La vie de Thérèse Fine-Estrangin (1869-1946) Ecrit de sa sœur Jeanne Fine |
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Thérèse est une sœur de Xavier Fine (1876-1962). |
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Née le 11 Octobre 1869, élevée au Sacré Cœur, elle partagea ensuite notre chère vie de famille, aimant la lecture, la peinture, les réunions chez ses amis, le soin des pauvres aussi, allant en visiter des familles, faisant partie de la société des Dames de St Vincent de Paul. Elle eût même quelques velléités de se faire missionnaire, et alla je crois, secrètement en conférer à un Supérieur le Révérend Père Jouët, avec lequel nous avons déjeuné à St Joseph du Cabot (chez Mr Rey) et qui nous avait longuement entretenu de ses missions chez les sauvages. Mais ce ne fut qu’une velléité, et elle accepta, non sans hésitation, un mariage avec Jean Estrangin avec la perspective de le suivre aux Colonies où l’appelait sa situation aux Messageries Maritimes. Ce fut pour elle le commencement de bien des souffrances, et elle s’en aperçut vite. Jean, intelligent, bien élevé, d’une très bonne famille, n’avait pas gagné dans l’atmosphère libre et souvent immorale de la vie aux Colonies : il était bon cependant au fond, généreux, rendant volontiers service aux missionnaires, aux bonnes sœurs, mais égoïste, jouisseur, léger. Sa mère, une Sainte et héroïque femme, avait espéré le fixer dans le bon chemin par un mariage sérieux. Djibouti, Aden, Bombay, Colombo… Au début, Thérèse qui savait son devoir d’épouse chrétienne, tâche de s’adapter à ses goûts, de partager ses plaisirs, sa vie mondaine, ses voyages, etc. Elle le suivit d’abord à Djibouti puis dans les Indes revenant tous les 9 ans en principe. Très artiste, elle s’intéressait avec intelligence aux différents pays où elle passait, aux mœurs, à leur religion, aux arts si raffinés parfois : elle assista au Japon à la merveilleuse fête des Chrysanthèmes où l’empereur et toute sa cour prit part. Les magnificences du Ciel d’Orient aux vives couleurs, la nature grandiose des Indes la ravissaient, et elle nous en écrivait ses enthousiasmes en des lettres fort intéressantes, mais que nous avons détruites avec tous les déménagements de l’exil. Ce fut dans ce voyage au Japon en 1909 qu’elle apprit par un journal la mort de Lily (Amélie). Le capitaine et les officiers du bord l’ayant su, vinrent lui serrer la main, car notre Thérèse se créait des sympathies partout. C’est ainsi qu’à Ceylan, une sorte de Crésus qui possédait en domaine presque toute l’île, prenait un plaisir extrême à causer avec elle : religion, politique, si bien qu’il lui proposa de lui laisser une partie de sa fortune dont il ne savait que faire, après avoir largement pourvu ses enfants ! Ce que Thérèse refusa bien entendu ! Dans la suite il lui envoya quelques chèques qu’elle employa en aumônes. Le sentiment qu’elle éprouvait étant chez lui, athée, de prier Dieu plus intensément. (Mr Van der Porter, sa fille Emilie fit du bien promettant je crois, de la suivre : je voudrais tant avoir une religion ! Thérèse ne put la suivre malheureusement.) Cette vie de Colonie, où elle cherchait à s’étourdir, la laissait malheureuse ; sans jamais oublier ses devoirs religieux, elle les négligeait un peu, par la force des choses, et plus tard elle regarda avec regret ces années comme un temps de dissipation… se reprochant de n’avoir pris aucun souci de l’âme de ses domestiques, la plupart musulmans. A son dernier retour en France, elle jeta un soir par le hublot de la cabine, sa robe de mariée convertie en robe de bal, la regardant flotter quelques temps sur les flots au milieu de la nuit, puis s’y engouffrant…image de son bonheur. Les Congés Jean et Thérèse revinrent deux ou trois fois en congés, et les passèrent joyeusement en famille à la Sumiane, et si simplement que maman ne connut jamais la souffrance qui se dissimulait sous des dehors si simples, si joyeux et si aimables. Le cœur extrêmement délicat de Thérèse n’aurait jamais voulu l’attrister par une pareille confidence, et une légitime fierté de caractère, ne permettait à personne de la soupçonner. Cette pudeur de la souffrance elle la conservera toute sa vie, ne s’ouvrant un peu sur son intérieur qu’en ses dernières années, avec ses sœurs moniales, et quelques religieuses amies. Une ou deux fois elle revint seule et ne voulut jamais prolonger son séjour sans en dire la cause (elle savait trop bien à quoi se laissait entraîner son mari pendant ce temps) et le sentiment du devoir la rappelait malgré la douceur du foyer familial. Elle se trouvait heureusement à la Sumiane depuis un mois à peine lors de la mort si soudaine de notre chère maman dans ses bras en1910. C’était pour elle, qui en avait tant besoin, une grande affection qui disparaissait. Maman était la Providence de la lointaine enfant, lui envoyant tout ce dont elle pouvait avoir besoin, la tenant au courant de tout ce qui pouvait l’intéresser. Thérèse eût à peine le temps de lui faire baiser le crucifix. Marthe recueille chez elle Thérèse et Jean pendant l’hiver ainsi que Paulette qui finit l’hiver chez Noélie (voyage de Thérèse et Paulette à la fin de septembre). C’est justement à ce moment là qu’ils reviennent à Marseille. Retour à Marseille Je ne me souviens plus de l’époque à laquelle, Jean ayant un poste à Marseille, ils vinrent s’y fixer définitivement, et louèrent un étage qui prit un aspect original agrémenté de tous les bibelots, meubles, curiosités rapportées des Colonies. Mais Jean n’étant plus tenu par le respect qu’il avait pour maman, devint de plus en plus maussade, lui avouant même qu’il ne l’avait épousé que par condescendance pour sa mère. (Les rapports allèrent toujours plus mal jusqu’à amener le divorce demande, malgré elle, par Jean en 1919) La guerre de 1914 Thérèse qui avait un besoin inné de dévouement, s’engage dans la Croix Rouge, et pendant les quatre années de cette guerre, elle se dévoua sans compter aux soins des blessés dans l’Est. Tous l’aimaient, lui confiaient leurs peines, la voulaient auprès d’eux, tel ce petit soldat auquel on devait faire une opération des plus douloureuses sans pouvoir l’endormir et qui la supplia de lui tenir la main durant tout le temps pour lui donner du courage. La chère infirmière avait un bon mot pour remonter le moral, plaisanter…et quand elle le pouvait, glisser un mot du bon Dieu et de leur âme. Quand cela prenait elle allait vite avertir l’aumônier afin de battre le fer tandis qu’il était chaud. Elle travailla ainsi avec un prêtre infirmier (Mr Devred) qu’elle revit plus tard Evêque de Taïkou en Corée, elle alla ainsi dans le Nord, dans la Ruhr et jusqu’à Salonique sur un bateau hôpital, le Lafayette, pour ramener des blessés d’Orient. Elle s’y trouva avec Mr de Clapiers et Melle Charasse, sainte et dévouée, avec laquelle elle lia une sainte et profonde amitié. La beauté et les mirifiques aspects du ciel d’Orient la ravissaient. Son âme chaude et très patriotique vibrait à tous les évènements de la chère Patrie. En octobre 1919 elle était à Bruyères dans les Vosges d’où elle nous envoyait une carte représentant un défilé de prisonniers allemands. Elle ajoutait : « Ces temps-ci nous avons moins de travail, c’est l’autre front qui donne et qui fait des prouesses : les communiqués sont excellents et on se sent plein de joie et d’espérance. Henry (Durand) a du se trouver au bon endroit…que le bon Dieu veille sur lui. Marthe a l’air toute chavirée de voir son grand fils si vite devenir homme et s’échapper pour courir au danger. Maurice en meurt d’envie aussi ; il n’y a plus d’enfants, c’est le cas de le dire ! Ils se mêlent d’être des héros, tout comme ces vieux troupiers, sous les armes depuis 15 mois. » « Il commence à faire froid, et le bruit du canon, la pluie nous font grande pitié pour nos pauvres soldats dans les tranchées ! Un Prêtre de passage ici nous disait que les martyrs n’avaient quelque fois pas plus souffert qu’eux. Il est resté 10 mois dans les tranchées avec les troupes. Une partie de notre équipe va aller à Gabaviller, village massacré par les allemands, il y a des tranchées à voir …et la Sœur Julie, la fameuse Sœur Julie qui tient tête aux Allemands et a été décoré de la Légion d’Honneur …Nous voilà au dernier mois de notre séjour ici…si on me priait d’accepter un autre poste, je crois que je l’accepterai. C’est bien le moins si on peut être utile actuellement de ne pas refuser son concours. » (Je crois qu’elle a été envoyée dans le nord de la Ruhr) Quelques notes récapitulatives en marge : 1915 Au Maroc soigne blessés, revient pour Noël 1919 Jean Estrangin demande le divorce, contre l'avis de Thérèse 1922 Ste Cécile, Novice le 22 novembre 1922 1923 Mai revient à Solesmes Professe Oblate (le jour où est prononcé son divorce) 1927-28 Sidi Saad sûrement, 1929 Mort de tante Léonie 1930 Mort de l'oncle Benjamin 1932 Part pour l’Inde 1922 Année qui marque une vraie étape dans la vie de notre sœur C’était l’époque qui vit notre retour d’exil à Solesmes. Le cher monastère confisqué, devenu hôpital, lieu de refuge, avait grandement souffert, comme un grand blessé, des années de guerre. Il était à refaire, à nettoyer. Notre Abbesse y envoya, pour s’occuper des réparations, sa Cellérière Mère Antoinette de Nathaire, avec Mère Marthe. Le monastère était inhabitable. Elles s’installèrent dans une petite maison du bourg qui nous appartenait, sous le nom de Ste Cécile la petite. Mère Marthe eut alors la pensée de demander à Thérèse de venir les aider, ce que notre Mère approuva de bon cœur. Celle-ci toujours prête à tous les dévouements, accourut aussitôt, logeait avec elles, et pendant des semaines prit sur elle toutes les corvées ; courses à table, achats de tout les objets, raccommodages, etc. Elle fut surtout précieuse comme infirmière de Mère Antoinette qui tomba assez gravement malade, à moitié paralysée, et qu’elle soigna nuits et jours avec autant d’affection que de savoir faire…Si bien que Mère Antoinette la surnomma : Théodora (Don de Dieu) surnom qui lui resta toujours à Ste Cécile. Le Seigneur l’attendait là pour la récompenser de tous ses dévouements, car ce séjour en terre monastique fut pour elle le départ d’une vie nouvelle, toute surnaturelle. Les moines de St Pierre avaient, comme nous, réintégré leur monastère, et les belles Cérémonies s’y développaient de nouveau. Le Révérend P.A.D. Capien fut pour elle d’une extrême bonté, la conseillant, s’intéressant à son âme, et lui ouvrant des horizons nouveaux où elle ne fit que progresser, en sorte que ces mois passés en terre monastique sous cette forte direction, dans une atmosphère pleinement surnaturelle et doctrinale, transformèrent son âme naturellement élevée. Elle semblait se retrouver dans une patrie perdue. Elle partagea ainsi notre vie jusqu’à la fin d’octobre, où elle nous quitta à regret les yeux pleins de larmes pour retourner dans ce monde qui ne lui avait donné qu’amertume et déception. De cette époque s’établit entre nous une vraie et surnaturelle intimité entretenue par des lettres fréquentes, et des séjours de chaque année à Solesmes, qui était devenue pour elle, une seconde patrie. Elle voulut même s’agréger à la grande famille monastique comme oblate de St Benoît. Le Père Abbé accéda de grand cœur à ce désir, et lui donna rendez-vous pour son Oblélion à Rome où il devait se rendre au mois de novembre. 1923 Thérèse s’y rendit de son coté (tandis qu’à Marseille on lui demandait quelle originalité de vouloir ce voyage en plein hiver : Thérèse n’ayant pas livré la raison). La petite Cérémonie d’oblature se fit donc dans la Crypte de Ste Cécile à peine éclairée ; après la messe du P.A. Mère l’Abbesse offrit ensuite au P.A. et à la nouvelle oblate, un petit déjeuner au Parloir, où elle vint féliciter Thérèse et lui donner une petite relique de Ste Cécile. Cette scène presque nocturne et un peu mystérieuse, lui laissa un parfum délicieux, et elle aimait en rappeler le souvenir au P.A. dans ses visites à Solesmes. De notre retour à Solesmes, des grâces qu’elle y avait reçues, Thérèse voulut dans la suite en laisser un témoignage de reconnaissance, et dans un de ses pèlerinages à Lourdes, elle fit mettre dans l’Eglise du Rosaire une plaque avec l’inscription : « Deo gracias et Marie pro felici redibu 1922 ». A Ste Cécile elle voulut aussi laisser un souvenir de son heureux séjour et offrit le grand Christ de bronze de notre Calvaire, au jardin. A Marseille Thérèse reprit sa vie solitaire, tempérée cependant par l’affection et le voisinage de l’oncle Benjamin et de tante Léonie, car elle s’était installée au 3ème étage de leur maison du Bd du Nord ; elle prenait ses repas avec eux, leur rendait tous les services possibles, et était pour eux comme une fille aimée. Elle ne voulut jamais faire partie de n’importe quelle société de Dames de charité, Patronnesses ou autres, trouvant que leur réunion n’était qu’une occasion de bavarder, de prendre un thé ensemble, mais sa charité de déversa en toutes les occasions que lui fournirent les bonnes Providences et qui ne manquèrent jamais. Nous en citons seulement quelques exemples, la plupart restant connus de Dieu seul, car c’était une de ses caractéristiques de dissimuler ce qu’elle faisait de mieux. Elle fut un soir abordée par une jeune femme qui portait un enfant dans ses bras et en avait deux autres à ses côtés et qui lui demanda si le tramway qui passait devant elle conduisait bien à l’Assistance Publique. "Oui, lui dit Thérèse, mais qu’allez-vous faire là ?" "Je vais y conduire mes enfants car je ne peux plus les nourrir." L’Assistance Publique c’était probablement la perte de l’âme de ces enfants. Thérèse lui dit qu’il ne fallait pas les abandonner ainsi et qu’elle allait tâcher de l’aider. Elle prit son adresse lui donna de quoi acheter un bon souper et la renvoya chez elle. Le lendemain elle s’y rendit dans la pauvre maison, s’enquit auprès de ses voisins de la conduite de cette pauvre femme abandonnée par son mari, honnête mais dans la misère. En effet elle la trouva en train de cuire des pommes de terre (sans sel, qu’elle n’avait pas), pour leur repas. Les enfants étaient beaux, pleins de vie, quoique nourris la plupart du temps par les détritus ramassés dans les rues. Thérèse s’arrange pour la loger dans un appartement plus salubre, donne des meubles, de l’argent, plaça les enfants dans des orphelinats, trouva du travail pour la mère. Et en somme sauve cette pauvre famille et qui lui voue, mère et enfants, dont elle ne cesse de s’occuper, une reconnaissance profonde. Une autre fois c’était à Paris, où elle aimait faire quelques séjours au « Foyer des Infirmières » en revenant de Solesmes. Elle s’intéressait beaucoup à la banlieue rouge et allait quelques fois s’y aventurer. Un jour elle vit à la porte d’un misérable réduit, une fillette à l’air intéressant. Elle entre, trouve la mère, s’informe délicatement de leur existence…C’était une chiffonnière qui gagnait pas mal son existence en allant chiffonner à Paris sur les tas de détritus ! Mais la voiture trop vieille s’était cassée, la pauvre haridelle avait crevé, -le père était en prison, bonne délivrance pour quelques mois où il ne battrait plus sa femme-, mais c’était tout de même la misère ! L’enfant gentille aurait bien voulu faire sa première Communion !... mais !... Thérèse encourage, dit quelques bonnes paroles, engage à aller voir Mr le Curé…puis elle y va elle-même seule et lui remet une somme de 900frs pour racheter un petit équipage qui permettait de reprendre le lucratif métier ; en s’effaçant elle-même, pour laisser venir le secours par le Curé, elle pensait lui rattacher quelques peu ses ouailles. Naturellement elle ne sût jamais ce qui était advenu à ses protégées de rencontre. Elle passait ainsi, semant le bien autant qu’elle pouvait, mais selon le conseil évangélique : la main gauche ignorant ce que donnait la main droite. Une autre fois ce fut des parents pauvres de son mari qu’elle secourut aussi délicatement. Elle avait à Toulon une nièce, fille de son beau-frère Nicolas, qui avait fait un mariage au dessous de sa position. Elle vivait avec sa fille –une charmante jeune femme-, dont le mari sous officier de marine était mort à la guerre, noyé avec son navire, la laissant veuve avec une fillette. Thérèse, qui les voyait très rarement, trouve le moyen de leur porter quelques ressources, sans les blesser. Elle avait de Jean, quelques milliers de francs, qu'il lui avait prêter dans je ne sais quelle occasion. C’était bien à elle puisque Jean l’avait laissée son héritière dans son testament fait aux Indes (Héritage dont elle ne toucha pas un centime). Elle mit ses billets dans sa sacoche et partit pour Toulon voir ses nièces, on causa affectueusement, puis au moment de se retirer, Thérèse leur dit incidemment : «- Je vous ai porté quelques billets de mille francs (10 mille je crois), qui appartenaient à Jean, ils sont à vous…et pourront vous rendre service pour le trousseau de votre petite fille », et ce disant, elle dépose sur la table la lourde enveloppe. Ebahissement des deux nièces, qui ne sachant comment remercier restaient muettes et ne trouvaient rien à dire, se levèrent et vinrent l’embrasser. Charités spirituelles A Marseille, notre sœur se lie de grande amitié avec les Petites Soeurs de l’Assomption, qui habitaient un immeuble avec Chapelle, rue de la Loubière (immeuble qui avait fait partie de la dot de maman). Elle avait là une amie de jeunesse et qui le fut toujours : Marie-Antoinette de Gissac, qui l’intéresse à ses œuvres, et lui fit faire la connaissance de sa Supérieure, Soeur Marie du S.R, une grande et sainte religieuse, avec laquelle elle se lia d’une profonde amitié ; cette bonne Mère ayant découvert tout ce qu’il y avait de surnaturel, de délicatesse, de profondeur, dans l’âme de notre soeur s’attacha à elle par une vraie et tendre affection, et lui fit je crois beaucoup de bien. Thérèse de son coté l’aimait de tout son cœur, lui confiait ses peines, et s’appuyait volontiers sur son amitié, et avait une vraie joie à lui prêter tous ses trésors spirituels rapportés de Solesmes : les Commentaires des Evangiles par D. Delatte, le livre de l’Oraison de Mère Cécile, etc. La Sainte religieuse s’en délectait, déclarant qu’elle n’avait jamais rencontré une doctrine qui réponde si parfaitement à sa pensée, que celle de D. Delatte. Les petites Sœurs qui se succédèrent dans les deux maisons de Marseille restèrent très attachées à Thérèse, qu’elles considéraient comme une bienfaitrice et, après sa mort, elles vinrent fidèlement l’entourer de leurs prières. Missionnaire Ce fut je crois après la guerre de (1919 ?) que Thérèse n’ayant plus à assurer son dévouement dans les hôpitaux auprès des blessés, songeait aux missions lointaines. Dès sa jeunesse elle avait été attirée de ce côté, et les attirances revenant, elle s’offrit comme aide aux Missionnaires de Marie Immaculée et partit pour les Indes en 1922, dans une de leurs maisons à Kumbalie puis à Bangalore. Elle y resta quelques années, partageant leurs travaux, soignant les malades au dispensaire, baptisant de nombreux enfants en danger de mort. Un jour elle rencontre un pauvre paria portant un grand panier fermé, elle soulève le couvercle et voit un tout petit nouveau né, soulève l’autre couverture : une fillette. Thérèse fait signe à la maman de la suivre au couvent où on lui donnera quelques secours, et pendant qu’une sœur s’occupe de la jeune femme, elle baptise les deux enfants qui n’avaient qu’un souffle de vie : Joseph et Joséphine, donnant à ces 2 oiseaux du Bon Dieu des ailes pour s’envoler au Paradis. Ses lettres des Indes étaient ainsi des plus intéressantes. C’était la connaissance qu’elle fit, d’une Sainte religieuse lépreuse qu’elle aimait à visiter dans sa réclusion. Un grand Seigneur indou pris d’un tel amour pour Ste Thérèse de l’Enfant J. qui l’avait guéri, qu’il avait couvert sa statue de diamants. Une fête nocturne chez un rajah, féerique, avec fantasia de cavaliers, illumination de toute la colline. (Thérèse, avec une sœur, y assista d’une tribune) Je crois que ce fut là qu’elle prit la maladie dont elle souffrit longtemps et mourût !… maladie pour être rester trop longtemps debout à soigner les lépreuses et autres. 1926 Afrique Un autre champ de mission prit encore son cœur. Cette fois ce fut au sud de la Tunisie, à Sidi Saad où le Père Malcor avait élevé près de sa propriété, une petite chapelle, et quelques cellules indépendantes et solitaires pour quelques infirmières qui se donneraient à la prière, à la contemplation, la pénitence et le service des arabes. Le Père Malcor, ancien amiral, s’était retiré dans sa propriété tunisienne, et avait demandé à Mgr de Carthage, un prêtre pour desservir sa petite colonie. L’évêque avait répondu qu’il n’avait aucun prêtre disponible pour un si petit groupe de chrétiens, et que, si l’amiral voulait un prêtre, il n’avait qu’à recevoir lui-même les Saints Ordres. Ainsi fut fait, et quelque temps après le Père Malcor fut rejoint par un Saint Prêtre, âme d’apôtre : le Père Charles (Henrion, ancien avocat de Nancy). L’intention du Père Malcor était un peu semblable à celle du Père de Foucauld : convertir du mahométisme par l’influence du Sacrifice de la Messe, l’oblation du Seigneur pour le salut du monde, en lui faisant prendre possession du désert par les petits sanctuaires qu’il y multiplierait. Les missionnaires, prêtres et infirmiers, devaient joindre la prière, la pénitence, le dévouement sans limite avec les arabes, tâchant de les gagner par la charité. Le Père écrivit des lettres très belles pour développer sa pensée à Thérèse, dont le grand cœur fut séduit par la beauté large et haute de cette conception, et en 1926 elle alla occuper une des cellules. Elle y trouva Melle Matignon, ouvrière admirable de la 1 ère heure, quelque temps après Melle du Laurens de Nanteuil, jeune fille de 24 ans (qui y est encore, je crois), âme d’une haute contemplation. On vivait tout à fait en ermite, chacun dans sa cellule très pauvre, avec une porte et petite fenêtre, faisant soi même tout son repas. Le matin messe puis Office à deux chœurs : les deux Pères d’un coté, les infirmières de l’autre. Quelques indigènes venant passer la tête à la porte curieusement. Une chaleur tropicale, qui faisait parfois fondre et tomber les cierges de l’autel. Mais on priait si bien, offrant avec joie au Seigneur toutes les louanges et les adorations de la liturgie, au milieu du désert, et de ces peuplades infidèles. A certains jours on recevait dans un dispensaire, toutes les misères, souvent repoussantes, de ces gens grossiers et dépravés. C’était souvent le moment de baptiser secrètement les petits moribonds, si nombreux fautes de d’hygiène et de soins. Comme les musulmans sont très méfiants sous tous les rapports de la religion chrétienne, il fallait occuper les mères pendant qu’une autre infirmière conférait le sacrement. Parfois c’était en mettant quelques gouttes dans les yeux de la maman, inoffensives, mais qui l’aveuglaient pour quelques instants,…ou en lui posant des ventouses, faisant tenir la bougie au plus futé des assistants, pour l’occuper. Tous ne mouraient pas, et on ne pouvait les suivre ne sachant d’où ils venaient et où ils allaient, mais Rome consultée à ce sujet, que le Seigneur ayant été si magnifiquement large dans sa rédemption, on pouvait l’imiter. D’autre fois on allait soigner à domicile, sous les tentes, suivant de confiance un Arabe qui venait demander du secours et des remèdes pour des malades : on montait alors sur son cheval ou sur son âne… et on s’en allait…Dieu sait où ! Mais il a toujours gardé ses servantes. Pour le Père Malcor, il parcourait le pays sur un chameau, ayant gardé quelque peu ses allures d’Amiral, tandis que le Père Charles tout spirituel, était le grand directeur faisant monter les âmes… Thérèse vécut là quelques années : la solitude et les beautés du désert parlant à son âme naturellement contemplative et le soin de ces pauvres gens répondant à son besoin de dévouement. Avec sa mission dans les Indes elle compta bien à son actif six ou sept cent ? Baptêmes d’enfants, qui lui doivent l’enchantement de leur entrée en Paradis. Souvent elle leur donnait nos noms, ceux de la famille ou autres, les chargeant d’être nos protecteurs dans le Ciel. Un jour, c’était dans le nord du pays je crois, elle vit, à la porte de la tente une jeune femme qui la salue, elle entra, lui souhaitant le bonjour et se mit à causer. Celle-ci lui raconta qu’elle avait été élevée en Provence, chez les sœurs, puis elle avait suivi un soldat arabe, elle avait cinq enfants, un petit garçon qui était mort sans le baptême,-ce qui lui avait fait bien de la peine ! , – et deux fillettes qui étaient là, 7 à 8 ans. « -Fatma ! », dit la mère à l’aînée, « vient baiser le Christ ». Thérèse le portait ostensiblement sur la poitrine. La petite vint aussitôt et déposa un gros baiser sur les pieds du Seigneur. La seconde, invitée à faire de même, s’y refuse obstinément. Thérèse revint une autre fois, l’Arabe y était, et la petite Fatma s’avisa de dire aussitôt joyeusement : « oh Père ! Voit le Christ ». Thérèse prudemment rentre son Christ de peur d’attirer blasphème ou mauvais traitement, mais en causant avec l’Arabe, elle l’engagea à envoyer ses fillettes à l’Ecole. « Non, répondit-il, elles resteront enfermées comme toutes les filles de ma race ». Thérèse mena ainsi une vie d’ermite et de missionnaire pendant quelques années, heureuse de faire sa cour au Seigneur, de le louer pour tous ces pauvres infidèles qui ne le connaissaient pas, qui priaient cependant à leur façon, et parfois dans de très belles formules tirées de leur Coran. Témoin celle-ci, qui semble presque demander leur conversion : « Louange à Dieu Maître de tous les univers, le Clément et le Miséricordieux, Juge au jour dernier, Toi seul est Celui que nous adorons, et Toi seul est Celui dont nous implorons le secours. Mets-nous sur le droit chemin, le chemin de ceux que tu as comblé de ta grâce, et non ceux contre qui s’étend ton courroux, ni des égarés »… Sur un cachet arabe on pouvait lire : « O Dame Marie la noble, sois notre avocate en Dieu Très Haut ». Daigne le Seigneur et sa Mère bénie, exaucer ces prières et ramener ces pauvres égarés dans le droit chemin qu’ils implorent. Thérèse laissa un souvenir de bonté et d’édification dans la petite et sainte colonie de Sidi Saad, jusqu’à dans la cour des enfants, qui partout et toujours la prenait en affection. C’est ainsi qu’après son départ une fillette arabe de 5 à 6 ans, Aïcha, venait tous les soirs s’asseoir devant la porte close de sa cellule, et y chantait mélancoliquement ses petites complaintes, espérant toujours qu’elle reviendrait. Thérèse avait une sorte d’attirance pour les petits, partout les enfants s’attachaient à elle. Dans une lettre de Bangalore à notre Abbesse où elle lui disait avoir déjà 681 baptêmes à mon compte courant au Ciel, et n’ayant rien fait pour une telle grâce…que le Seigneur est surabondamment bon ! …et ailleurs, au sujet de ces baptêmes : « -que c’est donc beau et émotionnant de faire quelque chose au nom de la Sainte trinité !... De temps en temps, je donne à chacun de vous une de mes journées entière, c’est un petit Tedeum fraternel que je fais avec joie ». Elle avouait avoir jusqu’à 300 clients chaque matinée à Bangalore, jusqu’à 1 ou 2 heures de l’après midi sans désemparer ! Aussi, est-ce bien pour le Bon Dieu qu’elle a perdu sa santé. Elle aimait aussi à donner à ses petits baptisés, les noms de ceux de France : sœurs, frères, neveux et cela pour en faire des petits protecteurs célestes Dernières années à Marseille Thérèse y revint au retour de Sidi Saad, croyant de son devoir de se donner comme compagne à l’oncle Benjamin et tante Léonie seuls et âgés et qui avaient toujours été pour nous d’une bonté extrême. Elle vint donc se fixer au 2 ème étage de la maison de famille du Bd du Nord, et les entoura de tous les soins qu’auraient pu leur donner une vraie fille : faisant la lecture à l’oncle presque aveugle, sortant avec lui, et animant leur foyer par sa joyeuse humeur, sa bonne originalité, son affection. Après la mort subite de la pauvre tante un soir pendant sa lecture, elle fut tout pour le cher oncle désemparé, et qui du reste, ne survécut à sa femme que pendant quelques mois. Thérèse l’aide à mourir en grand chrétien, comme il avait vécu, et cette tâche achevée, la chère maison étant vendu, elle eut la chance d’avoir un étage (Marthe d’abord) dans la maison de St Louis, dont le premier était occupé par notre frère Albert et sa famille. Ce fut là qu’elle passa ses dernières années, souvent solitaire, partageant son temps entre la lecture, des travaux de charité, plusieurs séjours à Lourdes (elle était infirmière à l'Hôpital de Notre Dame des Douleurs) ; chaque année une quinzaine de jours à Solesmes, qui était un peu pour elle une seconde patrie, à Kergonan, et plusieurs saisons aux eaux de…et de Nery, où on lui faisait espérer du soulagement au mal intérieur rapporté des Indes, qui la rongeait de plus en plus lui causant de violentes et douloureuses crises. En 1945 elle nous avouait que sa santé n’était pas brillante : «A mon âge, on ne guérit de rien, et il faut bien finir pour arriver au port. Ma barque a assez bourlinguée pour faire eaux de toute part ! C’est ce qu’elle fait et vraiment il n’y aura aucun regret à jeter l’ancre et à regarder ce pauvre monde du haut du Ciel, le seul endroit sûr. » Au retour d’un séjour à St Chamand, je crois, chez les Rancout, charmants pour elle où elle retrouvait un chaud milieu familial, elle nous écrivait : « Janvier. Vos lettres ont été les premières à me réchauffer le cœur au moins, ce qui est beaucoup au milieu du froid et de la neige que j’ai trouvé en arrivant ici… » Et quelques jours plus tard : « Je suis très fatiguée depuis 2 mois,…aussi vais-je chercher quelque pension de famille pour y aller et finir les quelques jours qui me restent à vivre ; chez des religieuses de préférence, mais on n’en trouve presque plus, les difficultés de la vie ferment leurs portes, et pour une malade, j’ai peu de chance de trouver ! Je ne veux donner à personne chez nous l’embarras de moi. Coraly et Gaby ne peuvent arriver déjà à tenir tête à leur intérieur. Ce sera l’hôpital, je pense, mais un bon, sois tranquille… Peu importe où l’on meurt l’important est de bien mourir. » Avec elle, son amie la Supérieure des Petites Sœurs de l’Assomption, remuait Ciel et terre pour lui trouver une maison de retraite où on aurait pu la soigner, mais toutes les démarches restaient infructueuses le Seigneur décidemment, voulait pour elle la solitude, comme l’abandon de tout désir. Ces dernières années elle avait rêvé de s’établir dans notre chère Sumiane- qui lui était revenue après la mort de maman- au milieu de tous les souvenirs qui y étaient attachés ; elle aurait reçu ses nièces et ses amies, cultivé fleurs et légumes, nécessaires à son régime : « J’y pense toujours et en souffre tant ! Que veux-tu, l’avenir hors du surnaturel n’existe pas pour moi, étant seule, le présent est vite vu, il n’y a que le passé qui puisse retenir mes souvenirs, la Sumiane mon cœur ». Ce souhait ne put se réaliser, et elle en souffrit beaucoup. Le bon Dieu semblait vouloir lui demander un entier dépouillement, et renoncement à tout ce qui aurait pu la rattacher un peu à la vie. |
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La suite est composée de notes éparses. Les lettres Elle aimait alors à venir causer avec nous dans de longues lettres toujours intéressantes, pleines de nouvelles de la famille, -ce en quoi elle avait voulu remplacer maman-, de jugement très sûrs sur les évènements, elle suivait la politique avec l’intérêt d’une vraie française, mais surtout au point de vue surnaturel qui voit toute chose par rapport à Dieu, maître du monde, et que l’on mettait de coté. « J’espère, nous écrivait-elle en 45, que, malgré la clôture, vous vous arrangerez pour voter ? Les Carmélites le font. Il faut que tous s’y mettent pour tirer la France du gouffre où elle est tombée ! Si seulement les gouvernants voulaient bien au nom du bon sens reconnaître quelle force morale immense représente pour la France surtout, le catholicisme ! Quel rang elle reprendrait ! comme elle serait même traitée !, comme elle se relèverait vite, et dans l’ordre ! Et comme on serait plus sûr de l’avenir ! On ne veut pas le voir ! » Lourdes Elle y fait plusieurs séjours, et se fit admettre parmi les Dames infirmières (reçue Hospitalière avec une belle médaille) de l’Hôpital de N. D. des Douleurs, où elle se retrouvait dans son élément avec le soin des malades et ses longues méditations à la Grotte bénie. Elle aimait cette atmosphère surnaturelle qui la reposait. - Elle y alla après son séjour à Solesmes et fit mettre en ex-voto à la grotte une plaque en reconnaissance de notre retour d’exil, et qui porte cette inscription : «Deo gracias et Maria pro felici reditu 1922 » N° 18.191. - Elle s’y retrouva en 1932 - En 1945 elle y resta 6 semaines, après la libération et les troubles intérieurs qui suivirent. A son retour elle nous écrivait : « C’était là seulement qu’on trouve un peu de réconfort et toujours de l’espérance. J’y suis restée 6 semaines, vous portant chaque jour avec moi auprès de N. Dame, où l’on priait comme jamais, je crois !...Beaucoup d’uniformes…J’espère que le Seigneur ne regarde pas que nos crimes, et que le coté surnaturel de la France l’emportera. Oui, son aviateur a (?)…. Espérer, confier… toute espérance ». - A Marseille N. D. de la Garde est non seulement toujours en place, mais elle a merveilleusement gardé la ville. Les avions italiens étaient venus le dernier jour pour leur triste mission, mais un tel orage a éclaté sur la ville qu’ils n’ont jamais pu l’aborder. L’orage était terrifiant. En parlant de Jean Estrangin brièvement, soulignez seulement qu’il était de très bonne famille, distingué de sa personne. A ses heures, généreux, serviable pour les missionnaires et les bonnes sœurs qui l’aimaient beaucoup. A l’hôpital il fut réconcilié avec Dieu par le même prêtre qui avait béni son mariage. (Thérèse a dû racheter son âme). En Août « Nos temps actuels sont si troublés ! Il nous faut vivre comme des taupes dans leurs trous, en aveugles, car tout vient renverser nos plus chères espérances, et la Bête de l’Apocalypse une fois de plus, a l’air de triompher. Dieu qui a toute l’éternité pour punir les méchants, n’a que le temps pour punir les nations. La France en fait l’expérience ! Et comme on ne comprend rien, même après les terribles épreuves subies, on se demande ce qu’il faudrait pour lui ouvrir les yeux… » Suit quelques réflexions sur le procès. - Le Grand Procès qui se jugeait alors, excitait son indignation, comme celle de tous les gens de coeur : « Comme les arrestations et même ce qui s’en suit rappellent celles du Seigneur ! Jugé par la loi, par le peuple qui lui préfère Barabbas !... à la merci du peuple, condamné et mourant pour ses bourreaux ! Cela se voit encore, et ils en sont furieux ». On est honteux de ce qui se passe ! Quelques détails nous sont survenus en 1945 « Nos nombreux neveux se conduisent fort bien au front. Cela fait plaisir. Jean Trochon est venu en congé, le 1er depuis 4 ans. Il a été décoré sur le front par le Général Leclerc, pour avoir ramené à reculons son …? mis en feu par un obus, juste dans les lignes françaises. Les 4 hommes qui les montaient avec lui avaient pu se sauver. C’est du cran pour un petit de 22 ans ! Son frère Max, qui s’est engagé et a déjà eu maille à partir avec les Allemands, a demandé… à être parachuté ! J’avoue que c’est d’un amour immodéré pour les sports ! Quant à André Fine qui s’est évadé de Suisse où il était bien tranquille et bien soigné, il se félicite de la bienheureuse pleurésie qui l’a fait renvoyée d’Allemagne comme malade, et lui a permis d’aller se battre. La mort de Jacques Gros. Le 2ème fils de Jules a eu aussi 2 citations. Enfin toute cette jeunesse est à la hauteur des évènements. Citu ma lettre me raconte tout au long avec enthousiasme la délivrance de Georges qui s’en est tiré jusque autour de son accident. « La France qui a failli mourir de la guerre, meurt de découragement devant l’inconscience de son gouvernement et l’incurie qui est partout. On dit qu’il y a 100 000 jeunes français qui veulent quitter la France pour l’Amérique, tellement leur avenir est compromis ici. Pendant ce temps, les Italiens qui meurent de faim chez eux, passent en foule la frontière, alléchés par la haute paye des ouvriers français… ce que ne feraient jamais les français d’ailleurs ! » 1945. La Libération La bataille de Marseille a été dure. Dans nos collines les Allemands s’étaient fortifiés au bois des Tours (dont le château est en ruines et tous les arbres coupés). Ils avaient mis des canons qui prenaient le long de la route en enfilade et de dessus le viaduc ils tiraient sur tout ce qu’ils voyaient bouger. La Viste a reçu quantité de balles, 2 entrèrent par les fenêtres, les éclats d’obus ne se comptent pas, on s’y étaient réfugiés 40. Le clocher de l’Eglise emporté. Les tableaux de maman intacts ainsi que tous les ex-voto. La Vierge sur un socle fourré d’éclats d’obus. Tant qu’on s’attaquera à la liberté de conscience, en un mot à Dieu, il y aura désordre et grabuge… et aucune paix, tant qu’il n’y aura d’union que pour la haine. Nouvelles des nôtres - « André est revenu après 6 ans d’absence comblés par tant d’évènements ! Il est revenu avec un galon de plus (capitaine) et 2 citations. Il repart dans 8 jours faisant l’occupation du Tyrol. Il est enthousiaste, plein de vie, d’ardeur : notre armée est merveilleuse, mais elle est en Allemagne, et pendant ce temps les étrangers et les mauvais français en profitent, et font, à la France, la vie dure ! Ils embobinent les rapatriés seulement pour eux, se font les porte-parole du soi disant mécontentement, et fomentent le désordre… » - Madeleine (de Lacheisserie) est venue passer quelques jours à la Viste avec la petite Bernadette. Elle est illisible de vraies idées patriotes et bien françaises. Régis ne peut quitter Bordeaux étant surveillé. On va le juger bientôt, avec les autres dans son cas, dont un docteur de la ville qui a 9 enfants, (-c’est ceux-là que l’on traite d’antipatriotes-), et qui est très bien. Le soir ces prisonniers faisaient leur prière en commun, et le docteur qui la disait, ajoutait à la fin : « Prions maintenant pour nos persécuteurs ! » suivait une prière. Cela remplissaient de colère ceux qui les détenaient. - Ailleurs ce sont des détails sur la Paroisse de St Louis : le zèle du jeune Curé et des Vicaires : Les messes expliquées… mais ce sont des années qu’il faudra avant que de solides racines, capables de tenir soient développées. - Le mal aussi se démène, et sous des couleurs neutres se dissimule mieux et fait plus de mal. Il y a des centres communistes partout, à St Louis tout près du presbytère, les femmes communistes s’intitulent : les femmes de France… on y invite la jeunesse à des bals, des excursions, etc. - Si le mal s’affichait plus que le bien, elle était heureuse de constater combien la religion était demeurée au fond des âmes et que le feu sacré se rallumerait au moindre contact. - En 1946 c’est la promenade triomphale de N .Dame de Boulogne qui fait battre son cœur : « Il me semble que le Bon Dieu ne pourra pas permettre que la France sombre ! La Ste Vierge la repêcherait en tous cas… Espérons ! Je demande un miracle, car nous n’avons rien mérité, et l’après guerre pas plus que la guerre nous a changés »…. Moine attelé à un char, pieds nus… histoire de N. D. à Paris… lettre de Jeanne…quelques détails sur nos neveux …etc. Août 46 Anniversaire de la mort de maman « Nous vivons ensemble tous nos chers anniversaires : c’est moi qui ai veillé maman à sa dernière nuit, tranquille du reste, ce qui ne me faisait pas supposer son départ si proche, dans la matinée du lendemain. C’était dans sa grande chambre de la Sumiane ! Tout cela m’y a ramené, j’en ai revu tous les coins et recoins…tous…avec meubles, portes et fenêtres. La fête de papa (9 Août) m’a ramenée au rez de chaussée, sur la terrasse…j’y passe des heures…que veux-tu, l’avenir en dehors du surnaturel, n’existe pas pour moi, étant seule, le présent est vite vu, il n’y a que le passé qui puisse retenir mes souvenirs et mon cœur… » « Tout cela est loin avec tant d’autres choses. Avant-hier j’ai voulu encore revoir la maison (Rue de la Bib ??) que de souvenirs ! Mes yeux se brouillaient…je pouvais à peine la voir…le salon était éclairé…J’aime encore tout cela. » Les bourses missionnaires C’est ainsi que loin de vivre repliée sur elle-même, toutes les grandes questions l’intéressaient. Ne pouvant plus, à cause de sa pauvre santé prendre une part active dans l’armée du bon Dieu, elle songea, à y travailler encore, par des représentantes. Dès 1939 ayant vendu un immeuble, elle pensa que le meilleur placement de l’argent de la vente, était, en fonds sur l’éternité, et elle a fait, pour ses missions, 2 bourses de 20 000 : l’une à Mgr Demange évêque de Taïkou en Corée et la seconde à l’œuvre de St Pierre Apôtre. Elle suivit dès lors les jeunes séminaristes bénéficiaires de la charité, avec son cœur de vieille missionnaire, presque de mère spirituelle, leur écrivant, leur envoyant de petits cadeaux : chapelets, crucifix, linges… Sa mission de Corée l’occupa beaucoup. Elle vit le Saint Evêque à son voyage en France ; s’intéressa aux sœurs de ST Paul de Chartres qui tenaient un orphelinat à Taïkou, travailla à de nombreux vêtements pour les orphelins, et le combla de petits cadeaux. Pour son jeune séminariste indigène : François-Xavier Sa, son fils spirituel, ordonné prêtre en 1938, elle fit faire un calice avec des bijoux,-entre autres, un beau bracelet en or de maman-, et nos initiales gravées sous le pied. Le jeune prêtre a dit souvent la Ste Messe à ses intentions…tous les mois je crois ? (Maman devait en être très heureuse, elle protégea aussi un jeune Prêtre indigène, lépreux, qui lui voua une grande reconnaissance. L’évêque l’avait mis comme aumônier dans une léproserie au Japon, où il faisait beaucoup de bien, et nous racontait des nouvelles de ses lépreux dans des sentiments admirables). A l’œuvre de St Pierre Apôtre elle eut comme bénéficiaires de sa bourse successivement un Chinois, un Malgache le Père Raymond Baka et un Cambodgien envoyé pour ses études au Séminaire d’Issy. Il a de très bonnes notes de son supérieur, nous écrivait-elle, et sa lettre à Paul, montre bien sa nature simple, enfantine, franche, profondément religieuse, en même temps forte et courageuse car ses épreuves intimes ont été durement ressenties par son âme délicate…j’envoie par toi cette lettre à Paulette…il est bon de connaître notre famille missionnaire qui s’octroit de bons sujets, et tes prières pour lui ». Pour la Corée, mission confiée par Mgr Dem. A Ste Cécile, je partageai avec elle ses soins de ses séminaristes. Pour S. P. Apôtre c’était J. Michel et Paule qui en étaient chargé. Citer les lettres de ses fils, après sa mort. Je pense que vous les avez. Cet abbé Pierre S. fut le dernier de ses protégés, quelques jours avant sa mort, elle lui envoyait encore un gros ballot : Un bon chandail (1), car le froid de l’hiver le faisait beaucoup souffrir, des livres, des chapelets, un beau christ pour sa chambre. Le jeune abbé la remerciait chaudement. Il fut ordonné prêtre quelque mois après sa mort et lui témoigna sa reconnaissance en se hâtant de célébrer plusieurs fois la Ste Messe à son intention. Leur bien spirituel la préoccupait encore plus : « Je vais envoyer à nos prêtres missionnaires, m’écrivait-elle, des fragments des conférences de D.Dlatte, ses épîtres…tout ce que je t’ai pieusement chiffré ! Cela leur fera grand bien. Je les ai lus et relus et les relis encore ; mais, une fois bien imprégnée d’encre comme une éponge, je vois plus loin et veux contribuer à étendre leur bienfait. Un missionnaire y trouvera tout réconfort ». Mort de Mère Marthe - Très douloureusement ressentie par Thérèse qui aimait s’appuyer sur son affection surnaturelle (copier la lettre d u 1 er Février) et quelques passages de celle du 22 Février. …Ainsi de souvenir Depuis avec son cœur si fidèle, Thérèse allait souvent, par la pensée, rejoindre notre aînée dans ce beau Paradis de joie et de repos, où elle la sentait : « J’appelle souvent Mère Mimy à mon secours, car je suis toujours seule, jusqu’à présent elle y est venue. Mais il faudra trouver pour moi, un petit coin pour y mourir avec un minimum de secours, et pas toute seule ». Aux approches de Pâques 49 : « Tu mettras en réserve jusqu’à Pâques, les alléluia que notre aimée serait désolée que nous ne chantions pas avec elle ; sa joie doit être si parfaite, la fête au Ciel si belle, comment ne pas nous unir de tout cœur ? Sans arrières pensées, sans retour sur nous-mêmes, sans regrets même…elle qui voit, qui sait parler maintenant, qu’elle soit au contraire notre interprète dans ces alléluia que nous ne savons que balbutier, pour remercier le Seigneur de son amour et de sa miséricorde. Nous en avons toujours besoin et plus que jamais : que l’arrière est donc invariablement vilain, pendant que la défense à l’avant tout de patriotisme et de courage. C’est probablement qu’à l’arrière on fait de la politique, et mauvaise, tandis qu’à l’avant on est Français et rien que Français. » De mère Marthe J’avais envoyé quelques souvenirs dont elle me remerciait : « Tout est arrivé en bon port, et Albert a eu la bonté d’aller chercher le colis en gare. Tout était précieux, et depuis hier, plongée dans ces souvenirs de jadis, je revis le passé… si loin déjà, mais si présent toujours. Le souvenir de notre aînée embaumait tout cela, merci ». 30 janvier 46 « Et nous voilà arrivées aux derniers jours de notre chère Mimy, il y a 1 an ! Je ne pense qu’à elle ! Je crois que nous ne soupçonnions pas assez sa sainteté : elle était humble et le cachait j’en suis sûre ; et puis elle était si toute à tous, comprenant tout, s’y adaptant ». - Une autre lettre : « Mimy avait la bonne habitude de me prendre avec elle dans ses communions, ses adorations, les fêtes, et j’aimais bien cela…et je dis bien souvent au supérieur que je l’aime et l’adore avec Paule et toi. » « Marie toujours, et surtout maintenant. » Elle note aussi : notre chère Thérèse était humble et ne se connaissait pas. - Derniers jours Pour elle aussi l’Eternité approchait, elle le sentait et s’y préparait dans le calme, la solitude, et sa foi profonde. En Août, elle m’écrivait : « Je relis les Conférences du Père Abbé (dans la vie sp.) solitude, maladie, mort ! C’est le cas où jamais ; je suis seule toute la journée… A Dieu tu sais que je t’aime, mais je crois que tu ne sais pas combien. Son cœur si affectueux, et si privé de ce coté, s’appuyait sur notre affection qu’elle sentait si profonde et si surnaturelle : « Je vis avec toi et Paule, dans ma solitude ». Vous pourriez, petite sœur, ajouter ici, à propos de la Vie sp. Que vous avez quelques lignes pour faire du bien à ceux des nôtres qui vous liront…nos frères… De plus en plus, elle se détachait de tout : « Que veux tu, tu le dis très bien : nous ne comptons plus, nous sommes du siècle dernier ; il faut savoir en prendre son parti. Pour vous c’est plus facile : la démarcation est faite, vous êtes d’une autre famille sur laquelle vous pouvez compter. Pour moi, je ne sais vraiment pas où aller mourir ? Je lis le manuscrit sur le 8ème chapitre de St Paul aux Romains, et quand j’ai fini, je recommence… je le saurai par cœur. J’admire comme c’était facile au P. Abbé de vous en appliquer la pratique : tout vous y porte, on vous y trouve, vous n’avez qu'à suivre votre règle, et vous voilà souples et dociles au St Esprit : vous êtes appelées élues, archi sauvées par votre vocation. Ce n’est pas si facile pour ceux qui sont dans le monde ». - « J’ai lu dernièrement l’Apocalypse,-pas avec ses lumières bien entendu-, mais avec bien de l’humilité pour n’être pas capable comme les gens de Palmos, d’en comprendre les profondeurs. Dieu s’y montre infiniment bon pour ceux qui sont marqués de son sceau, et terrible pour tant d’autres ! Je sais bien qu’il suffit de croire en Lui, pour n’avoir pas peur. » Croire en Lui, s’appuyer sur Lui, se jeter dans ses bras, comme elle s’y était réfugiée à travers toutes les douleurs de sa vie, ainsi faisait-elle avec ses derniers jours. Ces douleurs et ces déceptions qui s’étaient succédées sans arrêt dans son existence elle les regardait à cette heure comme des grains envoyés par la tendresse de Dieu… ce qui lui avait manqué ici bas. Le Seigneur en effet avait paru se plaire à purifier et à armer cette âme en la faisant passer par une série d’épreuves, et en dernier lieu, par cette solitude, qu’elle redoutait avant de l’embrasser, afin de pouvoir lui donner une certaine ressemblance avec Lui et de pouvoir plus largement l’introduire dans les joies éternelles. Elle en sentait déjà les premières heures, avec un redoublement de son mal et au début du mois de Novembre elle écrivit plusieurs lettres d’adieu à nous deux et aux Petites Sœurs de l’Assomption. Nous la retrouvons là toute entière avec sa foi si profonde, son abandon au Seigneur, son cœur si chaud et si fidèle. Quelques lignes nous disent ce qu’elle pensait à cette heure. : « Ma chère Jeanne, je crois bien que c’est une des dernières fois que je t’écris (si ce n’est la dernière). Je suis si souffrante et me sens à bout de force et de souffle. Je n’ai trouvé de refuge dans aucune pension de famille religieuse : pas de place parait-il (comme pour N. D….). Le bon Dieu sait ce qu’il fait, et mon lot aura été la solitude jusqu’à la fin ; j’accepte tout bien sûr. Il faudrait que j’aille jusqu’à Marseille mettre ordre à quelques affaires, je ne sais si je pourrai y aller, je souffre souvent beaucoup… j’ai rapporté cela de l’Inde, il n’y a rien à faire que prendre des calmants, qui souvent ne calment rien. » (Elle était allée passer un séjour à l’Hospitalière et s’était fait faire une piqûre de plus, pour tenir, cela l’a tellement fatigué qu’elle y est restée que 3 jours en tout ). Cette lettre faisant allusion à son dernier séjour à l’Hôpital, elle continue sa lettre : « J’ai revu une dernière fois la Sumiane, pas un arbre ne la cache, pauvre Sumiane si chère toujours… mais offerte au Seigneur. Surtout quand je ne serai plus là, ne tombez pas dans l’erreur de dire : elle est au Paradis !... et priez pour moi ! J’ai écrit ce mot en deux jours en y revenant 3 fois. Je voudrais écrire à Paulette, elle a le cœur si sensible. Je la ménagerai, elle est si surnaturelle aussi ! A Dieu je t’aime tout plein et t’aimerai après encore et encore. J’ai confiance, le Seigneur ne m’a pas oublié puisque j’ai souffert. Je suis très seule toujours mais j’accepte tout. Je t’embrasse de tout mon cœur qui vous aime tant toi et Paulette et surtout ne te tourmente pas pour moi ». Thérèse. Croire en Lui, s’appuyer sur Lui, se jeter dans ses bras comme elle s’y était réfugié à travers toutes les douleurs de sa vie, ainsi faisait-elle encore plus en ces derniers jours avec cette sécurité et cet abandon filial qui honore tant la tendresse paternelle de notre Dieu. Au reste ces douleurs et ces déceptions qui s’étaient succédées presque sans arrêt dans son existence s’éclairaient alors de merveilleuses clartés, elle y reconnaissait les voies mystérieuses de la Providence, et le regardait comme autant de grains envoyés par la tendresse de Dieu pour la détacher du créé et la forcer à se réfugier en Lui, et à trouver en Lui le centuple de tout ce qui lui avait manqué ici bas. Le Seigneur continuait son œuvre sur son âme en continuant dans le mystère de sa vie, et jusqu’à la fin cette épreuve de la solitude, qu’elle redoutait tant, mais qui est souvent le partage des âmes d’élite, et qu’Il a voulu ressentir lui-même dans sa Passion. Dernière purification pour le servir avant de les introduire dans ses joies éternelles. L'éternité Thérèse en ressentait déjà ses premières lueurs avec un redoublement de son mal : elle crut cependant pouvoir accepter l’aimable invitation de Xavier et de Gaby d’aller passer avec eux le 1 Novembre, mais comme elle souffrait et pour être plus sûre de durer elle se fit une piqûre de morphine, peut-être trop forte ? Mais qui amena une telle réaction qu’elle dût se coucher et rester 3 jours à l’Hospitalière. Ce fut le commencement de la fin. Thérèse ne se fit pas d’illusion et écrivit alors plusieurs lettres d’adieu : à ses sœurs moniales et à deux petites Sœurs de l’Assomption avec lesquelles elle était en intimes relations. On la retrouve si bien dans ces lettres avec sa foi profonde, son abandon à tous les vouloirs du Seigneur, et son cœur si chaud et si fidèle, que nous en citerons quelques passages : Le 6 Novembre elle m’écrivait : « Ma chère Jeanne… Le 9 Novembre à Paule… (Bien dommage de ne pas avoir celles de M. Mane…) Enfin le 12, elle refaisait son testament, simple et humble, se remettant tout entière à Dieu, faisant quelques legs charitables… Elle s’affaiblissait de jour en jour, ne prenant presque plus rien et perdant toute force… elle voulut cependant remplir son devoir de française et alla voter au bras d’Albert, car elle tenait à peine debout. Energique jusqu’au bout, le samedi 23 elle se leva encore, et se mit sur sa chaise longue, mais à un moment , essayant de se relever elle tomba à terre… heureusement Coraly qui était en dessous entendit la chute, et se hâta d’accourir pour l’aider à se relever. Thérèse lui dit alors qu’il serait temps d’avertir le Curé de la Paroisse, afin qu’il vint dès le lendemain lui administrer les derniers sacrements. Le Seigneur était plus proche encore. En effet elle se coucha comme à l’ordinaire quand vers 9 heures, la garde qu’on lui avait procurée, s’aperçut qu’elle perdait connaissance (prendre le récit sa lettre, on pourrait citer la prière de Mère Agathe ?). Xavier essaya en vain de se faire reconnaître ! Sous son apparente insensibilité il se peut que le Seigneur en la confisquant extérieurement lui ait permis de remettre elle-même son âme entre ses mains ! Il est si fidèle, et il y a souvent une telle lucidité chez les mourants. Après La rapidité de cette mort surprit douloureusement autour d’elle, d’autant que le Docteur consulté lui donnait encore plusieurs semaines de vie. Mais l’heure du Seigneur avait sonné pour elle : ne nous a-t-il pas averti qu’Il viendrait comme un voleur : « Vigilate quia nescibis diem neque harem » Céleste parole ! Thérèse connaissait le conseil divin et le Seigneur la trouva prête. Qui sait si malgré l’insensibilité apparente, il ne lui avait pas permis de remettre elle-même son âme entre ses mains bénies…Il est si fidèle et il y a souvent une telle lucidité chez les mourants. Aussitôt après la mort, Xavier eut la bonne pensée d’aller demander, pour le repos de son âme la messe de 9 heures à l’Eglise de la Viste Un te deum commença dès le lendemain chez les pères de Timond. La physionomie calme de notre chère défunte ressemblant à un sommeil, à un doux repos, succédait aux vives douleurs de ces dernières années. Elle fut entourée de prières jusqu’au moments des funérailles, très simples, mais toujours imprégnées d’une atmosphère surnaturelle. Les lettres vinrent nombreuses, non de simple politesse, mais redisant l’estime et l’affection qu’on lui avait voués, dans la mesure on où on avait pénétré dans cette âme fière, très haut, mais très humble, qui ne s’ouvrait pas à tout venant. Ce nous fut une joie pour nous qui l’aimions toujours de recueillir ces témoignages. (Citer les lettres : Mère Marie du Sacré Cœur, M. Antoinette de Gissac ? Père Charles, etc.) |