peu de chose ! nous leur faisons visiter la maison puis causons sur la terrasse jusqu'au dîner. Jean pas très bien, il a encore de ces accès de fièvre. Vendredi 2 Septembre 1898 Pour Benjamin, Alfred, Charles : La Plaine-Satigny-Thoiry-St Jean de Gonville et Messe à 7 h seulement à cause du 1er vendredi du mois, aussi y allons-nous. Lessive, occupation peu poétique. Vers les 11 h, mes belles-sœurs nous rejoignent sur la terrasse. A dîner, recevons le courrier, nous apprenons la mort de Mr Gabriel Gautier ; quel malheur pour cette famille ! Samedi 3 Septembre 1898 La Badiane / Bellegarde / Chézery [Carte] A 9 h ½, partons tous les 10 avec Emilie et Coralie, par le train pour Bellegarde ; y trouvons deux breaks nous attendant pour notre excursion à Chézery. Mettons 2 h ½ pour nous y rendre, en suivant la Valserine, traversant un ou deux villages ; dans l'un d'eux joli couvent de sœurs ayant hospice pour les vieillards, orphelinat pour la jeunesse. Chézery est bien placé dans un joli site, entouré de montagnes Après un copieux dîner fait à 1 h ½ à notre arrivée avec lièvre etc., car le gibier abonde, nous prenons chacun une direction différente pour une petite promenade. Avec Coralie et Madeleine, assises à l'ombre sur le versant de la montagne, jouissons d'un très joli point de vue, prairies entourées de grands arbres, bois ! Avec la lorgnette suivons Alfred et Benjamin se promenant sur la montagne en face de la nôtre, Clotilde errant dans le village, Loulou servant de cicerone à Emilie, Gaby et Charles longeant la Valserine, etc. Vers 4 heures, départ après une visite à la vieille et laide église possédant des reliques de Ste Rolande. Dimanche 4 Septembre 1898 Greny/St-Jean-de-Gonville/Fénières/Thoiry/Allemogne/St Genis-Pouilly/Greny [Carte] Grande correspondance interrmpue par la grand'messeà 9 h ½. Emilie et Coralie s'installent sur la terrasse, dînent avec nous, viennent à vêpres à 2 h. A 4 heures, on forme quatre groupes ; Isa et Loulou n'iront pas plus loin qu'une prairie, elle veulent goûter du repos! Les trois petits vont avec leur bonne chez les Sœurs. Alfred, Clotilde, Benjamin, Charles, Gaby et Madeleine doivent aller à pied à Fenières, tandis qu'Emilie, Cora, Claire, Adèle, Béatrix, Marie-Clotilde et moi partons en voiture pour la plus jolie course qu'on puisse imaginer. Nous partons par Greny pour la jolie petite route au pied du Jura, traversant St Jean de Gonville, Fénières, Allemogne ; dans ces deux villages voyons des vaches dans l'eau à mi-jambes, on les fait boire ainsi dans de grands bassins. A Thoiry descendons devant l'Hôtel de Ville, lorgnons le Mont Blanc d'une pureté incomparable. L'Aiguille Verte visible jusqu'à la base est malheureusement dans la brume ainsi que la chaîne du Mont Blanc ! Quelle vue admirables si le temps était clair ! Allons jusqu'à Saint-Genis-Pouilly. Trois routes, l'une menant à Gex, l'autre à Genève, nous prenons la 3ème, celle de Collonges, en droite ligne pendant 30 kilomètres ! A Greny laissons la voiture aux promeneurs et revenons à pied, enchantés de notre tournée ! Lundi 5 Septembre 1898 La Badiane / Genève / Ouchy / Vevey / Genève / La Badiane [Carte] Lever à 4 heures tous les huit. Nous allons prendre le train à 6 h pour Genève. C'est le jour où nous allons à Vevey. Le temps, très clair sur les Alpes, est si sombre sur le Grand Credo que nous partons tous avec ombrelles et parapluies. Laissons ceux-ci chez les Domenjoz. Quelques courses avant le départ de 8 h 15 à Genève. Brume très forte, ne voyons que la cote suisse. A Ouchy ni Jean, ni Thérèse. Qui sait si Mme Estrangin opérée avant-hier n'est plus souffrante ? Mardi 6 Septembre 1898 La Badiane [Carte Environs] La chaleur revient, 25 degrés au milieu du jour ; aussi correspondance et travail, la plupart du temps dans la maison ; Emilie et Coralie qui sont avec nous, font avec nos grandes un essai infructueux pour se confesser, le curé a dîné dehors. La Domenjoz vient dans le petit salon pour les dernières commissions, elle nous apprend qu'elle a eu la même nourrice que son mari. A 5 h ½ descendons à travers bois et prairies sur un point élevé au dessus du Rhône. Ce poste avancé est délicieux ! Nous nous y installons ! Que la vue est belle ! des vaches paissent dans des prairies ! comme cette vie champêtre est agréable ! au retour, grand bal ! avec accompagnement de piano, tous les enfants dansent valses et polkas depuis Isa jusqu'à Juliette ! c'est une frénésie ! Mercredi 7 Septembre 1898 La Badiane / Genève / Ferney / Gex / Col de la Faucille / Genève / La Badiane [Carte] Départ à 8 h de La Plaine nous dix avec Emilie et Coralie. C'est l'excursion de la famille qui nous fait aller à Genève. Le Mont Blanc apparait, mais toujours avec des nuages dérobant la chaîne des glaciers qui l'environnent ! C'est fâcheux ! Alfred et Clotilde eussent tant joui ! Nous n'arrivons qu'à 1 h, après une course de 4 h ½ ; nous plaignons nos trois chevaux qui soufflent de façon à nous rappeler Julie, la femme de chambre de mes belles- sœurs . Petite promenade en attendant le déjeûner ; nous mourons de faim et ne sommes cependant à table qu'à 2 h moins ¼. On nous installe, vu le nombre des voyageurs, dans une immense salle basse où nous avons beaucoup plus frais ! Chacun croque son pain à belles dents avec de minuscules tranches de melon ! Nous retrouvons là une jeune femme de Challex, toute dévouée aux Huguenots ! Jeudi 8 Septembre 1898 La Badiane Péron [Carte Environs] La messe devant être à l'heure ordinaire, on est sur pieds à 5 h ½ pour être à l'église à 6 h ¼ ; vu les confessions des fillettes et de beaucoup d'autres, la messe n'a lieu qu'à 7 h. Il fait si chaud (27 degrés) que l'on s'installe aux endroits les plus frais !J'aime bien lire la vie du cardinal Guibert à l'écart entre les deux haies. Emilie et Benjamin viennent lire à mes côtés, les enfants s'amusent, Alfred fait le plan de la maison sur la terrasse. Vendredi 9 Septembre 1898 La Badiane Vu le nettotage en grand de la salle à manger, on a dressé sur la terrasse trois ou quatre petites tables et nous déjeûnons là ! C'est si joli que Gabrielle nous prend en photographie. Hélàs, la partie poétique est terminée et il faut se mettre à faire les malles, à ranger la maison ! l'ordre y était si parfait à notre arrivée ! Branle-bas l'après-midi pour l'expédition de nos 19 colis ! Mme Demenjoz, Mme Reiler, Mme Marot, chacune vient régler ses comptes et faire les plus gracieux adieux ! Vu le lever matinal de demain, on se couche de bonne heure. Samedi 10 Septembre 1898 La Badiane / Bellegarde / Ambérieu / Lyon [Voyage] Lever à 4 h du matin, excepté les jeunes enfants qui ne sortent de leur lit qu'une heure plus tard. Chacun fait diligence, on va, on vient, on frotte, on balaye et, à 6 h, nous voilà installés dans les deux voitures excepté les messieurs et les domestiques qui descendent à pied à La Plaine. Déjeûner en gare avec d'excellents petits pains de La Golay. Dimanche 11 Septembre 1898 Lyon / Marseille / Saint-Antoine [Voyage] Nuit réparatrice en général. On est content et satisfait. Un brin de toilette à partir de Rognac. Arrivons exactement , vers 7 h. Tandis que les jeunes enfants et les domestiques prennent immédiatement le tram pour St Antoine, allons nous réconforter au buffet de la gare par un bon déjeûner ! Les Alfred vont à la messe de 8 h à la Mission et nous chez nos belles- sœurs qui, avec Marthe Thiollière, venaient d'arriver de Lyon par le train de 11 h 25. Messe à 8 h à St Théodore, nous nous rejoignons en gare. Arrivée à St Antoine à 9 h ½. Albert et Xavier, excellents neveux, nous attendent là avec leur voiture. Reprenons possession de notre chère campagne dont les douceurs ne nous feront cependant pas perdre le souvenir de la délicieuse Badiane et des jours heureux que nous y avons coulés ! |